Le mot du jour

Qui suis-je?


LA VOIX DE L'ÉCHO

POUR LE PLAISIR DE TOUS: AUTEURS, LECTEURS, AUDITEURS...
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dimanche 10 mai 2015

EMECKA - AU-DESSUS DU JE-NOUS










Au-dessus du je-nous




Conseil au lecteur: Respire profondément, détends toi et laisse toi aller...il est possible que tu aies besoin de toute ta concentration...Bonne lecture.






Résultat de recherche d'images pour "JE"


Cette histoire avait pourtant bien commencé.
Le couple se promène sereinement en voiture, toutes vitres ouvertes laissant ainsi l’air vivifiant pénétrer au plus profond de chacun. Il fait bon vivre l’instant, l’esprit apparemment libéré. Le silence s’est imposé entre eux comme une évidence, nul ne voulant perturber la quiétude de l’autre. Les paysages et les magnifiques villages successifs se suffisent à eux-mêmes laissant planer cette doucereuse impression que rien ne peut venir altérer ce "bucolisme". Une simple question va toutefois gripper la belle harmonie de façade.
« On est bien, non ? dit JE 
- Ce « on » me semble bien indéfini, répond SOI »
A ce stade de l’histoire, il nous faut faire connaissance avec les personnages. En effet, JE cohabite avec SOI depuis qu’ils sont nés. C’est dire s’ils se connaissent ! Enfin, le pensent-ils encore en cet instant anodin. Leur vie commune serait somme toute bien banale si d’aventure, nombre de gêneurs ne venaient pas troubler leur relation. Les linguistes en premier, qui prétextant leurs différences, souhaitent les assimiler à des jumeaux indifférenciés. Certains préconisent donc l’adjonction de « même » à Soi ; ainsi JE devient plus proche de SOI-même. Il n’est nul besoin de préciser plus avant que l’armée des « psys » de toute confession, s’écharpent depuis leur naissance à ce sujet. Sans parler du Moi!
« Tu préfères que je parle de « nous »  mais, sommes nous pluriels rétorque JE ?
- Tout de suite les grands mots, ironise SOI.
- D’autant que ça ne me paraît pas si simple cette histoire de je-nous insiste JE
- Ah ! Et pourquoi ? questionne SOI
- Car j’ai un doute lâche JE, soudain grave.
-Explique-toi donc enfin réplique SOI un tantinet agacé. »
Et voilà, c'est reparti! Nos deux compères recommencent à se chamailler, se questionner, s’introspecter ce qui avouons-le est plus facile que seul. Naturellement, cela engendre nombre de cogitations et de réparties mais globalement, nous pouvons dire qu’ils s’aiment bien. Attentif l’un à l’autre, JE prend soin de SOI et lui prête généralement sa confiance.
« Qui suis-je est une question qui me tourmente commence JE. Pourtant ce doute me confirme que j’existe, puisque je pense. Pour douter il faut être, n’est-ce pas ?
- Mais si tu le penses, donc tu es, mon pauvre ami insiste SOI
- Dans ton « donc » je trouve toutes les raisons de mes doutes. Voilà ! rétorque JE. »
L’échange est bien parti pour se prolonger mais survient le panneau d’un village portant un joli nom : « Ipséité. »
 « Tu ne voulais pas t’arrêter visiter ce village ? interroge dubitatif SOI
- Si bien-sûr, le prochain également. Ces deux villages collés presque l’un à l’autre sont singuliers et représentent la particularité de la région explique JE.
- Ah ! Et comment s’appelle l’autre ? demande SOI
- « Altérité », je crois répond JE. »
Effectivement, la jolie route de campagne traverse ces deux beaux sites qui après bien des luttes intestines sont devenus finalement très complémentaires. Chacun voulait aux temps anciens, exister par lui-même. Mais une logique humaniste finit par triompher pour le bien de chacun de leurs habitants. Quelle est donc cette raison qui a prévalu ? La prise de conscience d’être lui-même - devise de l’Ipséité - s’est confrontée à celle de l’Altérité « qualité de ce qui est autre ». L’ipséité a donc compris qu’elle ne pouvait exister sans l’autre et que précisément, sa propre existence passait par l’autre village. 
JE est sur le point d’expliquer tout cela à SOI quand celui-ci interrompt brutalement son intention :
« Figure toi que moi aussi je me pose une question existentielle. 
- Bien ! Quelle est-elle ? s'étonne JE, interloqué.
- Pour moi, tu es un autre. Un autre que je crois connaître et qui peut être ne me connaît pas. Ma question est pour toi, l'Autre : Qui suis-je ? Comment me vois-tu? Puis, c'est ici à mon tour d'être l'Autre. Car je suis un autre. Tu comprends JE ? poursuit SOI
- Oui, je te comprends. En fait, je ne suis moi que parce que je me distingue des autres, parce que mon histoire est différente de celle des autres. Il faut beaucoup de SOI pour parvenir à l'Autre, n’est-ce pas ? lui réplique malicieusement JE
- « Oui et…Soi-même comme un autre » devise SOI, satisfait de son effet !
- Tu as raison SOI. Comme ces deux villages. Tu vois, « l'Ipséité du soi-même  implique l'Altérité à un degré si intime que l'une ne se laisse pas penser sans l'autre, que l'une passe plutôt dans l'autre reprend JE en citant pour l’occasion une réflexion de Paul Ricœur.
- Hum ! Tu n’as pas l’impression que notre discussion devient un petit peu trop philosophique ? plaisante SOI en éclatant d’un rire sincère.
- Oui, répond JE en se joignant à l’hilarité de son compagnon, restons-en là ! »
La voiture poursuit ainsi sa route jusqu’à une intersection. Tournant à droite, le pilote, JE,  s’exclame soudain à l’attention de SOI :
« - Tu as vu ? La route que nous prenons s’appelle « Reconnaissance ». 



« Que le lecteur veuille bien me pardonner, je ne parle de moi que pour chercher le plus loyalement du monde ce qu'il en est de lui ».
Michel Serres





Pour aller plus loin : Paul Ricœur « Soi-même comme un autre », René Descartes « Le discours de la méthode » et l’article « Le paradoxe de l’ethnologue » Ipséité et altérité par M. Martial Villemin..








Montage Tippi-que  sur une photographie originale de Emecka à visiter dans sa collection personnelle "De si beaux villages".

En cliquant sur l'image, vous y serez immédiatement téléportés!






Tous droits réservés

Texte à retrouver sur le site iPagination






samedi 30 août 2014

EMECKA - L'ESCALIER SANS FIN




CLIQUER SUR LA VIDÉO SONORE ICI







L'ESCALIER SANS FIN

Réflexion sur l'optimisme...



« Autant l’optimisme béat, c’est-à-dire inactif, est une sottise, autant l’optimisme, compagnon de l’effort, est légitime. »
Léon Daudet

Il y a déjà des heures et des heures que je monte cet escalier…Je pense qu’il est sans fin.

Pour tout dire, je n’ai désormais aucune illusion : il ne s’arrêtera plus.

Où peut conduire un escalier sans fin ? Existe-t-il des lieux interminables ? Autant de questions qui me viennent car je dois me préparer à cette absence de finitude. Cependant, je suis fatigué, pratiquement épuisé. Toutes ces marches, identiques, les unes après les autres dans une régularité jamais prise en défaut. Seuls les paliers, les virages tentent en vain de briser ce rythme indéfectible.

Au début, je prêtais naturellement attention aux paysages et je ne manquais pas d’admirer, à juste titre, leurs diversités. Maintenant, je ne les vois plus. Disons qu’ils me sont devenus indifférents. Que m’importent ces décors insignifiants puisqu’ils accompagnent passivement mon périple. D’ailleurs, existent-ils encore ? Se confondent peut-être dans mon regard, brumes blanchâtres, éthérées et hallucinants vertiges. Tout mon être n’est plus qu’une douleur intense qui prend conscience de son omniprésence. L’ensemble de mes muscles est totalement tétanisé et voué définitivement à fournir cet effort démesuré.

Il y a au moins six heures, j’ai bien pensé faire demi-tour. Mais alors pourquoi aurais-je fait tout cela pour rien ? Je n'aime pas renoncer. En fait, sur le moment, j’ai été obsédé par la peur de l’inutile ; ma fierté et mon orgueil m’ont empêché de ruiner mon désir primal. Je regrette néanmoins de m’être laissé abuser par de tels sentiments ! Je n’ai plus ce choix désormais et je ne peux que me diriger vers la seule direction possible. Le haut.

Sisyphe et son rocher s’immiscent progressivement dans mon esprit de plus en plus égaré. À quels dieux ai-je donc déplu, moi qui ne crois en aucun ? O, je pourrais m’arrêter là, m’asseoir sur cette marche anonyme et attendre. Attendre quoi, qui ? Rien ni personne ne soupçonne plus une once de mon existence ainsi perchée sur un zénith inconnu. L’espoir, n’est-il pas une fuite devant un réel insatisfaisant, inacceptable ? Je ne veux pas dépendre d’augures incertains, en aucun cas. Je préfère ma dure réalité à tout mirage, fut-il culminant. Alors, je poursuis mon ascension.

Je me surprends pourtant à rêver d’un destin à la Zarathoustra, si je puis dire. Reviendrais-je parmi les hommes partager ma sagesse ? Une telle épreuve ne peut que participer d’une déconstruction de ce que je suis pour mieux donner vie un être sage. Enfin, c’est ce que je me dis dans mon quasi coma existentiel de l’instant ! Je ne suis plus qu’une pensée simplifiée, épurée se résumant à gravir ce que je ne sens plus comme un escalier mais plutôt comme un construit gigantesque résultant d’un chaos originel. Mais je dois délirer, sans doute, manquant de ce que je crois être de l’oxygène et qui n’est peut être que de la lucidité. En raison de cette altitude insoupçonnable.

Finalement, il y a quelque chose de rassurant à ne déceler aucun horizon, paradoxalement. La vue d’un terme maintenant, me déstabiliserait et même, m’effraierait. Je marche, j’avance donc. Cette nouvelle perspective me tonifie perceptiblement et une forme de confiance revient. Je me mets à croire à une possible joie dans mon parcours. Comme une deuxième naissance. Cet escalier prend figure pour moi de la cuisse de Zeus d’où s’extrait lentement un Dionysos renaissant. Les forces ne me désertant plus, ma progression se fait plus régulière et même la douleur me parait moindre. Peut être est-ce la mort qui me gagne ? C’est la première fois que cette idée me vient et je la laisse passer, sagement.

Je gravis maintenant sereinement mon escalier sans fin, laissant derrière chacun de mes pas une trace d’expérience. Enfin, je suppose car je ne me retourne plus. Seul me grise le nouveau pas que j’entreprends. Et curieusement, je me sens libre…




© Mk. Aout 2013


Texte protégé à retrouver sur le blog d'Emecka
       


Ainsi qu'une sublime mise en page et en mots de ses photographies par Emecka lui-même ici





***



Mon grain de Tippi ! Je m'amuse de temps en temps à publier suivant les jours ou les saints du calendrier. J'ai choisi pour cet article philosophique de Emecka, le jour où l'on fête les Fiacre.
Il en découle un p'tippi dicton du jour !



À pied, à cheval ou en voiture, 

générations ancestrales, présentes ou à venir, 

œuvrons ensemble pour un optimisme excessivement contagieux !






Artiste-Peintre espagnol  1853-1935



Et surtout si vous croisez un Fiacre, ne manquez pas de l'inviter sur cette page !



samedi 28 juin 2014

EMECKA - VOUS AVEZ DIT ROMANTIQUE ?



MISE EN VOIX ANNA LOGON






« L’imagination et la sensibilité tournent naturellement l'homme vers lui-même. »
Les Romantiques.





Vous avez dit romantique ?



Mais, d’où viennent donc ces oiseaux ?

Ainsi s’interroge Nabel, le nez dans l’horizon et le regard inquiet. Il n’en a jamais vu autant; ce sont de véritables nuées qui zèbrent le ciel déjà bien obscurci par les nuages d’automne. Deux fois par semaine il vient dans cet endroit mystérieux, presque inaccessible au marcheur non averti. L’éperon rocheux sur lequel il trône ce midi est le lieu de toutes ses méditations.

En effet, au prix d’une escalade difficile, Nabel aime s’abandonner à cette solitude profonde, intense et il adore contempler les brumes voiler le fond de la vallée de géantes volutes évanescentes. Le vent y est toujours présent, généralement fort et bruyant. Il tient à rester debout, dans cette posture caractéristique du dominant ou du moins, de celui qui brave courageusement les éléments. Pour cela, il s’appuie sur son bâton en bois de houx, fidèle et unique compagnon de randonnée. Il apprécie surtout, sentir le vent le bousculer, gifler son visage offert et tenter de s’engouffrer dans ses vêtements clos.

Nabel ressent la même jouissance à chaque fois qu’il s’adonne à cette relation amoureuse avec cette nature surréaliste. D’aucuns seraient transis de peur et de froid en ce lieu surnaturel. Nabel dit à qui veut l’entendre que la solitude, ça n’est pas être seul mais c’est être enfin avec soi. Et ici, il se retrouve avec son « lui-même », total, entier. Le contexte ne fait que renforcer cette intime rencontre et tisse nombre de connexions entre toutes les facettes éparpillées de sa pensée. Il en repart généralement à regret mais comme réinitialisé, reconstitué. Et donc plus fort.

Cependant, la présence des oiseaux noirs perturbe ce processus, aujourd’hui. Ils volent en groupes successifs semblant transporter d’invisibles fardeaux d’un bout de la vallée à l’autre. Puis ils repartent vers un nouveau trajet, un autre ballet identique. Faut-il y voir une signification particulière ? Nabel se met à penser qu’ils tournent autour de…lui ! N’est-il pas le seul être vivant digne d’intérêt dans ces lieux hostiles et osant se confronter avec une réalité a priori peu favorable. Les oiseaux au prix d’un ennui probable et l’ayant aperçu lui font une sorte de ronde, d’aubade. Voilà, c’est aussi simple que cela. Il ferme donc les yeux sur cette pensée.

Comme un songe, naissent dans son écran intérieur de délicieuses images, de sensuels souvenirs récents. En effet, la volupté des sens lui sert souvent de vecteur dans ses transports méditatifs. Les mains de la belle Andar, sa compagne, sur sa peau ce matin, au réveil se mêlent petit à petit aux violentes rafales d’Eole, maître des lieux. Les désirs et plaisirs respectifs semblent si proches. Ce savant mélange de contrastes entre son imaginaire et le réel, lui procure cet infini frisson qu’il affectionne particulièrement. Sans pouvoir expliquer rationnellement ces manifestations psychologiques, physiologiques même, il en tire néanmoins tous les bénéfices et se berce lascivement de cette étrange illusion. Après ce moment singulier et sortant presque douloureusement de l’acmé de sa jouissance, Nabel ouvre les yeux.

Un oiseau perché sur une vieille souche de bois noir, à quelques mètres, le regarde.
Nabel reste un instant circonspect à la vue de cet oiseau qui ne semble aucunement effrayé, ni par sa présence, ni par son regard. On peut même dire que la situation lui échappe un instant ; il doit faire un effort de rafraîchissement de sa lucidité pour s’assurer de la réalité de ce qu’il voit. Jamais jusqu’alors, Nabel n’avait été aussi déstabilisé par un animal, non agressif s’entend. Il bouge son corps, se mobilise, change de position, fait quelques pas de côté, autant pour tester les réactions de cet oiseau bizarre que pour tenter d’échapper à cette réalité dérangeante. Revenu à sa position initiale, il se surprend à exécuter cet acte totalement incroyable : parler à l’oiseau !

-       Que me veux-tu, triste animal ? 

En entendant ses propres paroles, Nabel se demande soudain s’il n’est pas devenu fou et regrette déjà ses mots idiots tout en se sentant rougir légèrement. « Ça  ne va vraiment plus » se dit-il intérieurement ! Au comble du ridicule, il s’apprête à tourner les talons et partir, penaud. Quelle n’est pas sa surprise d’entendre soudain :

-      Pourquoi fuis-tu encore, Nabel ? 

Il en a connu des émotions dans sa vie mais là… ! Il ne sait pas quelle sensation le paralyse le plus : le fait que cet oiseau lui parle ou la question elle même ! Nabel choisit instantanément, cependant, de répondre.

-      Mais de quelle…fuite…parles-tu ? Tu ne me fais…pas…peur…

-  Tu veux échapper à ton « réel » en venant  si souvent ici, Nabel, affirme péremptoirement la voix qui émane de l’oiseau.

Plus de vent, plus de brume, plus d’horizon, plus de vallée profonde. Nabel ne perçoit plus rien de ce qui l’entoure. Seul ce maudit oiseau immobile sur sa souche pourrie existe désormais pour lui. Et ses affirmations définitives. Nabel tente de faire le point rapidement. « Echapper à son réel ? » Il est vrai, pense t-il toutefois dans sa panique, que venir sur ce promontoire au bout de la terre est une façon de s’éloigner du monde social qu’il déteste de plus en plus. Il ne peut le nier. D’ailleurs, il se répète fréquemment lors de ses escalades que « plus le chemin monte plus la densité d’imbéciles diminue… ! » Cette remarque ultra personnelle lui revient dans un éclair de lucidité. Est-ce un refus de l’obstacle ? Est-il à ce point asocial, rebelle ?

-     Ta réalité ne te convient pas, Nabel, tu t’en crées une autre. Comme tous les Hommes. Tu t’inventes un double, un monde parallèle qui sert à la fois d’alibi à ta fuite, et de compensation dérisoire au seul monde possible qui est le tien*  déclame l’oiseau.

Ces mots résonnent tellement dans la tête de Nabel, qu’il pense qu’elle va exploser. D’autres, plus personnels, se percutent, s’entrechoquent avec ceux de l’oiseau comme « la vraie vie, l’immanence, le bonheur…»,  qu’il utilise souvent quand il philosophe. Ou croit philosopher. Tous ses grands principes lui reviennent comme un boomerang et le déstabilisent complètement. « Pas faux, ce que me dit cet emplumé » se surprend-il à penser.

-      Je viens ici pour…pour le paysage, pour la beauté du lieu…, pour…m’évader…, bégaye-t-il.

Cette phrase hésitante s’échappe de ses lèvres et au moment où il en prend conscience, seul le dernier mot s’impose à lui. Interdit, il fixe piteusement le volatile.

-  Regarde mieux ton aimée Andar aux confins de vos moments partagés, regarde enfin les Hommes vivre et descend au fond de ta vallée, Nabel. Regarde aussi le vol des oiseaux ; s’il est circulaire, tu n’en es pas le centre. Peut-être y verras-tu naître la musique, lance sereinement l’animal. »

 Avant que Nabel puisse formuler la moindre pensée, l’oiseau se détourne lentement et d’un coup d’ailes, prend son envol. Laissant l’homme pantois.

Anéanti. C’est le mot qui convient pour décrire son état, là, maintenant. Il est figé dans sa circonspection et paralysé dans ses réactions. D’ailleurs, il se demande s’il sort d’un rêve, d’un cauchemar ou d’une illusion d’optique. Péniblement cependant, il émerge lentement, relève la tête vers cet horizon qu’il vénérait jusqu’à présent et perçoit, comme une douleur lombaire renaissante, les derniers oiseaux s’effaçant dans les brouillards. S’appuyant sur son bâton qu’il serre comme une bouée de sauvetage, il fait demi-tour et entreprend la descente sur le sentier, entre les pierres humides. La tête basse.

Tel Zarathoustra descendant de sa montagne pour rejoindre le monde des Hommes, Nabel ressasse les mots échangés avec l’oiseau. Sans parler d’auspice, il repart, néanmoins avec une forme de prescription qu’il n’a nulle envie de ne pas suivre. Cela le surprend car il ne se savait pas homme à douter, à revisiter aussi facilement ses convictions. Mais ce moment, il le sent bien, sera désormais déterminant dans sa vie. Il décide pourtant de ne s’en ouvrir à personne, anticipant très bien le risque de se voir affublé d’hallucinations auditives dignes d’un schizophrène et au pire, d’apparaître faible aux yeux des autres. Il lui fallait apprivoiser une nouvelle approche de l’humilité, avec du temps, beaucoup de temps.

Parce qu’enfin, Nabel a parfaitement compris le message. Prendre conscience de son égocentrisme, de son égotisme, est douloureux. Surtout quand cela vient de sa propre introspection. Le prix à payer est lourd. La fusion avec une nature mélancolique, les passions jusqu’à la souffrance, une survalorisation du Moi entre autre, tout en lui respirait le romantisme de la meilleure époque. L’oiseau lui a finalement ouvert les yeux sur sa fuite ; il acquiesce.  Il reconnaît cette évidence.

Arrivé dans la vallée, Nabel sourit. Il aperçoit Andar cueillant des fleurs dans leur jardin et… il frissonne d’une joie, toute nouvelle. 




Notes de l'auteur :

  • Une petite recherche sur l’étymologie des prénoms peut s'avérer...utile!! 

  • Le romantisme : parmi les nombreux sites Internet sur ce thème, celui-ci dit l'essentiel...



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