La poule de neige
Elle
est née un soir, à l’heure où s’assombrit la neige, après une
journée d’épouvante.
Le
télésiège avait emporté vers les sommets sa moisson de manchots
sur leurs planches encombrantes. Des patauds, des élégantes, des
pressés d’en découdre avec la blanche. Parmi eux, une boulette
jaune moutarde pataugeait péniblement pour conserver son équilibre.
Qu’importe ! Ses acolytes l’avaient décidé : elle ferait du ski ! Le vent lui a picoté la peau tandis que le sol s’échappait. Le ramasse-fous a déversé sa moisson multicolore et la boulette, soutenue par ses congénères, sous l’œil compatissant des gamines.
Qu’importe ! Ses acolytes l’avaient décidé : elle ferait du ski ! Le vent lui a picoté la peau tandis que le sol s’échappait. Le ramasse-fous a déversé sa moisson multicolore et la boulette, soutenue par ses congénères, sous l’œil compatissant des gamines.
Les
premiers pas l’ont fait choir sur le derrière et la tête, comme
si elle n’était pas assez folle ? Un renversé fabuleusement
bien réussi ! Restait la perspective de descendre la piste
verte longue de quelques kilomètres, avec ses à pics et ses
virages, alors que la boulette, non contente d’avoir le vertige,
avait peur de la vitesse, et ce, en toutes circonstances. Un centre
de gravité déplacé, paraît-il, mais qui donc avait bien pu lui
signifier de déménager ?
Toujours
est-il qu’elle ne put pas entreprendre la descente seule, et c’est
arrimée à son bienaimé — le mal nommé puisqu’il faisait
partie de ceux qui voulaient sa perte — qu’elle descendit sans
bâtons ni fierté, tétanisée par la peur, lourde comme un bloc de
granit, à la vitesse terrible de l’escargot des neiges. Parvenue
au terme de son calvaire, en sueur et jambes tremblantes, elle se
jura de ne plus jamais tenter le Diable et prit ses aises au bar,
seul lieu véritablement convenable pour une personne de sa qualité.
Le
retour, en soirée, fut comme une bénédiction. Le soleil brillait
encore près du champ de neige ombragé qui s’étalait devant le
chalet, immaculé. Julien entreprit de creuser un igloo. Engoncée
dans la neige tendre jusqu’aux genoux, elle a pelleté avant de
laisser sa charge à plus costaud qu’elle. Elle voulait édifier un
monument à la gloire de la boulette, elle le méritait bien !
Ses mains ont roulé la neige pour enrober le petit bonhomme que les
trois petites avaient vite délaissé. Fi du bonhomme de neige, trop
classique, trop simple, trop bête ! Elle pensait dragon, mais
ses mains en ont décidé autrement et elle a vu se dessiner un tout
autre animal à la douceur rassurante. Elle ne s’appelait pas pour
rien « Mamie les poules » !
Le
dos osseux du dragon a ployé sous les plumes duveteuses et laissé
place aux formes enveloppées d’une mère poule. La crête,
orgueilleuse, a ondulé sous le dernier rayon du soleil. Sa queue
s’est dressée fièrement, tant, qu’on aurait pu croire qu’elle
levait le croupion pour cacher ses petits sous son corps chaud. Les
enfants l’ont reconnue sans une hésitation, la poule de neige !
Quelques brindilles sont venues parfaire sa ligne et elle s’est vue
coiffer d’un bonnet de lutin inaugural célébrant la nouvelle
résidente du Linga à Châtel.
Quelques
minutes plus tard, elle pondait son premier œuf ! La pondeuse
en eut plus de succès encore. Elle trônait près de l’igloo,
phare bienveillant dans la solitude blanche, irisant les regards de
gaieté.
La
nuit fut agitée. La lune resplendissait sur la poudreuse. Dehors,
échauffée par l’astre rieur, la poule des neiges s’est soudain
animée. Mue par un infernal courage, la voici qui se dresse sur ses
bâtons, bec en avant, en quête de vers blancs. Mais comment voir un
vers blanc sur une neige étale ? Telle une marée grondante, la
lune s’enfuit vers les sommets, poursuivie par un étrange cortège.
Une poule énorme se dandine, dessinant sa trace sur le manteau
neigeux, entraînant à sa suite un igloo facétieux qui ouvre sa
porte en invitation au voyage. Le volatile picore, picore, picore
sans fin et gonfle, gonfle, gonfle dangereusement. L’igloo, vexé,
abandonne son énormité et, bougon, se laisse glisser vers son
socle. Là, il s’endort, harassé, d’un sommeil sans rêves. Là-haut, tout là- haut, la poule de neige déploie ses ailes et
s’élance dans une vertigineuse descente, tourneboulant sans fin,
bec en avant, sans vers, pourtant. Que lui importe ! Elle gobe
les grains immaculés avec délices et grossit plus encore, rebondit,
gracieuse, et roule, se trémousse en poussant un chant de triomphe.
En
bas, tout en bas, les chalets frémissent au roulement dévorant qui
arrache les flancs de la montagne. Les sapins plient sous
l’avalanche, les rocs s’ébranlent, le flot dévale la piste
rouge, tout schuss, en caquetant d’ivresse. L’igloo grommelle à
ce réveil impromptu et hèle l’incongrue.
— Hé,
poulette ! Il n’est plus temps ! Le soleil va se lever. Tu devrais rentrer à l’ombre avant de fondre comme neige au
soleil ! Ton œuf est à plat et bientôt, il sera poché si
quelque passant se prend de s’en saisir pour son petit-déjeuner !
La
poule, surprise, freine d’un chasse-neige magistral et en perd les
bras, qui restent plantés là à contenir l’avalanche. Caquetant
d’effroi, elle se rue vers son nid blanc et pose son croupion sur
l’œuf qui gémit sous son poids. Le vent mugit, courtois, et
débarrasse la pondeuse de son copieux repas. L’aube se lève sous
une giboulée neigeuse qui tournoie, flocons duveteux qui recouvrent
la trace du noctambule exploit.
Impassible,
la poule de neige trône, coiffée de son bonnet, près de l’igloo
qui accueille les ébats des premiers enfants. Elle arbore un sourire
content lorsque la boulette la dote de nouveaux bras. Cette nuit,
elle ira là-haut, toujours plus haut.
L’œuf
a disparu. Non ! La coquille est vide, emplie de duvet blanc. Des traces légères courent vers les pistes gelées, vers des bras
oubliés, arcs boutés contre un igloo gigantesque, un igloo de rêve
qui se façonne sur les contreforts de la piste, sous l’abri des
sapins blancs.
Eve
Zibelyne le 29 mars 2015
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Mais alors pas de poules en chocolat pour les petites chéries de Mamie les poules ce week-end pascal ?
Bien sûr que Siiiiii, voyons ! Un coeur de Mamie les poules, ça craque et ça déborde en douceurs de tendresse ♥
PS : Imaginez-vous que cette poule de neige m'est arrivée par MMS Zib'ien, un beau soir d'hiver ! Là c'est moi qui est littéralement craqué ! Et ni une ni deux, j'ai passé commande auprès de Eve Zibelyne ma copine ! J'ai bien fait, non ? !
GRAND MERCI TOUT CHAUD À TOI MA ZIBOUNETTE LES POULES ♥♥♥
Et tu sais combien je me passionne pour la suite de tes aventures !
*** Un gros bisou-merci à mon "igloo" préféré !
Ouah, quelle surprise cette pluie de boules de neiges ! Merci pour ce plaisir en surprise de Pâques ! Zibounette les poules est réjouie, tu m'as gâtée ! Je cloche du ballant au rythme de ta voix, yeh ! et je lève le croupion de contentement ! Côôt ma poulette !
RépondreSupprimerAh ça ! J'y ai mis du coeur ! Tu sais que j'ai eu un coup de foudre pour cette poule de neige dès son arrivée dans mon salon ! Je t'embrasse toutes cloches tintantes ma Zibounette au croupion content ! Rires ♡♡♡ et merci merci merci encore Zibounette les poules !
Supprimerainsi donc ta plume se laisse aller à raconter celle d'une poule, et quelle poule. Et j'avoue que la voix de Tippi lui prete une vie qui donne elle meme vie. Bravo les filles. Les ronflements de jacques et la chute m'ont fait verifier si mon ordi ne me jouais pas des tours... tout schuss
RépondreSupprimerComment, Jacques ronflerait de concert avec Tippi ? Ah, ah ! on ne me dit pas tout... Se seraient-ils rencontrés, alors que moi, non ? Fichtre ! Pff, je subodore qu'un autre ronfleur a sévi , se prêtant, malicieux, à la mise en scène et hélant la poulette ! Pourtant,mon Java, il y a un indice, un bisou qui se promène en rime avec igloo ! Merci de ce concours, mystérieux acteur au grand cœur, et mille bisous à ma Tippistrelle, virtuose de la plume comme de la voix !
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