Pages

mercredi 1 octobre 2014

MATHIEU JAEGERT - BLAISE, ROI DE L’ONOMATOPÉE












Sujet : Ô – Une interjection qui ouvre toutes les portes de vos exclamations !




BLAISE, ROI DE L’ONOMATOPÉE 


Alors que certains s’affichent blasés et revenus de tout, ne s’étonnant plus de rien, Blaise se complaît dans l’exclamation perpétuelle qu’il entretient avec ardeur et contingents d’interjections. Il n’en revient jamais ! Là où d’aucuns s’enthousiasment d’un rien, lui s’émerveille de tout, ce qui, à bien y regarder, revient au même. Bien sûr, l’émerveillement regorge de nuances et de limites, muant parfois en agacement et bien d’autres sentiments, mais quelle que soit la forme de l’exclamation, le garçon tient avant tout à l’exprimer. Blaise met donc un point d’honneur à la faire connaître à coup d’expressions triées sur le volet. Il les sélectionne avec la minutie de l’orfèvre et la spontanéité d’un gamin de quatre ans. Ces petits mots ont la précision du garde suisse et la régularité du coucou du même pays, et pourtant, la filiation helvète de Blaise paraît douteuse. Passé maître en onomatopées, il érige leur usage au rang d’art, les distillant avec talent et à-propos. Il sait toujours où et quand donner du « fichtre ! », du « ah ! » ou du « tiens donc ! », les considérant tour à tour comme compléments, adjuvants, enjoliveurs d’attitudes ou embellisseurs de répliques. Devenus complices de chaque instant, ils soulignent, ponctuent, marquent. Une intention, une intensité ou une intonation. A tout bien considéré, Blaise ne sait rien faire d’autre que s’exclamer. C’est bien simple, il semble avoir banni l’interrogation de son répertoire. Sans qu’on sache vraiment pourquoi. Blaise ne questionne pas, il interpelle. En toutes circonstances. Il s’interpelle, aussi. De temps en temps.

Même énervé, il opte pour l’interjection la plus juste au moment le plus opportun. A la manière des villages, on lui a décerné des macarons. Le jeune homme arbore fièrement la distinction suprême dans la catégorie langage fleuri.

Evidemment, être adepte de l’exclamation ne comporte pas que des avantages. Les copains de Blaise ne le comprennent pas toujours. Faut reconnaître, c’est déstabilisant de dialoguer avec un type qui recourt constamment aux interjections. Alors, quand Luc découvre l’annonce sur Internet, son sang ne fait qu’un tour. Laissant échapper un « génial !» que Blaise n’aurait pas renié, il se précipite sur son téléphone :

« Salut Blaise, figure-toi qu’enfin tu vas pouvoir expliquer ta passion de l’exclamation. Un atelier d’écriture…

- Hein ?

- Un atelier d’écriture, je te dis, un défi autour de l’exclamation. L’occasion de nous éclairer, tu vois ?

- Oh !

- Non, tu te plantes, une seule lettre. Le sujet le précise bien : une seule  lettre !

- Ô, donc !

- Oui, ô !

- Ah !

- Tu te lances ?

- Banc-ôôô !




Tous droits réservés

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire