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mardi 15 avril 2014

MARCEL FAURE - 0031 à 0035 de La danse des jours et des mots


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Dimanche 23 octobre 2011 

Un mois à tirer des bords dans ce journal. Pas vraiment de la matière à moudre. Enfin si, mais ce n'est pas mon propos. Seulement la substance, cette côte vue de la mer dans le halo diffus d'une fin de soirée.
— Quelle heure est-il ?
— Vingt heures, peut-être plus.

Le soleil hésite et pose pour une carte postale. C'est l'été. Plus tard, la Voie lactée.

— Quelle heure est-il ?
— Vingt heures, peut-être plus.

L'automne a mangé le soleil. Dans le salon, il fait chaud. Les bruits du monde à la télé. Un frisson. Il est grand temps de rentrer bien au chaud dans un livre. Supervielle, tiens ! La Patagonie. Hier encore j'y étais.
Un mois de ce voyage qui s'enroule se déroule. Chaque matin, je suis impatient de reprendre la route.



Lundi 24 octobre 2011 

Philippe Sollers ... à ma table de chevet, " L'Étoile des amants". Je lis. Philippe, vraiment ce n'est pas sérieux ... un gros paragraphe rempli uniquement avec des noms d'oiseaux ... un vrai bottin mondain d'ailes, de plumes, d'aigrettes, de huppes et presque en bout d'énumération ce Pipit maritime. Je prends, je détourne ce pipi(t). Face à la mer, mon jet contre les vagues.
Content, pas content, avec vous Philippe comment savoir ! Dans le plaisir des mots, s'envolent vos oiseaux et rien que pour vous, dessinent les contours de l'eau, là bas, sur l'horizon. Et vous poursuivez cette métaphore appuyée, tantôt sérieux, tantôt ironique, balayant d'une main tout ce que nous sommes, nous les orgueilleux sans plumes ni poils, — Pensez, cette peau toute nue, quelle rigolade ! — Juste une erreur de la nature.
Et soudain ce volte face, l'île sur la mer, dans votre bureau, dans ma tête, l'apaisement d'une ballade, pieds nus dans le sable, à deux, mais en silence. Ne pas briser l'harmonie du soir.



Mardi 25 octobre 2011 

Je ne sais plus toujours ce que j'ai voulu dire, mais je l'ai dit.

Cette phrase je la retrouve dans un vieux carnet de notes. Des années que j'accumule ainsi. Parfois j'en retire une au hasard. Tenez, celle-ci dont je ne sais plus que faire :
La plainte voluptueuse des vagues caresse les rochers, jusqu'à les aimer sable.
Remarquez, après l'affront fait à la mer, hier, en la prenant pour un urinoir, ici cette phrase est comme une plainte qui demande pardon, comme un hommage à son inlassable travail de sape, comme un merci pour tous nos déchets qu'elle absorbe. Je sens pourtant qu'elle n'en peut plus la mer, qu'elle en a mare de cacher nos marées noires sous le sable et que bientôt, elle nous baignera dans l'acide de nos conneries. Sans haine, mais comme toujours, longuement, avec patience. Nos larmes seront sèches bien avant qu'elle ne se lasse.
Et les oiseaux, Philippe, les oiseaux pourront-ils changer de planète ? Entre le rivage et la mer, jamais la paix ne sera signée.



Mercredi 26 octobre 2011 

J'imagine parfois un fabuleux concert où le génial musicien ne nous donnerait à entendre qu'une seule note, une peinture sonore bleu de Klein ou noir de Soulage, suivant l'humeur. La longue plainte du LA sur un violoncelle ou ses pizzicatos sautillant sur le violon alto, LA du piano dans toutes les gammes, sur le pépiement d'une flûte en contretemps se mélangeant au LA déposé sur le bord du pupitre par un chef d'orchestre, invité d'honneur, possédant le LA parfait au creux de son oreille.
Dès le second mouvement, le LA tourmenté d'un saxo conte le sud profond et noir où chante pourtant une trompette qui réveille enfin un banjo, caisse claire dans le bayou avec le grave hélicon. Reprit au piano seul, mon LA voyage entre graves et aigus que modulent les pédales; tantôt sec tantôt résonnant profondément il évoque le désert, la steppe, la blancheur des pôles, une sorte de paix intérieure que parfois trouble un sanglot.
Diapason, triangle, cymbales, trompettes troisième mouvement, reprise dans le même ordre, diapason, triangle, trompettes, puis cor anglais, la forêt, nappe de violons, le sous-bois, la harpe, le vent et l'écureuil, langueur du saxo, la mousse. Les rythmes s'entrechoquent, mon LA suffoque, puis s'adoucissent, mon LA respire. Crescendo, carillon. Note bombinante : LA.



Jeudi 27 octobre 2011 

Tôt ce matin, j'ai assisté au petit coucher de la lune. Une complicité entre elle et moi qui préfère l'ombre au soleil.
Son rire soyeux dans la couleur indécise de l'aube à venir ... Un incroyable frisson de plaisir soulève les tuiles sur les toits de la ville. Bientôt les amants devront se séparer, les enfants prendront un petit déjeuner ensommeillé et les phares du premier bus lècheront les murs de la petite église écrasée sous ma tour.
Bruits étouffés dans les étages ... de l'eau coule sur un corps nu, une barbe étrille la lame d'un rasoir. En bas dans la petite allée, quelqu'un court. Un chien aboie. Sur mon palier une porte claque.

Sur l'horizon ébouriffé par quelques nuages, plus rien. Mon compagnon lunaire, serrant précieusement sa cargaison de rêves, s'endort dans une nuit de velours noir où je ne peux le suivre.

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auvergne-fleurs-insectes-araignees Henri Maleysson




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