Vendredi 4 mai 2012
Lorsque
les rues seront tracées par des jardiniers de l’éphémère, le
bitume éclaté offrira des saisons insoupçonnées. Le joli mois de
mai méritera alors pleinement son adjectif.
Les
nombreux "moi" de mai me bousculent. Serais-je aujourd'hui
plus volatile que l'air ..., plus papillon que chrysalide ... Avec la
grosse artillerie du printemps en bandoulière, je dévore des yeux
toutes les nuances du vert. Chacune de mes cellules pétille comme du
Champagne.
Passe
un ventre resplendissant de promesses. Je souris à l'enfant du
futur. D'un léger tremblement il me salue. La maman a porté sa main
sur son ventre, ignorant tout de cet improbable dialogue.
C'est dans ce
rire futur que renaîtra le soleil d'été.
Samedi 5 mai 2012
Voici
que me revient en mémoire l'histoire d'un jardinier dément qui
s'était mis en tête de détruire la laideur des villes par les
plantes. Alors tous les soirs il plante lianes, ruines de Rome (qui
donne son titre au roman) et autres végétaux envahissants. Rien ne
doit plus être symétriquement à la botte de Le Notre. Tout se doit
à l'exubérance, à la folie créatrice, à la force insensée des
"mauvaises herbes". Chacune s'engage dans l'armée secrète
du Casse bitume.
On
pourrait considérer cet ouvrage de Pierre Senges comme un livre
initiatique. Depuis sa parution, nombre de citadins partent à
l'assaut de l'espace public pour créer çà et là des jardins
provisoires, donner du sens aux innombrables ronds-points, et donner
l'exemple en créant de véritables forêts vierges sur leur balcon.
Les
troupes sont là, prêtes à bondir au moindre relâchement des
employés municipaux. La dame de onze heures comme la belle de nuit
viendront bientôt arpenter le trottoir et occuper la rue pour
réclamer leur dû.
Dimanche 6 mai 2012
L'effervescence
des élections présidentielles ne me laisse pas indifférent. Je
sais la tâche difficile qui attend le nouveau président, à devoir
calmer les égoïsmes sans jamais renier notre belle devise.
Le
compromis sera son lot quotidien et la puissance de persuasion sa
seule arme. Bien peu de choses face aux couteaux qui s'aiguisent
déjà.
Lundi 7 mai 2012
J'essaie
d'écrire entre deux orages, entre deux tueries, entre deux
catastrophes parce que la vraie vie ne se promène pas sur les pics
de terreur et de folie des hommes, mais s'insinue dans chaque faille
du bonheur.
Loin
de l'événementiel, les milliards de vies jardinées avec amour dans
la lumière feutrée et douce des bras de maman et la sécurité de
ceux de papa. L'arc en ciel des sourires et la couleur roses des
bébés qui remontent aux sources du temps.
Et
cette première gorgée d'air, ce cri arraché au néant, ce cri
blond et joyeux qui rebondit de génération en génération ... et
quoi dire d'autre que je t'aime.
Mardi 8 mai 2012
Au
centre exact de la table ronde un bouquet d'ail des ours. La même
fraîcheur blanche que le muguet. La feuille en est plus molle et
retombe sur le rebord du vase.
Le
soleil a déposé le cadre de la fenêtre tout autour et l'ombre se
détache rehaussant le vert sombre sous la dentelle éclatante des
pétales. Un insecte sans vergogne se délecte du nectar et s'enfuit
par l'interstice ouvert sur l'extérieur.
Et
je suis là, assis sans bouger, comme hypnotisé par cette odeur
d'ail fraîchement coupée à rêver au sous-bois d'une charmaie
chênaie au Bois de la Comté.
Lloydia
étonnée de pouvoir encore nommer chaque brin d'herbe dans la langue
de Pline l'Ancien, plus copiste que botaniste. Et nos amis méfiants
à juste titre de son savoir atrophié mais souvent obligés de
s'aligner sur sa proposition.
Il
en irait bien évidemment tout autrement dans des milieux qu'elle
connaît mal, avec des plantes qu'elle n'a jamais rencontrées.
Au centre exact de mes pensées, Lloydia.
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