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dimanche 30 mars 2014

ANNA LOGON - LES DOIGTS PLUS COURTS QUE LA TËTE - PIANO VOIX





L.V. Beethoven - Sonate N°14 - Op27 - Moonlight - Mouv1 - C sharp minor

(Extrait par Anna)




Les doigts plus courts que la tête


Il est arrivé dans ma vie
Un après-midi de novembre.
Sans smoking, ni queue-de-pie,
Il n’allait pas au concert.
Il était venu vers moi
En sobre tenue noire,
Simple et élégante.
Comme il était beau !
Je l’ai longuement épié,
Admiré encore, et encore,
D’une retenue effarouchée,
À l’ombre d’une timide inquiétude.
Rêveuse, le sourire déjà aux lèvres,
Je le contemplais en sourdine,
Mille morceaux en tête.
Alors j’ai regardé mes mains,
Aux doigts si courts,
Si si je m’en souviens...
Sauront-ils encore caresser,
Accompagner la descente
Des marches de ce noir escalier ?
Et mes yeux... que liront-ils en lui ?
Surgirait-il quelques altérations ?
Avais-je conservé toutes les clés ?
Tant de secrètes questions...
Je ne le connaissais pas, pourtant,
Il ne m’était pas totalement inconnu.
Mais lui... aimerait-t-il cette rencontre ?
Oh, je sais bien ce qu’il attend,
Il est comme tous les autres...
Mon cœur aussi soupire passionnément,
Mais cela pouvait-il être suffisant ?
Quarante cinq ans après...
De cette lointaine initiation,
J’en avais gardé tous les papiers certes...
Mais qu’en restait-il vraiment ?
Certains semblaient toujours... bien trop noirs,
Triples croches, bécarre, et clé de fa...
Trop peu de doigts et pas assez d’yeux !
Inaccessibles !
Pourtant, c’était bien là ma précédente aventure
Avec un bel ami, son congénère, son frère...
Et si ces retrouvailles étaient une bêtise ?
Recommencer une telle histoire d’amour
À la veille du troisième âge,
Est-ce bien raisonnable ?
Trop tard pour y penser,
J’avais fait le premier pas vers lui,
Nécessairement, le deuxième devait suivre.
J’ai ouvert « La Méthode Rose »
Raccommodée, scotchée, si pâle.
Comme si je reglissais mes mains
Dans les gants que je portais petite fille,
Me suis approchée du noir désir.
Page 6 : « Les cinq doigts »
Page 8 : « Études rythmiques »
Dix fois, vingt fois,
« Répétez » dit le maître...
Ses portées étaient à la mienne.
À la nuit, je m’arrêtais au « Chant du Soir » page 33.
Radieuse, j’avais dix ans
À nouveau...
Enfin je te retrouve, Ludwig,
Au clair de notre lune préférée...
Ah la mémoire auditive,
La mienne meilleure que la tienne ?
Prétentieuse, je n’en suis pas si sûre...
Mémoire procédurale de mes doigts,
Enchaînements ravivés. Magie !
Ma tête affabule encore,
Bach, Debussy et Ibert...
C’est beau la machine humaine.


Mais j’ai toujours les doigts trop courts... 



Anna Logon – 15 Janvier 2014 ©



3 commentaires:

  1. Tout comme j'aime!! Ce piano qui trouve tes doigts suffisamment longs, cette voix joyeuse, mutine, Beethoven et bien-sur ce très joli texte qui chante, qui chante...Merci pour ce moment de grâce!

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  2. Oh mais je n'avais pas remercié notre chef d'orchestre ! Merci Tippi Bisous ♥

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    Réponses
    1. Un grand sourire Anna ! Ce texte m'a enchantée et transportée ... chez moi ! Et zut à moi qui n'ai pas su honorer mon bel ami noir et blanc ni d'ailleurs sa copine Clari Nette !

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