MISE EN VOIX JAVA
Deuxième partie prose
Qui
vous êtes, Madame ? Mais hier encore, le tout Paris n’avait
pour vous que mots jolis. J’ai souvenir des bouches sous des
perruques poudrées qui s’émerveillaient de vos appâts. On
s’extasiait sur la mièvrerie des propos sous lesquels vous
apparaissiez. On s’exclamait sur la beauté de vos pieds, que
certains même se mirent à compter. Je n’en ai que deux Madame,
ils m’ont mené jusqu’ici et m’aideront je le pense à repartir
d’un pas aussi léger qu’à l’aller, les vôtres Madame aussi
nombreux qu’ils soient ne vous aideront pas à quitter ce banc de
marbre sur lequel vous êtes assise.
Pour
ressentir la brise légère du vent dont vous faites l’éloge,
Madame, point n’est besoin que vous l’habilliez de vos rimes,
je
vais sur les rochers de Bretagne et je m’enivre des embruns, ils
ont une toute autre odeur.
Et
s’ils sentent la vie, l’inconnu, la peur, et le vol des goélands
dont vous nous régalez, ils n’en oublient pas de sentir le poisson
crevé sur la grève. Celui-là, vous ne sauriez le mettre dans vos
poésies de bon aloi, où l’on s’extasie du gibier aux morilles
pas du poiscaille à l’odeur entêtante sur son lit d’algues
séchées.
Ah
oui, excusez-moi. Je ne me suis pas présentée, on m’appelle
prose. Et cela n’a rien à voir avec la fleur dont sont tirées
quatre lettres de mon nom, je n’ai pas de parfum contrairement à
vous madame. Ou plutôt si, Je peux sentir aujourd’hui le linge
humide et pourrissant et demain le champ de marguerite que vous aurez
fait pousser. La marguerite n’a pas d’odeur, me direz-vous ?
Vos quatre strophes ne viendraient pas à bout de tout ce que je
pourrais en dire. Saurez–vous dire « je t’aime, un peu,
beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout ? » ?
J’ai quant à moi à ma disposition, adjectifs, adverbes, synonymes
et noms communs, vous n’avez que quatre lignes et l’obligation de
la rime.
Oui
Madame, vous êtes bourgeoise, c’est comme cela que vous êtes née,
certains s’essaient de vous tirer de vos palais où la pluie ne
mouille rien, où la maladie ne s’aventure jamais, ou l’on jouit
par le verbe mais dont on évite l’image. Mais vous ne sauriez
aller loin, même avec des semelles de vent surtout lorsque le temps
aidant elles s’alourdissent de huit kilos d’or sortis de
contrebandes malhonnêtes. Vos mots, Madame jamais, ne diront le
réel. La poésie, Madame, sachez que je la revendique aussi, mais
les phrases dont elle est faite se gueulent, se chantent à la face
du bourgeois et du gendarme.
Elle
dit l’amour sans y chercher « toujours »,
elle n’avance pas
voilée,
elle peut être nue ou en
haillons,
elle parle, madame, crie
son mépris,
elle pisse et crache.
Mais
je m’égare, me voilà en pleine lutte de classe. Votre parfum,
Madame m’aura égaré, vos manières m’auront fait croire être
ailleurs que là où nous sommes…
Vous
dites pouvoir tout dire, Madame, je prétends le contraire. Vous ne
sortirez jamais des quatrains où le monde se sent étriqué. Laissez
donc les cloisons aux cercueils et aux prisons et venez jouir de la
liberté du mot quand on lui ôte les chaînes … Venez respirer
l’air pur de nos chapitres sans fin et qui n’ont pour limite que
le point qui ponctue la phrase. Voyez-vous, Madame, Juste penser que
pour conter il faut savoir compter m’empêcherait d’écrire le
moindre mot. Prouvez-moi le contraire, Madame et je vous convoque à
l’infâme tripot d’où je viens pour lever notre verre ensemble,
trinquer et éclabousser le monde.
Tous droits réservés
à suivre...
Troisième partie de ce quatre mains en vers par Cat à Strophes
(prochainement)
CHAPEAU BIEN BAS pour cette réponse pertinente dans lequel je te retrouve bien toi et ta plume généreuse, altruiste et si juste ! Quel joli duo que vous nous laissez à lire toi et Cat ! De toute beauté ! Gros bisous et merciiiii !!
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