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dimanche 22 juin 2014

ALLISON - PETIT-ANGE 1 (ENFANCE)






Les malheurs de Sophie - La contesse de Ségur
(souvenir "Tippique" de lectures d'enfance)



Petit-Ange 1 (l'enfance)



Petit-Ange est une petite fille. Une petite fille comme toutes les autres.

Ou pas.

Petit-Ange regarde les autres, les autres la regardent aussi. Que pensent-ils? Ils n'hésitent pas à le lui dire: "Tu es bizarre".

Alors Petit-Ange frappe, alors Petit-Ange détruit. Elle frappe pour punir, pour se libèrer du mal que les autres essaient de mettre en elle. Elle détruit ce qui l'entoure, pour le reconstruire avec les morceaux de rêves qu'elle tisse en secret.

A la maison, Petit-Ange regarde. Sans un bruit, elle écoute. Papa dit: "tu vas sur tes sept ans! tu dois prendre sur toi."

Papa, il est convoqué à l'école quand Petit-Ange se bat. Papa qui l'aime, mais qui a renoncé à la comprendre, Papa qui attend d'elle qu'elle se comporte comme une grande personne, même si elle n'est pas une grande personne.

Alors Papa et Maman emmènent Petit-Ange chez tout un tas de médecins... de "psychologues". Elle joue à la pâte à modeler, mais elle se tait. Elle ne comprend pas pourquoi Papa et Maman finissent toujours par se disputer avec eux. On ne dit jamais rien à Petit-Ange, parce que ce n'est qu'une petite fille.

Mais Petit-Ange n'est pas qu'une petite fille. Elle se tait, mais elle regarde. Elle voit ce que les autres ne voient pas dans les yeux de ses parents. Et ça, ça la brûle si fort qu'elle ne peut s'empêcher de pleurer lorsque la nuit la laisse seule, démunie face à ses démons.

"Qu'ai-je fait pour mériter ça? Pourquoi je n'ai pas une fille normale, celle qui invite ses copines le week-end, qui joue à la poupée dans la cours au lieu de se bagarrer? Pourquoi c'est tombé sur moi?"

C'est ça que Petit-Ange comprend. Elle n'est pas normale, elle est une erreur. Un fardeau pour ses parents, une source de honte et pour eux, et pour elle.

Alors, une semaine durant, Papa et Maman emmènent Petit-Ange dans un très grand hôpital, dans lequel elle se retrouve en compagnie d'autres enfants.

"Sont-ils comme moi?" se demandent Petit-Ange. "Eux aussi, ils ne sont pas normaux?"

Au bout d'une semaine, et une batterie de tests où elle a dû lire, décrire, répondre... Petit-Ange découvre un nouveau mot pour la décrire: "Hyperactivité".

C'est un mot long, et compliqué, mais ça sonne encore plus comme un nom de maladie. Sinon, pourquoi la forcerait-on à prendre deux pillules par jour?

Petit-Ange a 12 ans.

Les autres enfants qui la trouvaient bizarre ont eux aussi enrichi leur vocabulaire: la folie, les calmants, la drogue. Il pointe maintenant Petit-Ange du doigt, la folle qui prend des médicaments pour se calmer.

Mais si Petit-Ange semble plus calme, ce n'est qu'une apparence. La rengaine de Papa revient constamment, comme une mélodie lancinante: "Tu vas sur tes X ans, tu dois prendre sur toi!" suivi d'un "l'hyperactivité c'est dans ta tête".

Alors, le coeur de Petit-Ange se remet à saigner. Si fort, si violent, chaque pulsation comme une vague de destruction qui sape peu à peu les fondations de son être. Ni confiance ni peur, un mur sans couleur ni une réelle forme qui l'éloigne des autres.

Loin de tenter de le briser, elle s'y cramponne, s'accroche avec la force du désespoir au silence qu'elle instaure en elle.

Peu à peu, l'âme de Petit-Ange s'endort...





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