Blanc-bec au bec jaune
La formule usuelle consacre le goéland argenté comme apte au vol. Grand opportuniste, il est avant tout cleptomane patenté tenté par le repas des autres. Une fois sucré à la faveur d’un bon bec crochu, il a la saveur d’un bonbec goûtu. Bien sûr, d’argent il n’a cure, mis à l’abri des galères pécuniaires après avoir chapardé de haute lutte ce qualificatif patronymique le différenciant du goéland moyen. Il se consacre désormais à des activités bien plus palpitantes, s’adonnant à la tuerie en bande désorganisée, c’est-à-dire souvent seul. Toujours dans l’optique d’assouvir un appétit sans limite. Si de par sa seule condition de volatile il mange comme un oiseau, en réalité, il se goinfre.
A l’exact opposé des berger-honnêtes et des sternes qu’il consterne, le goéland se veut fourbe. De ses cris stridents et de son manège menaçant, il terrorise ses congénères depuis les côtes jusqu’à leurs côtes dodues. Une symphonie en ré-miges, du sol aux falaises dominant la mer. En ville, il a ses têtes de turc. La tourterelle, d’abord, turque à son grand désarroi. Et le pigeon ramier. Sans se soucier du danger, celui-ci picore et siffle quand l’autre pérore et persifle. Au moment de croiser le regard du blanc-bec au bec jaune, il est trop tard. Le goéland ne laisse palombe d’un doute sur ses intentions, il est de mauvaise plume. Lui qui se montre si prompt à prendre la mouche, ne peut se contenter d’un insecte. Deux ovipares se font face mais un seul y reste. Bien décidé à voler dans les plumes du pigeon, il réinvente les expressions. Au premier rang desquelles, clouer le bec. Il plante le sien dans le cou de sa proie comme un bricoleur du dimanche planterait un clou avec l’énervement de celui qui découvre que c’est lundi. Au second rang, prendre sous son aile. Lui fait tout le contraire de protéger, achevant les hostilités sous ses deux ailes, ses pattes palmées et son bec. L’attaque imparable ne dure pas, le combat est inégal et la résistance à l’offensive bec et ongle, vaine. Le supplice de la palombe prend fin au bout de quelques minutes seulement, trop longues sans doute pour la victime.
Cette scène se reproduit sous mes yeux régulièrement. De mon canapé, ne pourrais-je pas être accusé de non-assistance à espèce en danger ? Ce matin encore, un malheureux pigeon, passé de ramier à corps vidé, a fini par disparaître sous les coups d’un goéland de passage.
Je ne pouvais pas le louper.
Je ne devais pas.
J’ai ouvert ma fenêtre et crié des noms d’oiseau.
Il s’en contrefichait comme de sa dernière paire de chaussettes.
Moi qui avais un faible pour le goéland, j'en reste sur le flan, sans c, comme flanchet au chais y perd son bouchon, bref, je vais picorer mon flamby pour noyer dans le caramel l'image du corvidé !
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