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mercredi 6 mai 2015

LOUYSE LARIE - AU FIL DE MES DÉFIS




MISE EN VOIX PAR JAVA










Au fil de mes défis !






Il a suffi d'une supplique

Pour que mes robes

De mousseline de coton

Ne prennent vie 

Grâce à la palette de feu

D'une artiste et pour que la magie 

D'un pinceau sourcilleux 

Ne se verse

Dans la nacelle opaline,

Dès mes premiers pas !



C'est ainsi que les couleurs 

Les plus aventureuses

S'emparèrent de mon âme d'enfant,

Non sans gourmandise 

Du haut de cinq printemps cajolés 

Et arrosèrent mes menottes de jade 

De tous les pigments témoins !



Dès lors, les ramages n'ont cessé 

D'étoiler les bras de mes saisons 

Et les bannières en cascade 

Se sont drapées 

De l'écharpe de l'indomptable

Qu'il m'eut fallu apprivoiser 

Les yeux fermés !



À ce pinceau rebelle,

Je lui dois fière chandelle,

Il m'a permis de traduire

Le monde selon ma vision naissante

Balayant du frisson de l'émotion 

Tous les sceptres

De l'envers du miroir ! 



De l'ocre bouillonnant 

Ou du bleu de l'écho,

Coloris tous vénérés

Aussi bien que courtisés,

Il m'a aspergée 

De son haleine humectée !

Ainsi, son onde édulcorée

A ouvragé l'édifice

De mon enfance

De blancs ruisseaux jonchés 

Sur l'arc-en-ciel suspendu

Au bord de la marelle !



Et là, je me prenais pour un pinson,

Alors que perchée 

Sur un songe mutin,

La lune se fardait

De l'abandon de l'esquisse, 

Je m'envolais à perte de vue

Pendant que la grâce fixait

La pénombre de l'esquive 

Sur les lignes fébriles

Du murmure griffonné !



Mon joujou touffu était soyeux

Comme les cheveux de la nymphe,

Sur la toile conquise !

Jamais la gouache 

Ne craignit la tempête du caprice,

Ni du repos apaisé,

N'éprouva le regret !



Si j'avoue qu'à ma quête,

Toutes ses gourdes 

J'entendais se déverser,

Et comme si sa barbe ébouriffée

M'eut prêté sa chevelure 

Et son essence,

Je devinai de l'océan en balade 

La coulure diaphane,

Sans que la capturer, je ne veuille,

Tandis que mes prunelles naïves 

Riaient qu'un si doux présent 

Ne soit porteur

D'un si rare bonheur !



Brosse n'a du souvenir

Pour se dépeindre

Que la barbouille en émoi,

Le reflux sans ombrages 

Et l'émerveillement de mon regard !

Au rythme même du tourbillon,

On a lié nos sabliers apeurés

Dans l'effluve du buvard,

Nous sommes devenus

Les meilleurs amis

De l'ébauche de la surprise !



Cabotin, mon pinceau 

Ne fut jamais si bavard

Que la crainte de couler à flot

Au fil de mes défis !

Les bavures qu'il m'a enseignées,

J'ai toujours lues 

Dans ses pensées

Sans appréhension,

Vu le soupir de la chimère !



Si son poil était hardi,

À ce point que son audace

Bousculât mon innocence

De ses multiples effets,

Plût au précieux objet

Que sa soie rieuse

Fût grandement appréciée

De ma candeur de fillette !



Mes rêves dans son enclos

Se sont évaporés 

De la paupière de l'éphémère 

Tressé délicatement ! 

Sans nul doute, 

La houppe échevelée a façonné 

Ce que je suis 

Et ce que je resterai 

Dans l'ombre du silence !






Louyse LARIE

Le 24/05/2014



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vendredi 1 mai 2015

DURANDAL - MARIAGE









Mariage




Je ne sais plus quel âge avait Amandine le jour où elle resta scotchée devant cette vitrine dans laquelle deux mannequins habillés comme des mariés semblaient attendre dans la vitrine l’arrivée du convoi nuptial.



Je m’arrêtai, elle serra ma main pour être sûre que je ne bougerais pas avant qu’elle ait fini d’admirer la scène. J’attendis quelques minutes, je ne pouvais pas sacrifier son bonheur de petite fille.

— Dis Maman, pourquoi elle est déguisée en princesse, la dame ?
— Ce n’est pas une robe de princesse, c’est une mariée.
— Pourquoi elle est habillée comme une princesse la mariée ?
— Pour être belle, parce que le curé va demander au marié s’il veut l’épouser et avoir des enfants.
Elle s’arrêta un instant pour intégrer le sens de mes paroles. Je patientai.
— Il dit oui parce qu’elle a une belle robe. Mais si elle n’avait pas une belle robe, il pourrait dire non ?

Ce genre de raccourci étonne par son étrangeté on se demande s’il faut tout reprendre à zéro au risque de casser le monde des rêves ou s’il faut laisser les idées se former toutes seules dans la fraîcheur enfantine.

— C’est un peu comme les oiseaux qui chantent dans le ciel pour trouver un autre oiseau et fonder une famille.
— Mais alors le marié ne doit pas être content le lendemain quand la mariée ne met plus sa belle robe.

J’essayai de lui expliquer dans ses mots qu’ils ne se mariaient pas seulement parce qu’elle était belle dans sa robe de mariée. Elle me demanda de lui dessiner ce qu’était l’amour. J’avoue que je ne sus répondre à sa demande. La robe de mariée, c’était plus simple, elle ne voulait retenir que cela.

Cette vitrine l’impressionna, elle insista pour retourner voir la robe de mariée. Elle en reparlait, me posait une question à l’improviste, je sentais que cela la travaillait. 

Elle me demanda de lui montrer les photos de mon mariage. J’en mis une dans un cadre, elle le gardait près d’elle lorsqu’elle jouait avec ses poupées. Elle ne se lassait pas de la regarder. Elle faisait un lien entre la robe de mariée et sa naissance.

— Si tu avais mis une autre robe, j’aurais été différente alors.


Pour Noël, elle demanda une robe de mariée !

— Pas une vraie, parce que je ne veux pas avoir de bébé tout de suite.

Je cherchais dans le bulletin paroissial la date du prochain mariage et nous y sommes allées toutes les deux, comme des curieuses. Je jouissais du privilège d’être sa confidente. Elle ne quitta pas la mariée des yeux. Sur le parvis, la mariée la remarqua, je lâchai Amandine. Spontanément elle courut vers la mariée pour l’embrasser. Elles étaient émues toutes les deux, des larmes coulèrent sur leurs joues. Je les pris en photo.

— Quand remettras-tu ta robe de mariée ? Mais si tu veux avoir un autre enfant, il faudra bien que tu la remettes.

Elle demanda à son père s’il m’avait trouvée belle en robe de mariée. Il fut un peu étonné quand elle lui demanda s’il voulait qu’elle mette une belle robe «comme maman le jour de son mariage». Flatté, il se redressa pour exciter un peu ma jalousie. Il prit Amandine sur ses genoux et lui dit qu’il serait fier de la conduire à son époux le jour de ses noces. Amandine fut un peu déçue, je crois. Elle repartit vers ses poupées.

Dans son bain, elle me dit sur le ton de la confidence.

— Moi je me marierai avec Louis !


Je jouais la surprise et lui dis que j’avais cru comprendre qu’elle regardait Olivier amoureusement. 


— Ah, non, Olivier, ce n’est pas possible, il est déjà marié avec Sylvie.



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vendredi 13 mars 2015

JEAN-LUC MERCIER - TOURNE BOULE DU PETIT GAFFEUR EN HERBE












Boule brisée - Illustration de Zib



Tourne boule du petit gaffeur en herbe


Boule ballotte
BING, et bascule
BANG
Bouge et se bute
BING, rebondit
BANG
Balle en balade
BING à bâbord
BANG
Ballon qui bât
BING, et se barre
BANG
Butte les bords
BING, se balance,
BANG
Bulle bancale
BING, qui s’ébranle
BANG
Bouge tant bien
BING, et bascule…
BOOM… sur Bruno.
BING-Ô… la bosse !
Le bambin braille
Bilan ? Bisous

Boule brisée
Boule broyée
Bidules bizarres
Brisures…
Balai.





Mais bosses sur Bruno !

Quand tourneboule
Balle, bulle ou ballon,
Ébahit bébé qui babille,
La belle boule qui bringuebale
Bancale se trimballe
Bute bord,
Trébuche et fait bobo…
Banal, banal…
Mais ça fait mal !

Soudain, dans le décor,
Une dinde se dandine
Ding Dong,
Ding Dong,
Ding Dong

La Dondon se dodeline
Rend dingue son dindon,
Le doux Dédé,
Un dandy dodu !

« Ballot ! » balbutie alors le butor
Babillant de son bec bouton d’or
« Dans la dinde le diable dort ! »

« Dis-donc, le héron… dehors ! »
« Dinde n’est pas diable, d’abord ! »
Dénie Dédé.

« D’accord, d’accord ! »
Adieu le butor.

Dédé dandy
Bruno bambin
Boule et dinde,
Bulle et dindon,
Butor et ballon…
Décor bidon !
Bing Bang
Ding Dong
Bing Dong
Ding Bang
Bang Dong
Bing Ding…
Bougrement dong…
Bigrement dingue !




La dinde dodue -  Illustration de Zib





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Publié un vendredi 13 !

 Jour de Tourne Boule !




vendredi 26 septembre 2014

JOËLLE PÉTILLOT - GEORGES DE LA TOUR











Georges de la Tour


Le premier homme de ma vie restera à jamais pour moi une silhouette nerveuse, bouffarde de marin vissée au bec, visage mince et anguleux barré d’un sourire trop rare, et de longues mains aux doigts pleins sachant tout dessiner. J’ai grandi à ses côtés en trouvant, comme tout enfant, absolument normal tout ce qui l’entourait, la flopée de livres sur divers peintres, celle sur le far-west que je dévorais ; et cela parce que mon dessinateur de père, illustrateur fin et précis, ayant donné vie de son crayon agile à nombre d’histoires de cette époque, n’eût pas conçu tant il avait une haute idée de son métier, de dessiner « un indien ». Le moindre sioux ou cheyenne était représenté avec les attributs, vêtements, armes et chevaux d’un sioux, ou d’un cheyenne. Et s’il s’agissait d’un navajo... Eh bien il dessinait un navajo, certainement pas un apache.






Personne ne dessinait les chevaux comme lui.



Dans les divers ateliers qui furent les siens, se trouvait entre autres livres une petite brochure, probablement un catalogue d’exposition très ancien.

Les reproductions ternies n’en demeuraient pas moins fascinantes, et je tournais et retournais ces pages odorantes, fleurant le passé et l’inaccessible, où figuraient des personnages pensifs noyés d’une étrange pénombre. Une pénombre illuminée. La source de lumière, souvent masquée, était le plus souvent une chandelle, et la main de l’artiste était si habile qu’il me semblait la voir vaciller.



Oui, c’est ainsi que je fis connaissance avec la pénombre. Mais pas n’importe laquelle. La fausse obscurité, la lumière sourde, l’or diffus régnant sur les visages terriens et absolus nés d’un peintre au nom simple et doux que je répétais à l’envie, comme on fait d’un lieu mystérieux : Georges de la Tour.

Je me souviens qu’une note honorable en version latine me valut la promesse d’aller voir un jour, en vrai, quelques toiles accrochées sur les murs vénérables du Louvre.

Ce fut ainsi que je plantai mes douze ans pétrifiés face à une nativité dont la simplicité rustique me toucha, quand les ors et les colonnes entourant les madones aux voilages insolents de richesses me laissèrent, sans jeu de mot, de marbre.



Je suis restée un moment, terrassée par la douceur.



Les carnations veloutés, la grâce paysanne de cette Vierge enfin humaine, le sommeil profond de ce nouveau né qui se ressemblait, loin, si loin de ces petites choses graisseuses tenues par de maussades Marie sur certaines toiles apercues dans les salles précédentes, seigneur, ces bébés plein de plis ressemblaient à des vieillards miniature, pire, à des sharpeï.



Là , la lumière tombant en douceur sur les visages, la rondeur, ce bébé charmant que l’on voulait prendre un moment... La paix sur les hommes de bonne volonté, pourvu qu’ils aient une chandelle à portée de mains, et qu’ils la masquent un peu.






Le silence aussi. Georges de la Tour est le peintre de la lumière, celui de l’ombre, et du silence.



J’ai su d’autres peintres plus tard, éprouvé d’autres claques, connu d’autres rencontres de la même profondeur, sur la route d’Emmaüs, avec les pélerins peints par le Caravage, par exemple...

Mais jamais ce moment précis de la découverte, cet instant où ce que l’on croit connaître , parce qu’on a tourné vingt fois les pages d’une brochure usée, pulvérise toutes certitudes en faisant naître un regard.



Il me faut dire un peu plus : ce moment prenait aussi toute sa mesure parce que je l’ai vécu la main dans celle de mon père, cette grande et belle main aux doigts noueux qui savaient tout dessiner.



Cette main devenue bien trop légère depuis, sur mon épaule.




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Œuvres à retrouver ICI 






dimanche 22 juin 2014

ALLISON - PETIT-ANGE 1 (ENFANCE)






Les malheurs de Sophie - La contesse de Ségur
(souvenir "Tippique" de lectures d'enfance)



Petit-Ange 1 (l'enfance)



Petit-Ange est une petite fille. Une petite fille comme toutes les autres.

Ou pas.

Petit-Ange regarde les autres, les autres la regardent aussi. Que pensent-ils? Ils n'hésitent pas à le lui dire: "Tu es bizarre".

Alors Petit-Ange frappe, alors Petit-Ange détruit. Elle frappe pour punir, pour se libèrer du mal que les autres essaient de mettre en elle. Elle détruit ce qui l'entoure, pour le reconstruire avec les morceaux de rêves qu'elle tisse en secret.

A la maison, Petit-Ange regarde. Sans un bruit, elle écoute. Papa dit: "tu vas sur tes sept ans! tu dois prendre sur toi."

Papa, il est convoqué à l'école quand Petit-Ange se bat. Papa qui l'aime, mais qui a renoncé à la comprendre, Papa qui attend d'elle qu'elle se comporte comme une grande personne, même si elle n'est pas une grande personne.

Alors Papa et Maman emmènent Petit-Ange chez tout un tas de médecins... de "psychologues". Elle joue à la pâte à modeler, mais elle se tait. Elle ne comprend pas pourquoi Papa et Maman finissent toujours par se disputer avec eux. On ne dit jamais rien à Petit-Ange, parce que ce n'est qu'une petite fille.

Mais Petit-Ange n'est pas qu'une petite fille. Elle se tait, mais elle regarde. Elle voit ce que les autres ne voient pas dans les yeux de ses parents. Et ça, ça la brûle si fort qu'elle ne peut s'empêcher de pleurer lorsque la nuit la laisse seule, démunie face à ses démons.

"Qu'ai-je fait pour mériter ça? Pourquoi je n'ai pas une fille normale, celle qui invite ses copines le week-end, qui joue à la poupée dans la cours au lieu de se bagarrer? Pourquoi c'est tombé sur moi?"

C'est ça que Petit-Ange comprend. Elle n'est pas normale, elle est une erreur. Un fardeau pour ses parents, une source de honte et pour eux, et pour elle.

Alors, une semaine durant, Papa et Maman emmènent Petit-Ange dans un très grand hôpital, dans lequel elle se retrouve en compagnie d'autres enfants.

"Sont-ils comme moi?" se demandent Petit-Ange. "Eux aussi, ils ne sont pas normaux?"

Au bout d'une semaine, et une batterie de tests où elle a dû lire, décrire, répondre... Petit-Ange découvre un nouveau mot pour la décrire: "Hyperactivité".

C'est un mot long, et compliqué, mais ça sonne encore plus comme un nom de maladie. Sinon, pourquoi la forcerait-on à prendre deux pillules par jour?

Petit-Ange a 12 ans.

Les autres enfants qui la trouvaient bizarre ont eux aussi enrichi leur vocabulaire: la folie, les calmants, la drogue. Il pointe maintenant Petit-Ange du doigt, la folle qui prend des médicaments pour se calmer.

Mais si Petit-Ange semble plus calme, ce n'est qu'une apparence. La rengaine de Papa revient constamment, comme une mélodie lancinante: "Tu vas sur tes X ans, tu dois prendre sur toi!" suivi d'un "l'hyperactivité c'est dans ta tête".

Alors, le coeur de Petit-Ange se remet à saigner. Si fort, si violent, chaque pulsation comme une vague de destruction qui sape peu à peu les fondations de son être. Ni confiance ni peur, un mur sans couleur ni une réelle forme qui l'éloigne des autres.

Loin de tenter de le briser, elle s'y cramponne, s'accroche avec la force du désespoir au silence qu'elle instaure en elle.

Peu à peu, l'âme de Petit-Ange s'endort...





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dimanche 15 juin 2014

LILAS - L'ÉCOLE DES OISEAUX











A l'école des oiseaux
Les grilles ne sont jamais fermées
Elles laissent passer les rires flutés
Et leurs sourires parfumés au bonbon
Le vieux lierre luit au soleil
Sur le mur qui soupire
Il prend l'air léger et sourit
Aux oiseaux qui font leur nid
Même les cailloux se font doux
Pour les petits genoux
Couronnés quand ils jouent à saute-mouton
La craie raconte des histoires
Au tableau qui dort comme un loir
Il rêve aux additions du matin
Et la récitation flotte encore
Sur son habit vert et poudré
Les cahiers baillent aux corneilles
Et machouillent des plumes
Qui bavent de l'encre violette
Dans l'après-midi qui somnole
Que le jour est long pour les enfants rêveurs
Sur les pages finement quadrillées
Les pleins et les déliés
Se lient d'amitié avec les pâtés
Pendant que le soleil met de l'or
Dans les cheveux de la maîtresse
La cloche chante enfin le coeur en liesse 
Il est l'heure sucrée pour les petits
De s'envoler vers la sortie

A demain les oiseaux






Sur invitation de Lilas




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vendredi 6 juin 2014

ALIZA CLAUDE LAHAV - LES PANTOUFLES - 6 JUIN 2014








06 JUIN 2014

LES PANTOUFLES


Toutes mes pensées en ce jour vers ma très chère amie Aliza et tous ceux qui comme elle et moi, prônent un langage et des actes en faveur de la paix dans le monde.

Aujourd'hui, permettez-moi de vous conter la nouvelle "Les pantoufles" d'Aliza, extraite du recueil du même nom de douze nouvelles, paru aux éditions Edilivre.


Le 6 juin 1944

la petite fille des pantoufles

avait exactement 

11 ans









En 1939 elle allait entrer à la grande école et en était très fière. Ses grandes sœurs la taquinaient en disant qu'elle n'était encore qu'un bébé, que la grande école n'était pas vraiment importante, qu'elle était trop petite pour comprendre... Mais elle, petite fille menue au visage anguleux, les lèvres tremblantes et le menton pointant en avant comme pour retenir une envie
de pleurer, les yeux grand ouverts avec un fond de bouderie, elle était froissée mais fière
malgré tout.


   Puis il y eut l'exode, le départ en catastrophe, la famille séparée et disséminée dans différentes campagnes. Papa était resté à Paris pour garder l'atelier, pour continuer à travailler, pour sauvegarder le peu de biens qu'il avait. Et toute cette agitation, tout ce monde sur les routes, tout ce bruit... elle ne comprenait pas, la petite fille, ce qui se passait autour d'elle.

   De retour à Paris il y eut enfin la grande école, l'émotion, l'angoisse du premier jour de classe. La petite fille ne comprit pas pourquoi la maîtresse d'école avait l'air si sévère en prononçant son nom, le dernier de la liste d'appel. Évidemment avec un nom truffé de Z et de K
la dame avait du s'y reprendre à deux fois. "Encore un nom à coucher dehors avec un billet de logement" avait-elle marmonné. Et la petite avait ressenti la méchanceté avant de connaître les miracles de l'alphabet. Mais elle était confiante la petite fille, car elle savait comment
obtenir l'approbation de la maîtresse d'école. En effet son papa lui avait promis une belle étoile jaune avec des lettres noires à l'intérieur pour mettre sur le revers de son petit manteau. C'est d'ailleurs papa qui lui avait cousu ce joli vêtement et pour l'étoile il avait dit: "je vais la doubler d'une toile de tailleur pour qu'elle se tienne bien; elle sera belle et tu en seras fière,tu verras".
Si la maîtresse fut impressionnée elle ne le montra pas.

   Un matin, à l'aube, la petite fille fut réveillée par des bruits de voix, des pleurs, des chuchotements; pas tellement effrayée mais surtout curieuse, sa poupée dans les bras et son pouce dans la bouche, elle fit son entrée dans la salle à manger. Papa était là entre deux hommes, les bras ballants. Il était vêtu comme pour sortir, avec son pardessus et son béret, dans son regard une impuissance ahurie et une tristesse immense. Maman pleurait doucement. Tout se passa très vite, les embrassades, les larmes, les dernières recommandations… et papa n'était plus là. Sa mère et ses sœurs étaient atterrées, il y avait comme une odeur de
catastrophe dans la maison. Les grandes se lançaient des regards entendus ; elles discutaient à mi-voix et ébauchaient des plans compliqués, excluant la petite qui ne pouvait pas comprendre. La petite fille, elle, réfléchissait gravement et se posait une question à laquelle elle n'a jamais trouvé de réponse. Son père était habillé lorsqu'il était parti, elle l'avait vu avec son manteau et son béret, mais pourquoi dans ce cas n'avait il pas mis ses chaussures? Pourquoi?

   Durant les années de guerre la petite fille fut séparée de sa mère et de ses sœurs. Elle fut cachée dans une famille chrétienne qui n'avait pas été touchée par la démence de l'antisémitisme ; elle y fut accueillie avec bonté et commisération. Malgré cela elle se sentait
bien seule, pratiquement sans nouvelles des siens, égarée dans un monde hostile. Ses points de repère s'estompaient au fur et à mesure qu'elle devait changer de nom, trois ou quatre fois pour sa sécurité. Mais la petite s'agrippait à chaque parcelle de souvenir et tous les soirs avant de s'endormir elle se forçait à penser à chacun des membres de sa vraie famille. Elle fermait les yeux et les voyait les uns après les autres, enfouie sous sa couverture, elle les appelait tout doucement, elle savait bien pourtant qu'ils ne viendraient pas.

   Ce fut la fin de la guerre avec l'euphorie de la libération. La petite fille qui était devenue fillette retrouva ce qui restait de sa famille. Elle reprit son nom avec des Z et des K, et réintégra sa vie un moment abandonnée sur une voie de garage. Elle chemina lentement et longuement, cherchant sa route dans un monde difficile à comprendre. Bien après, très tard dans sa vie de femme, elle se demandait toujours pourquoi son père qui était si soucieux de faire les choses comme il se doit, pourquoi s’en était-il allé vers sa mort en pantoufles.

    Elle ne comprit jamais.




Tous droits réservés
Le recueil
à vous procurer aux éditions Edilivre

Racine Et Icare vous en parle ici 

Et le coeur d'Aliza sur son site mon cahier de brouillon 
récemment remis à jour

samedi 3 mai 2014

LILAS - LA PETITE FILLE













La petite fille



Sa joue a la douceur d'un pétale de rose
Et le camélia lui donne sa couleur,
Délicate peinture en camaïeux rêveur
D'un artiste amoureux de cette grâce éclose.

Dans son regard brillant, l'orage se repose
Sur un ciel transparent, il étend sa splendeur
De gris si flamboyant qu'il en perd sa fadeur
Et gagne la beauté séraphique à sa cause.

Son babil gracieux enchante tout le jour,
Et même sa colère inscrit un mot d'amour
En perles d'arc-en-ciel ruisselant sur sa joue.

Petite fille en fleur, tendresse en bandoulière, 
C'est le bonheur qui chante avec mon âme entière.
Je te tiens dans mes bras et mon cœur se dénoue.


et sur invitation de Lilas,
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