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Mardi 31 janvier 2012
La
ressemblance avec une rose de la jeune femme du 3ème est
frappante. Jamais je ne le lui dirai parce que, question caractère,
il lui pousserait certainement quelques épines supplémentaires.
Alors, lorsque je la croise dans l'ascenseur, j'accroche mon sourire
à mes chaussures pour en vérifier les lacets.
Une
fois, j'ai eu cette audace de la regarder. Droit dans ses yeux, mon
sourire. Balayé d'un revers de mots secs et blessants :
-
Nous n'avons pas gardé les cochons ensemble, vieux sadique.
Heureusement
Madame, heureusement, pensais-je très fort, la pauvre truie en eût
accouché prématurément.
De
plus en plus de gens, malmenés par la vie, se sentent agressés sans
raison. Quel gâchis !
Mercredi 1er
février 2012
L'investigation
de ma vie ne laisse que peu de place au mystère. Elle est tellement
linéaire et si peu vagabonde. Enquêter à l'intérieur de mon
cerveau, par contre... Je m'y perds si souvent. Une connexion non
consciente me pousse parfois dans des contrées où la violence règne
en maître. J'ai peur de moi.
Vite
je referme cette porte. Je voudrais définitivement rompre le contact
avec la bête, mais c'est elle qui me rappelle tout le chemin
parcouru et celui qu'il me reste à faire pour avoir vraiment le
droit de dire "tu" à la vie.
J'allume
ma lampe frontale. Je te vois.
-
Tu dormais ?
-
Non, j'étais à l'extrême bord de moi, dis-je en frissonnant.
Jeumermanche 32 du mois
33
Une
date imaginaire pour chapeauter les quelques jours qui suivent.
J'ai déjà abordé vaguement le sujet des sites de poésies où je
publie mes poèmes. Je croise mes mots avec des gens. Des liens se
nouent avec certains. Peu à peu ils se transforment en une
complicité proche de l'amitié et nos échanges débordent souvent
du sujet qui nous rassemble.
Nous faut-il un alibi pour écrire ? L'alibi de l'œuvre littéraire
à construire, celui de la langue à sauvegarder, du message à
transmettre...
La
plupart d'entre nous, écrivains du Dimanche qui musardons sur les
sentiers de la création, nous n'avons que l'alibi du plaisir et
cette rage de l'expression qui nous porte, nous emporte au-delà de
nous même.
Avec
Galatéa belga, pseudo d'une nymphe sicilienne qui vit en Belgique,
nous échangeons de petits bonjours matinaux où il est souvent
question de hérons, de brumes et de la soif de vivre. Nous aimons
cette musique des mots sur la portée des ondes. Parfois, il nous
faut dire aussi notre désarroi, lorsque notre cœur écorché
s'empêtre dans la banalité qui fait irruption dans ce que nous
lisons. Tous les jours nous devrions nous indigner, mais il faut bien
que la misère culturelle s'exprime aussi et nous sommes aussi
assaillis par la tendresse envers tous ceux qui n'ont pas les mots
pour dire.
Malgré
ses difficultés dans notre langue, Galatéa fait l'effort de
s'exprimer en français. En la lisant, c'est comme si j'entendais sa
voix chantante au creux de mon oreille. Et même dans sa révolte, il
y a comme une douceur maternelle, une fluidité mélodique, une
bienveillance...
De
la révolte ? Non, je devrais plutôt parler d'une sorte de manifeste
poétique qui pourrait se résumer à : J'écris comme je suis et je
vous lis ainsi.
Je
vous laisse découvrir nos échanges en commençant par son message
poème.
Jeudi 2 février 2012
Pourquoi je ne peux pas
sortir avec Mr. Alexandrin.
Je
comprends les poètes qui aiment, recherchent et se réfugient dans
les bras immortels de l’alexandrin.
Ils
trouvent de la musicalité, de la mesure, du rythme, des confins
rassurants et anoblissants pour leurs pensées.
Il y
a un subtil plaisir quand on manipule la beauté, on assemble ses
fragments choisis, élaborés pendant notre évolution culturelle et
qui sont “classiques “.
Ce
n’est pas indispensable s’exprimer avec la patine du beau temps
qui fut, mais c’est aussi agréablement titillant se mélanger
avec les autres, habillés de mots de soie, des tissus souples, si
bien expérimentés qui ne creusent et se présentent impeccables,
n’importe l’occasion, l’humeur, la rage ou la tristesse.
Revêtus
de mots sélectionnés, ciselés, on montre une façade de
respectabilité qui invite à l’admiration et à une forme
d’imitation de bonnes manières.
L’alexandrin,
les formes classiques françaises sont en effet l’haute couture de
la poésie. Le Chanel numéro 5 qui peut fait tourner la tête à
l’aimant du parfum d’autrefois.
En
lisant ces vers d’haute lignage, en découvrant leur parfait
alignement, on peut ressentir les frissons de la certitude
mathématique.
Ce
sont beaucoup ceux qui recherchent, désirent au moins une fois par
jour trouver de l’ordre, car la vie nous chamboule et jette en
l’air soudainement nos points d’appui.
C’est
humain le besoin d’ordre, de trouver notre essentiel à la juste
place, à l’aveugle, sans étranges migrations de sens et de forme.
Le
beau déjà expérimenté, la routine, la reproduction dans les schémas rassurants sont donc une aspiration assez commune, liée à
la personnalité de qui écrit ou lit et sait manipuler, avec
précision, une matière qui devient encore plus ductile et source de
satisfaction quand entre dans le plan préfixé d’une composition.
Mais
en écrivant on peut rester la personne que nous sommes
quotidiennement comme on peut changer et désirer ouvrir la porte à
une partie de nous qui nous appartient, mais que plus difficilement
nous savons faire agir dans notre vivre.
Ma
rébellion cachée aux règles, par exemple, se montre en plein quand
je compose.
En
écrivant de vers, je deviens sauvage, incapable d’accepter des
brides qui ne sont pas les miennes.
Chaque
poème que j’écris suit seulement les limites, les confins de mon
souffle qui s’arène là où ma spontanéité, ma sincérité
m’emmènent.
C’est
pour cette raison que je ne suis pas capable de modifier mes écrits
après quelques jours.
Un
poème écrit, une fois fini l’élan, est hors de moi, avec une
fermeture mentale et émotionnelle qui m'empêche de le rouvrir et le
transformer.
Peut-être
dans mon DNA(ADN)
manque la gêne qui me fait vibrer quand je lis la perfection
numérique plus que la sincérité de l’autre.
J’ai
encore en moi la marque que certains fragments de poèmes ont laissée en moi il y a longtemps ou récemment.
En
général, j’ai compris, ils sont extraits de compositions libres
que je mémorise aussi plus facilement pour leur vers qui forment une
image irrégulière et donc pour moi, plus facile à retenir.
Mais
c’est aussi leur caractère unique, les mots apparemment moins
galets polis, qui font une trace dans mon réservoir d'émotions.
Comme
lectrice je ne désire pas seulement boire un verre de belles
lettres, je veux du jus frais qui contient les sels minéraux de son
auteur. Son arôme spécifique, son rythme intérieur non
reproductible par un autre.
J’aime
découvrir les mots traces d’un passage inconnu, diffèrent, sur ce
même sol, avec des tournures et des sources d’illuminations
particulières qui mettent en relief un coin, un mot d’expérience
humaine pour moi encore inexplorée. Vierge.
Donnez-moi
un accent, une transparence, un fil pour coudre lambeaux d'émotions
et je couvrirai mon être éternellement de ce drap-patchwork volé,
lecture après lecture aux autres, aux souffleurs de vertiges, aux
sculpteurs de la fantaisie.
Galatéa
belga.
Vendredi 3 février 2012
" En écrivant de vers, je deviens sauvage, "
O ma belle sauvage, dont le mélodieux accent italien s'entend en
lisant vos poèmes, savez-vous qui vous donne raison ?
Tous les surréalistes qui se souciaient peu de la forme, mais dont
la poésie, parfois trop expérimentale, perd un peu de son sens,
mais aussi toute la poésie expérimentale moderne qui pousse encore
plus loin l’absence de sens au point que l'on en regrette parfois
ce bon vieil alexandrin. Un certain nombre de poètes modernes, après
en avoir fait l'expérience, reviennent d'ailleurs à une poésie
plus classique.
Attention
cela ne veut pas dire que l'on peut écrire n'importe quoi et appeler
cela " poésie " comme c'est trop souvent le cas dans nos
lectures quotidiennes des productions du site. Il y en a un peu marre
des amours toujours,
salaud tu m'as quitté ou des Dames nature,
du sable fin et des yeux
bleus. La poésie, c'est
évidemment dire cela mais elle mérite beaucoup plus que ce genre de
banalités.
Enfin encore pour vous donner raison deux citations.
Léo Ferré : Le poète qui compte sur ses doigts est un
dactylographe.
Paul Valéry : la forme coûte cher.
Amitiés d'un vieux croûton qui essaye d'écrire mais se trouve
souvent bien plat lui aussi.
Marcel.
Marcel.
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