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mardi 10 mars 2015

MARCEL FAURE - 0216 à 0220 de La danse des jours et des mots




MISE EN VOIX D'UN ÉPISODE PAR MARCEL FAURE




Mardi 24 avril 2012 

Le présent me racole. Dans le vert tendre des premières feuilles, le printemps fleurit de blanc la colline. La terre brune colle aux bottes des jardiniers qui préparent le sol pour les semences. Déjà quelques jeunes pousses de salades pointent le bout du nez.
Quelqu'un installe un épouvantail, une œuvre d'art multicolore dont les tissus s'agitent fièrement dans la brise légère et parfumée. Les portes ouvertes des cabanes dévoilent un bric-à-brac hétéroclite d'outils, de vêtements de travail, d'oignons tressés de la précédente récolte et quelques vieilles chaises qu'on sortira l'été venu.
D'une parcelle à l'autre, on échange des plants, des graines, des conseils. On regarde le ciel trop bleu. Ici, on espère et on aime la pluie.



Mercredi 25 avril 2012 

Mon père dans son potager sans fleur. Rentabiliser au maximum pour adoucir les fins de mois. Souvent il s'en allait mendier une rose chez ses copains jardiniers pour l'offrir à Lloydia.



Jeudi 26 avril 2012 

Au magasin farces et attrapes
Des figures de circonstance
Ricanent dans la vitrine
Passe dans la rue
Un corbillard et sa suite
Faces de carême

Masques grimaçants
Face à face
Rictus et faux semblants

Le veuf lorgne déjà
Sur le doux espacement
Entre les deux orbites
De la belle cousine

Entiché d'une rosse
Le corbillard s'en panne
D'un brusque coup de frein

Ce coup de reins expulse
Du coffre le cercueil
Et la morte en furie

Nous serons trois mon Cher
À faire péché de chair
Sous le marbre alanguis
Ô cadavres exquis

Au magasin farces et attrapes
Cotillons et Champagne
Et tristesse aux orties



Vendredi 27 avril 2012 

Surtout ne me demandez pas d’où sort ce poème loufoque qui me surprend autant que vous. Je pourrai pourtant expliquer comment a surgi " farces et attrapes" expression qui est venue s'agripper à "cadavre" et "sexe" dans un texte où il était question de la "place du mort".
Comme si ces mots ne voulaient pas, ne pouvaient pas, mourir et qu'ils voulaient encore de la fournaise du monde, un recyclage de reste en quelque sorte.
Vous voulez un indice pour retrouver l'auteur en question ? Le voici :
" Si seulement l'avenir diminuait
On comprendrait qu'il faut en laisser"
Et j'affirme ce que d'autres nieraient : je n'ai aucune imagination. Dans le grand télescopage des hommes et des cultures, je n'ai rien inventé qu'un poète n'ait dit.
"Il arrive à la page de penser toute seule"



Samedi 28 avril 2012 

J'ai une dent contre moi, mais ce n'est qu'une dent de lait. Je ne fais pas trop souffrir. Mes plaies cicatrisent trop vite et ne produisent que rarement des poèmes torturés que j'attendris aux rythmes de mon cœur. Autrement dit, j'ai plutôt une bonne nature avec moi-même comme avec les autres. Et si je me noie, je garde toujours la tête hors de l'eau.
Je suis inachevé, trop doux avec la cruauté qui perd de la puissance en s'enfonçant dans mes chairs et trop imperméable aux soubresauts du monde pour qu'ils m'atteignent vraiment.
Mais j'ai une colère froide contre la bêtise et l'indifférence que j'égorgerai volontiers. Par la fissure de vos paupières, mes mots couteaux.















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