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Dimanche 23 octobre 2011
Un
mois à tirer des bords dans ce journal. Pas vraiment de la matière
à moudre. Enfin si, mais ce n'est pas mon propos. Seulement la
substance, cette côte vue de la mer dans le halo diffus d'une fin de
soirée.
—
Quelle heure est-il ?
—
Vingt heures, peut-être plus.
Le
soleil hésite et pose pour une carte postale. C'est l'été. Plus
tard, la Voie
lactée.
—
Quelle heure est-il ?
—
Vingt heures, peut-être plus.
L'automne a mangé le soleil. Dans le salon, il fait chaud. Les
bruits du monde à la télé. Un frisson. Il est grand temps de
rentrer bien au chaud dans un livre. Supervielle, tiens ! La
Patagonie. Hier encore j'y étais.
Un mois de ce voyage qui s'enroule se déroule. Chaque matin, je suis
impatient de reprendre la route.
Lundi 24 octobre 2011
Philippe Sollers ... à ma table de chevet, " L'Étoile des
amants". Je lis. Philippe, vraiment ce n'est pas sérieux ... un
gros paragraphe rempli uniquement avec des noms d'oiseaux ... un vrai
bottin mondain d'ailes, de plumes, d'aigrettes, de huppes et presque
en bout d'énumération ce Pipit maritime. Je prends, je détourne ce
pipi(t). Face à la mer, mon jet contre les vagues.
Content, pas content, avec vous Philippe comment savoir ! Dans le
plaisir des mots, s'envolent vos oiseaux et rien que pour vous,
dessinent les contours de l'eau, là bas, sur l'horizon. Et vous
poursuivez cette métaphore appuyée, tantôt sérieux, tantôt
ironique, balayant d'une main tout ce que nous sommes, nous les
orgueilleux sans plumes ni poils, — Pensez, cette peau toute nue,
quelle rigolade ! — Juste une erreur de la nature.
Et
soudain ce volte face, l'île sur la mer, dans votre bureau, dans ma
tête, l'apaisement d'une ballade, pieds nus dans le sable, à deux,
mais en silence. Ne pas briser l'harmonie du soir.
Mardi 25 octobre 2011
Je ne sais plus toujours ce que j'ai voulu dire, mais je l'ai dit.
Cette phrase je la retrouve dans un vieux carnet de notes. Des années
que j'accumule ainsi. Parfois j'en retire une au hasard. Tenez,
celle-ci dont je ne sais plus que faire :
La plainte voluptueuse des vagues caresse les rochers, jusqu'à les
aimer sable.
Remarquez, après l'affront fait à la mer, hier, en la prenant pour
un urinoir, ici cette phrase est comme une plainte qui demande
pardon, comme un hommage à son inlassable travail de sape, comme un
merci pour tous nos déchets qu'elle absorbe. Je sens pourtant
qu'elle n'en peut plus la mer, qu'elle en a mare de cacher nos marées
noires sous le sable et que bientôt, elle nous baignera dans l'acide
de nos conneries. Sans haine, mais comme toujours, longuement, avec
patience. Nos larmes seront sèches bien avant qu'elle ne se lasse.
Et les oiseaux, Philippe, les oiseaux pourront-ils changer de planète
? Entre le rivage et la mer, jamais la paix ne sera signée.
Mercredi 26 octobre 2011
J'imagine parfois un fabuleux concert où le génial musicien ne nous
donnerait à entendre qu'une seule note, une peinture sonore bleu de
Klein ou noir de Soulage, suivant l'humeur. La longue plainte du LA
sur un violoncelle ou ses pizzicatos sautillant sur le violon alto,
LA du piano dans toutes les gammes, sur le pépiement d'une flûte en
contretemps se mélangeant au LA déposé sur le bord du pupitre par
un chef d'orchestre, invité d'honneur, possédant le LA parfait au
creux de son oreille.
Dès le second mouvement, le LA tourmenté d'un saxo conte le sud
profond et noir où chante pourtant une trompette qui réveille enfin
un banjo, caisse claire dans le bayou avec le grave hélicon. Reprit
au piano seul, mon LA voyage entre graves et aigus que modulent les
pédales; tantôt sec tantôt résonnant profondément il évoque le
désert, la steppe, la blancheur des pôles, une sorte de paix
intérieure que parfois trouble un sanglot.
Diapason, triangle, cymbales, trompettes troisième mouvement,
reprise dans le même ordre, diapason, triangle, trompettes, puis cor
anglais, la forêt, nappe de violons, le sous-bois, la harpe, le vent
et l'écureuil, langueur du saxo, la mousse. Les rythmes
s'entrechoquent, mon LA suffoque, puis s'adoucissent, mon LA respire.
Crescendo, carillon. Note bombinante : LA.
Jeudi 27 octobre 2011
Tôt
ce matin, j'ai assisté au petit coucher de la lune. Une complicité
entre elle et moi qui préfère l'ombre au soleil.
Son rire soyeux dans la couleur indécise de l'aube à venir ... Un
incroyable frisson de plaisir soulève les tuiles sur les toits de la
ville. Bientôt les amants devront se séparer, les enfants
prendront un petit déjeuner ensommeillé et les phares du premier
bus lècheront les murs de la petite église écrasée sous ma tour.
Bruits étouffés dans les étages ... de l'eau coule sur un corps
nu, une barbe étrille la lame d'un rasoir. En bas dans la petite
allée, quelqu'un court. Un chien aboie. Sur mon palier une porte
claque.
Sur l'horizon ébouriffé par quelques nuages, plus rien. Mon
compagnon lunaire, serrant précieusement sa cargaison de rêves,
s'endort dans une nuit de velours noir où je ne peux le suivre.
Textes protégés et déposés
sur le site iPagination
auvergne-fleurs-insectes-araignees Henri Maleysson |
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