MISE EN VOIX DE MARCEL FAURE
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Lundi 12 décembre 2011
Pour
mes poussinettes :
L'oiseau
et la plume
Un oiseau gris
Dans une cage
Je pleure
Un oiseau bleu
Sur le soleil
Je chante
Un oiseau vert
S'envole
Je cours
Plume d'or
Sur le sol
J'écris
Mardi 13 décembre
2011
Eh
là ! Excusez-moi, je file à la poursuite de mon ombre, ce satané
Breton qui me tire à hue et à dia. Depuis que je lui préfère son
ex-ami Philippe, celui du manifeste surréaliste, il se comporte avec
moi comme un charretier. Je cavale après lui comme un malade.
Nous
voilà dans le quartier du Soleil et, au lieu de prendre l'autoroute
à droite direction Lyon — Paris, nous la traversons pour
rejoindre les crassiers Nord qui rappellent le passé minier de la
ville noire. Dans l'ombre portée du côté opposé à l'autoroute,
assis sur de vieilles traverses, une communauté grise se réunit
ici. Tous morts depuis longtemps, leurs yeux exorbités grimés de
houille, ils mangent, sortis de leurs gandos, ce que les rats ont
bien voulu laisser. Nous partageons avec eux un bol de café coupé
de vin.
Indifférents
à notre présence, ils ruminent leurs amis décédés dans des
accidents, coup de grisou après coup de grisou. Leurs poumons
silicosés crachent un sang noir qui se confond avec le sol. Un vieux
cheval aveugle racle un reste de foin dans la mangeoire et la Sainte
Barbe, pas trop fiérote,
implore qu'on ne l'égorge pas.
Mon
ombre pousse au crime, révolte, grève, et l'on part en chantant se
faire fusiller au Brûlé en ramassant au passage les camarades des
autres puits. Je note tout cela sur un cahier que me tend Breton. Il
me suggère : comment écrire ce que nous sommes si nous ne savons
pas d’où nous venons.
Voilà,
je suis d'ici, poing levé, banderoles, calicots, mon sang
coquelicot.
Mercredi 14 décembre
2011
Ce
soir, je regarde dans le ciel, toutes ces lampes de mineurs allumées.
Un grand silence chaud et solidaire m'envahit. Dans ce ciel encombré,
chaque génération a son étoile du berger. Bien souvent, il suffit
de laisser remonter le mot bonheur à la surface du jour. Tout
s'éclaire.
Jeudi 15 décembre 2011
Parler
de tes silences ... Ceux où tu t'absentes, qui plongent dans des
contrées où je ne peux te suivre. Je n'y suis pas autorisé. ...
ceux un peu tristes, meublés de reflets gris et de peines ... la
maladie de ta mère, sa mort physique, mais surtout toute cette
période trop longue où son esprit vide naviguait déjà loin de
toi.
Tes
silences reposés, vidés de toute substance, l'eau apaisée et
claire d'un étang sans les rides du vent. ... Ceux productifs, dont
je sens bien qu'ils vont exploser en idée qu'il te faudra exploiter
rapidement.
Tes
silences gourmands lorsque tes yeux parlent pour toi devant une envie
de chocolat ou de pizza ... ceux qui invitent à la confidence et qui
écoutent ... Ceux indécis qui tournent en ronds et s'entrechoquent
en longs soupirs. ... Ceux prêts à se rompre et qui ne rompent pas.
Tes
silences, ceux qui chantent, qui rient, qui dansent et qui me font
chavirer dans tes bras. ... ceux qui se confondent avec la patience
des arbres, la beauté des campanules ou celle d'une Lloydia, cette
beauté qui te pare dès que ta main s'égare le long d'une tige et
que tu respires
l'odeur du lilas ou du genêt.
Et
ce silence, posé maintenant sur tes lèvres souriantes, que je
contemple béatement et qui a la délicatesse et l'agilité d'une
libellule.
Vendredi 16 décembre
2011
Lorsque
je sors avec toi, j'emporte toujours un livre. Si la maison s'écroule
en notre absence, j'aurai sauvé l'essentiel.
Textes protégés et déposés
sur le site iPagination
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