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mardi 20 janvier 2015

MARCEL FAURE - 0181 à 0185 de La danse des jours et des mots

Avec la mise en voix de Marcel Faure sur un de ces cinq nouveaux épisodes


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Mardi 20 mars 2012 

Les résultats d'analyse se suivent mais ne se ressemblent pas. Lloydia se croyait stabilisée à 10mg de cortisone journalière alors elle a tenté sans avis médical une petite expérience. Depuis quinze jours, trois fois par semaine, elle ne prenait que 9mg. Résultat immédiat, taux de protéines c réactives au-dessus de la normale. Retour à la case précédente en espérant que cette entorse n'aura pas de conséquences à long terme.

Pour faire remonter le moral, nous irons voir plus au Sud si les arbres de Judée sont déjà en fleurs. Pour ceux qui fleurissent près de chez nous, c'est encore trop tôt.



Mercredi 21 mars 2012 

Vu d'un balcon en fleur, la vie semble plus facile. Problème, je n'ai pas de balcon et cela fait déjà quelque temps que je n'ai pas revu la coccinelle qui s'était réfugiée dans l'appartement. La dernière fois elle flirtait avec un petit rosier encore en pleine forme.
Mon rosier aussi est parti. Il devenait si triste que Lloydia l'a confié à une amie qui le repiquera dans son jardin. Alors je traverse la rue, je traboule par la barre de onze étages et je grimpe un petit sentier jusqu'au sommet du parc de Montaud.
Vue du sommet, la tour est uniformément terne. Un bloc de béton façon cages à lapins. L'image est éculée mais a-t-on trouvé mieux ... Je suis un de ces lapins et je croise ici mes congénères à poils doux.
La ville encercle ce large espace de verdure. Elle ronronne tranquillement sur les vestiges de son passé minier. Le parc est truffé d'anciennes entrées de galeries de mines. Avant de commencer à creuser sous terre, d'ici on extrayait le charbon presque à l'horizontale.
De cet immense balcon, on peut entendre mugir le stade Geoffroy Guichard les soirs de match de foot ou admirer les feux d'artifice du quatorze juillet, ou, plus simplement, venir pique-niquer à la belle saison.
À plusieurs reprises, Lloydia a repiqué ici quelques bulbes de fleurs ou des racines de muguet. Sans succès. Malgré l'herbe qui pousse et quelques arbres rabougris, l'humus trop maigre sur les scories, restes de l'exploitation minière, a rendu vaines ses quelques tentatives. Cette colline sue encore la fatigue des hommes.



Jeudi 22 mars 2012 

Pour que la vague des mots doux devienne déferlante et submerge la haine sous des flots de tendresses, faire vibrer l'instant. Noblesse du verbe dans la bouche du poète, ce voltigeur des mots.
Alors les quatre-vingt-huit constellations partagent avec lui un élixir céleste. L'extravagante horlogerie universelle bouleverse sa belle mécanique. La colline d'en face porte le soleil en banderole et déroule le temps au gré de mes envies.
De mon prétendu balcon, j'embrasse l'atmosphère parfumée de l'azur profond où tu te prélasses, promesse des langueurs de la nuit. Cette étoffe si douce où je m'ébats, mon pays de Cocagne, ma caverne d'Ali Baba ... Des mots.



Vendredi 23 mars 2012 

J'ai téléphoné pour réserver un postillon. Après m'avoir fait répéter plusieurs fois, la standardiste, croyant à une mauvaise plaisanterie, m'a insulté. Pourtant, j'avais vraiment envie de me balader en calèche pour goûter au plaisir de la lenteur, comme le font les vacanciers qui louent une roulotte.
Les mots s'en vont avec le temps qui passe. Ce métier disparu avec les voitures de poste, ne résonne plus du crissement des roues sur les pavés, vieux souvenirs, eux aussi, de mai 68. Ne reste que ce crachotement qui remonte parfois, comme un bruit de fond de l'histoire.
Et le rémouleur, petit métier des rues, lui aussi disparu. Même le sens en avait fui ma mémoire.

Repasseur, affûteur, aiguiseur, émouleur précise mon dictionnaire. Voilà que son appel, dans la cour de mon enfance, résonne vif et clair. - Ciseaux, couteaux, ciseaux couteaux ... des fenêtres s'ouvraient ... j'arrive, criait ma mère, moi aussi, répondait un écho deux étages plus haut.

Un matelassier cardait la laine des vieux matelas, un chanteur égrenait ses rengaines – À vot' bon cœur m'sieurs, dames. Ce dernier, aveugle et se déplaçant avec deux béquilles, mieux vaut plusieurs handicaps pour attendrir le chaland, ce dernier donc, ne faisait plus recette depuis que mon père l'avait aperçu, béquilles sous le bras et courant comme un fou pour attraper le train du Puy en gare du Clapier.

Miroir opaque qui se contorsionne pour montrer quelques bribes d'antan.



Samedi 24 mars 2012

- Je viens de me faire braquer dans le hall !!!

- Tas eu peur ! Bois un verre d'eau. Assieds-toi et raconte.

- ...

- Tu as une mine de déterré ! On t'a pris ton portefeuille ?

- Non rien.

- ???

- Avec une canne.

- Imbécile.

Madame X... 92 ans, arpente le hall pour avoir de la compagnie. Elle s'appuie sur une canne. Chaque fois que quelqu'un lui adresse la parole, - Bonjours, bonsoir, vous savez bien – elle lève brusquement sa canne dans votre direction et fait semblant de vous menacer avant de répondre. Comme une vieille, et vous ? – Cette fois, son geste amical, comme pour vous serrer la main, est passé si près de mon visage que oui, j'ai eu un peu peur de prendre un coup.

Madame X ... ne sort plus beaucoup à l'extérieur mais aime marcher. Alors du matin au soir, elle fait les cent pas dans le hall, se précipite pour appuyer sur le bouton d'ouverture de la porte, vous évite d'ouvrir votre boite aux lettres si le facteur n'est pas passé, tout cela en échange de quelques mots pour tromper sa solitude. Et, la canne toujours en alerte, elle rit de notre mouvement de recul.

Comme dans les maisons de retraite, on devrait installer dans nos immeubles, quelques chaises à l'entrée pour distraire nos anciens par l'incessant va et vient des quelques deux cents locataires.

Madame X ..., elle, ne veut surtout pas d'une chaise.

- Ça fait du bien de faire un peu d'exercice.









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2 commentaires:

  1. Je lis toujours Marcel sur Ipagination mais c’est chez toi que je laisse un petit mot ! Quel bonheur tous ces morceaux de vie, ces hasards rencontrés, une plume résolument altruiste comme je les aime ! CHAPEAU BIEN BAS à tous les deux pour ces partages ! Merci la magicienne Tippi et Marcel pour tous ces mots ! Bisous et douce journée dans la paix la joie et la sérénité! 😻

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    1. C'est gentil de passer poser tes mots et ton chapeau ici Gavrochette ! Merci à toi de cette fidélité

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