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lundi 31 mars 2014

MARCEL FAURE - 0021 à 0025 de La danse des jours et des mots



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Jeudi 14 octobre 2011

C'est une infiltration. Cela coule de partout. Comment est-ce arrivé ? Depuis combien de temps ? Froid dans le dos quand j'y pense. Et quand je n'y pense pas, cette fuite d'encre, cette logorrhée qui s'épanche et que je ne contrôle pas, chaud dans le cœur.
Contradictoire.
Pas si abondante pourtant cette fuite. Des coulées rapides et furieuses, par intermittence, comme un refrain qui s'entête, un geyser métronome une pulsation vitale. Ce besoin de dire, ici, dans l'urgence la beauté rousse de la colline, les arbres qui s'endorment, la sève qui s'apaise et les feuilles désorientées. L'automne glisse doucement vers l'hiver. Cette fausse absence de vie, ce repli stratégique sur soi-même, pour mieux éclater, pour mieux exalter.
Nulle impatience, cela s'infiltre tranquillement, cela coule inexorablement. C'est arrivé il y a ... si longtemps. Des cycles et des cycles. Une ronde où, parfois j'ai peur, parfois je ris.



Vendredi 15 octobre 2011 

Je me suis glissé dans cette peau d'écrivain qui ne publiera jamais avec une satisfaction jubilatoire.

— Qu'est-ce que vous faites aujourd'hui ?
— Rien, je rêve ...
Un délice. Un chewing-gum qui ne perd jamais son goût. Léger comme la barbe à papa. Une gourmandise entre sucre d'orge et chorizo ... Rien. L'été, c'est maintenant, tout de suite.

— À quoi ?
Ben j'sais pas trop. Je suis en latence. Dans une file d'attende devant un musée, à la boulangerie, ailleurs, ce ne sont pas les files qui manquent. Un livre, mon stylo, de quoi écrire. Je n'avance pas, on me pousse.

— À quoi pensez-vous dans la salle d'attente d'un médecin,
— Et bien ... ...

Bon, celle-là, elle ne me posera plus de questions. Dépitée de mon manque de coopération, elle s'écarte avec une moue méprisante. Je ne fais toujours rien, mais au moins, maintenant, je le fais en silence.



Samedi 16 octobre 2011 

Soudain ... Fusion.

Je suis comme un piano effleuré par les doigts de la lune. Tout cet amalgame informe, qui mijotait à petit feu se lie. L'évidence. Les ravissantes syllabes que sa bouche prononce, je les comprends.

Je suis la rondeur douce et ferme de ses lèvres, la langue agile et humide, la gorge qui vibre, la bouffée d'air qui enveloppe les sons. Je suis cette odeur qui l'accompagne et ses doigts à elle qui palpent la lumière.

Je suis l'ombre à ses pieds et le soleil qui l'éblouit. Tellement intense. Trop intense. J'explose.

C'est tout ce qu'il m'est possible de lui donner. Des mots qui la portent jusqu'à demain.

Alors, le peu qui me reste, je le couche ici, pour un autre jour.



Dimanche 17 octobre 2011

Les dimanches ... autrefois ... repas de famille. Quel ennui ! Les petits plats dans les grands ... Les repas qui s'éternisent. Les enfants sous la table, les adultes aussi parfois. On sonnait à la porte; vite, trois quatre assiettes de plus. – Vous resterez bien à manger – On restait.

Les dimanches ... jamais plus sans invitation. Et lorsque vous êtes invités, toute la cuisine est en chambard. Les petits plats ... dans des plus petits encore. Des préparations sublimes, des mets de choix ... qu'il faut chercher dans l'assiette, si on la trouve celle-là au milieu de toute cette luxuriante décoration. Faire comme si l'on était riche, gourmet, spécialiste des grands crus classés et donner son avis sur la qualité des produits. À la fin du repas ... j'ai faim.

Téléphone oblige, les dimanches, plus personne ne toque à la porte à l'improviste. J'en arrive parfois à regretter cette convivialité bon enfant de mes jeunes années. Le vaisselier est en vacance.

Dring dring.

Sûr, la voisine manque de sel. Deux coups, c'est son code. Raté, devant moi une espèce de clochard, vêtu comme ... à la fin du 19ème siècle, avec un visage émacié, presque cadavérique.

— Paul Verlaine, puis-je entrer ?

Choc, incrédulité, respect, il faut en avoir du culot, quand on a faim pour venir ainsi forcer la porte des gens.

Il me repousse, s'empare d'une chaise dans la cuisine, se dirige vers ma chambre, retire une espèce redingote qu'il plie soigneusemen; il la pose au pied du lit et s'assied de l'autre côté de la table de chevet.

— C'est bien ici que vous recevez n'est-ce pas ?

D'un Pff méprisant il élimine la concurrence qui l'encombre.

— Vous avez quelque chose à boire ?

Je sors une bouteille de gnole presque pleine et un petit verre à liqueur.

— Ah ces modernes, ils ne connaissent même plus l'absinthe. Z'avez rien de plus grand ? dit-il en désignant le verre.

Je bafouille, je ne sais plus trop où j'en suis. Je fouraille dans le buffet et place devant lui un verre " plus convenable à sa soif " selon lui. Ras bord ... cul sec. Il se ressert sans rien demander et lampe maintenant à petites gorgées. Ce qu'il est venu faire chez moi, je ne sais trop. Subitement :

— Qu'avez-vous lu de moi.

— Mais tout dis-je en bafouillant.

— C'est-à-dire ?

— Le dormeur du Val.

Ses yeux, deux sabres qu'il dégaine. Deux trous au côté droit, trop doux pour moi. Il me dépèce, me lamelle, me hache, me déchiquette, me lacère ... j'éclate de rire, emplis son verre, la bombe est désamorcée.

— Alors, reprend-il la bouche un peu pâteuse.

— Cortège, Chanson d'automne, Art poétique, Il pleure dans mon cœur ...

À cette évocation de Rimbaud, qu'il avait écrite en pensant à " Il pleut doucement sur la ville." Il sourit. Je vois que ma bourde de tout à l'heure est oubliée. Parce que c'était bien une bourde, ma mémoire me joue souvent des tours qu'ensuite je ne sais comment réparer.

D'un geste il m'interrompt.

— Un peu bateau maintenant cette chanson d'automne, mais c'est de "Art poétique " dont je voulais vous entretenir. Votre poésie manque de souffle, de rythme, de rimes, de précision, d'ambition, de nuances, ...

— Tant de reproches, à faire pleurer les yeux d'Arthur, ne dites-vous pas exactement le contraire pour ce qui est de la rime : " — Ô qui dira les torts de la Rime ! — Quel enfant sourd ou quel nègre fou — Nous a forgé ce bijou d'un sou — Qui sonne creux et faux sous la lime ?

— Oui, mais, "De la musique avant toute chose, "

— " Et tout le reste est littérature," je sais, je préfère aller " fleurant la menthe et le thym." Je n'ai aucune prétention littéraire sauf celle de jouer un peu avec des mots qui roulent ou qui ne roulent pas, qui me roulent dans la farine, avec des mots "solubles dans l'air". Je n'ai pas cette prétention à publier. Il est maintenant un peu tard pour moi. Je me dissous un peu trop facilement ou je reste coincé entre deux vers, les vôtres, mais aussi ...

Il ronfle, l'effet poire. Allez ouste, du balai, me dis-je, en rangeant son livre sur l'étagère. Et cette bouteille presque vide ... !




Lundi 17 octobre 2011 

Calme plat. Gueule de bois. La poire ! La cognée d'un bûcheron sur mes tempes. Ah ! Verlaine, Verlaine ... Précieux aimant.




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