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mardi 20 mai 2014

MARCEL FAURE - 0056 à 0060 de La danse des jours et des mots

MISE EN VOIX MARCEL FAURE



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Jeudi 17 novembre 2011

Un grand bruit dans ma chambre. Je me réveille en sursaut. Dommage, je flirtais avec l'éternité, une éternité fraternelle dans un décor feutré et vaporeux ... Et patatras.

— Ça fait mal.
Dans un halo bleuté un grand escogriffe barbu et ébouriffé se masse le genou en marmonnant.
— Comment dis-je, en prenant le ton de quelqu'un que plus rien n'étonne.
— j'ai perdu l'habitude d'enfiler un corps d'homme. Suivez-moi dit-il d'une voix si impérieuse et autoritaire que nul n'oserait le contredire.
Maintenant plus du tout rassuré, je murmure :
— Qui êtes-vous ?
— JE SUIS DIEU tonne-t-il
J'étais donc en présence de la Majuscule suprême qui venait de pénétrer par effraction dans mon intimité. Moi qui suis athée, je venais de prendre un sérieux coup sur la tête.
Et de m'expliquer : vous comprenez jeune homme (évidemment, par rapport à lui ...) comme promis dans les textes sacrés, je veux vous envoyer mon fils une seconde fois, mais avant je souhaite m'assurer que vous n'allez pas me le trucider à nouveau, parce que, honnêtement c'était pas vraiment écrit cette histoire de croix. — Là je carpe un peu de la bouche. — Et comme s'il lisait dans mes pensées ... j'espérais bien dit-il que cette fable d'Abraham et de son fils aurait été comprise, mais voilà ... suivit d'un long silence.

— Vous allez me servir de témoin, partons réveiller tous ces papes qui devaient préparer l'avènement pour les remettre au boulot.
Et nous voilà parti, chevauchant de tombeau en tombeau, soulevant une à une toutes ces pierres de marbre, réveillant un à un les vénérés Saint Pères, les catholiques, les orthodoxes, les pas très orthodoxes, les déviants, les assimilés, les Grands Rabbins, Le Prophète, les gardiens de La Mecque, tous les tenant d'un Dieu Unique, avec pour seule consigne, un grand rendez-vous au sommet du Sinaï.

Il s'agit de rétablir la seule vérité qui compte, m'explique-t-il lorsque nous abordons les premières pentes de la montagne sacrée, celle qui ne devrait même pas être un commandement, mais une évidence, aimez-vous les uns les autres.

Rassuré sur ses intentions par cette dernière phrase, j'ose enfin lui rappeler que je suis athée.
— J’avais besoin d'un témoin impartial.
Que croyez-vous qu'il advint. Tous ces saints pères, ces sages déplumés n'eurent qu'une seule hâte, celle de retrouver les attributs de leur défunte autorité. Qui sa crosse de fougère, pour les moins belliqueux, son gourdin pour les moyenâgeux, sa crosse de fusil pour les va-t-en-guerre, son chandelier massif et contondant pour les tenants de la vieille tradition. Arrivés en haut du Sinaï nous les trouvâmes en piteux état.

Avez-vous entendu la colère de Dieu ? Moi si. À coté, l'explosion d'un volcan, c'est de la bibine de chats. Craignez, craignez, le Châtiment de Dieu.
— Je vous condamne à vivre éternellement sur terre, hurla-t-il.
— Merci du cadeau, dis-je, en contemplant les bannis toujours à s'étriper.

Épuisé, il ne me répondait pas. Nous survolions la terre et pour me remercier, il me la laissait entrevoir tel qu'il l'aurait voulu, la perfection ronde, la splendeur blanche, la merveille azurée, la luxuriance verte, l'immaculée transparence de l'eau ... et soudain, cette question :
— À qui faut-il s'adresser pour devenir athée ?



Vendredi 18 novembre 2011

Si nous étions immortels, par manque de place, il faudrait arrêter de faire des enfants.



Samedi 19 novembre 2011

Suis-je vraiment coincé dans cette époque ? D'un point de vue purement matériel certainement. Physiquement je me contente d'y prendre le soleil et j'ai de l'empathie pour ce monde un peu fou. Mais je me réinvente hors des ornières et de la boue.

Je chante l'univers et l'univers me chante, dans tout ce qu'il a de jubilatoire et d'espoir, la sphère lisse du bonheur. Aimer les embruns de tes yeux autant que le clair de tes rires, l'amer de ton sourire, comme la vivacité joyeuse de ton regard. Le froid et le chaud, le sucré et le salé attisant mes désirs. Oser le monde plus beau pour toi, pour nous, pour nous tous.

Vu d'ici, de ma tour si banale et pourtant si multicolore, j'observe tous ces liens, fils d'or entre les hommes qui se créent un chemin dans le labyrinthe des maux. Petits gestes ou grandes solidarités, c'est égal. Toujours, quelqu'un, quelque part, tend une main, offre un sourire, échange quelques paroles gentilles, transmet son savoir, comme çà, gratuitement. Ils ne sont pas de leur époque. Ils dansent, ils chantent que rien n'est écrit.


Dimanche 20 novembre 2011

Le désespoir est un état d'esprit qu'il faut combattre. Sûr, la vie n'est pas drôle pour beaucoup d'entre nous, chômage, pauvreté, conditions de travail inadmissibles, handicap, santé ... qui provoquent l'angoisse du lendemain, mais aussi brisent les couples, et rejettent dans la marge bien des enfants.
Pourtant des gens surnagent. Jamais ils ne renoncent à vivre. Ils continuent d'aimer. Ils sont des joyaux que jamais aucun tas d'ordures ne réussit à avaler. Et surtout, ils gardent leur cœur ouvert, ils aident, ils s'entraident. Ils refusent cette sorte d'assignation à résidence que leur impose leur condition précaire.

 Oh, le désespoir, ils le connaissent bien, et l'abattement qui va de pair aussi, mais jamais ils ne pleurent sur eux-mêmes, mais sur les autres.
Et cela change tout. Le désespoir, ils le pulvérisent d'un sourire. Tous les jours, ils renaissent. Ils éclairent avec constance, avec acharnement. Ils me guident.

Souvent je suis triste, c'est vrai, mais désespéré jamais. Alors je fais ce que je sais faire un peu, quelques lignes pour eux, pour cette joie qu'ils dispensent, pour cette présence d'humanité au cœur de la tourmente, pour cette fierté qu'ils me donnent d'être un homme parmi les hommes, pour eux et pour tous ceux aussi qui oeuvrent avec eux.
Le désespoir, ce n'est qu'un sourire qui a pris un coup de couteau, et chacun d'entre nous peut suturer la plaie en partageant le sien.



Lundi 21 novembre 2011

Quelqu'un gratte à ma porte. Toutes timides, trois petites frimousses, mes trois petites mouettes rieuses du matin. S.O.S. devoirs en détresse.
Mes petites grabotes s'installent autour de la table, Camélya l'appliquée, Nadège la pressée d'en finir, et Mélina la curieuse. Du français et des maths ... Si je comprends les questions !

Bon, me voilà lancé dans la technique opératoire !!! ??? J'ignorais totalement que l'on commençait médecine dès l'école primaire. Ouillouiiouille, bobo ma tête, chacune à son tour, Camélya, passe-nous les bonbons pour nous donner des forces. Il me faut trouver des mots simples, très simples pour mes oisillons ébouriffés, aux yeux ravageurs et avides. Lloydia qui a toujours été très à l'aise avec les enfants, peste à côté de moi, rajoute son raisonnement sur le mien, mais sa vue ...

On aura appris quelques mots nouveaux après avoir bataillé entre doudou et nounours, enfin un ours brun ton doudou Nadège, qui mange du saumon (un poisson Mélina) et se promène sur la banquise lorsqu'il est blanc. Et oui, comme les hommes, les ours sont de toutes les couleurs. La banquise, Nadège, c'est un très, très gros glaçon, oui comme ceux du frigo, mais des milliards de fois plus gros, qui flotte sur l'eau. Un milliard, c'est bien plus grand qu'un million.

Maman qui n'aime pas savoir ses petites chéries loin de ses jupes revient pour la deuxième fois les récupérer. Dommage les filles, on fera des desseins une autre fois.
 J'te dis tu prends,  dit-elle, en insistant pour que j'accepte un sachet de petits pains sous plastique en provenance du discount le plus proche.
— Si t'as déjà, ti mets au congel.

— Qu'il est bon ce pain, même s'il joue un peu à l'élastique sous la dent.











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