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jeudi 23 octobre 2014

AMARANTHE SYLVAINE


Chacun de ses textes frissonne de toute une palette d'émotions et de sentiments différents



MISE EN VOIX AMARANTHE





Amaranthe nomme cette photographie

" RESPIRE EN SOURIRE "

C'est plus que réussi, non ? 








C’est difficile d’expliquer pourquoi les lettres s’entrelacent, se caressent ou s’écorchent. Elles veulent se faire entendre parce qu’elles sont bouleversées, bouleversantes, embrouillées, irritantes, entêtantes. La rotation de la terre s'accélère et je deviens multiple : Bien sûr, je doute de tout, du sens de l'existence et des phases de la lune, de l'herbe rouge, du mur du son, de la vitesse de la lumière...



Parfois, le soleil se déguise : un peu de figue et de raisin. Mais peu importe qu'il se cache : je le dessine en mots, le mets en grain de voix. J'aime cette musique, une grâce, une couleur. La vie, quoi !


Je fais ce que je peux, tout mon possible, toujours affable avec les plissures de temps et les rétractations d'espace. Et j'ai toujours mon imagination avec moi, bien fertile, très réceptive, un vrai boomerang. Parfois toutes ces histoires semées, lues, vues ici ou là, ça fait un trou dans la poitrine qui s’agrandit et qui palpite. Ce qui compte, c'est chaque jour coincé entre hier et demain. Même mal coiffé, sauvage. Tout sauf morne. Tout, sauf résigné. Un jour à apprivoiser, à inventer. Être comme un chat, avoir dans le cœur la vie qui bat neuf fois. 



Un jour, quelqu’un m’a dit : « que la vie vous porte bien ». Si je ne sais pas forcément où elle va celle-là , j’aime le vent qui me porte. C’est une question de sensation, de corde, de voix, de vibration, de souffle, de respiration . En équilibre sur un fil ? Oui, je me balance entre deux rives dans l'air liquide qui me chavire



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lundi 23 juin 2014

AMARANTHE - EMBRASEMENT





Photographie personnelle de Morgan et Paty


Embrasement


Ce matin-là, le Soleil avait décidé de faire la grasse matinée, fatigué de sa grande virée de la veille qui l’avait laissé bien amer. Il avait fait la fête pour la dernière fois. Sa toute première fois était bien derrière lui : la saison s’avançait, l’hiver pointait son nez. Son ultime journée l’attendait goguenarde, bien campée sur ses pattes. Elle était jeune encore, se pensait éternelle, dédaigneuse des peurs des belles éphémères. Lui aussi avait été orgueilleux et fier, bien avant que le Temps, sournois et cauteleux ne vienne lui demander des comptes, un mouchoir à la main. Il n’y avait que le Temps, sans âge, qui s’en tirait toujours. Il attendait tranquille, au détour du chemin et son sourire sanglant disait « un jour, tu seras mien ».  

Le Soleil soupira. Quand le jour aurait chaviré, il partirait là-bas, de l’autre côté du monde. Déjà la vie s’enfuyait à tire d’ailes. Son souffle devenait court et tiède. Les oiseaux ne venaient plus se brûler à sa caresse, les fleurs ne lui faisaient plus de l’œil. Il était loin le temps où le vent faisait danser leurs robes rouges et où, dans le frais matin, il venait  boire les gouttes de rosées qui perlaient de leurs petits corps graciles.  Il était loin le temps où, libres et irrévérencieuses, elles dressaient leurs corolles vers lui et s’offraient à la morsure de ses rayons.

Il avait mal dormi et, plus pâle que d’habitude, il n’en menait pas large. Qui donc pourrait l’aimer de l’autre côté du monde ? Pour retarder le moment des adieux, il décida alors de ne pas se lever. Mais le Temps, qui a toujours plus d’un tour dans son sac, envoya Aurore au chevet du Soleil. Toute rose d’émotion, ses grands yeux si clairs lui mangeant le visage, elle alla donc le tirer du lit. Colosse aux pieds d’argile, il se vit fort et étincelant dans son regard liquide. Voulant lui offrir la plus belle des couches, il la prit par la main et alla l’étendre sur son plus beau nuage au beau milieu du ciel. Et le Temps reprit ainsi sa course funeste.

Le Soleil écoutait sa belle Aurore qui tout bas gémissait : « Tu as vécu sans moi, mais jamais moi sans toi.  Comment vivre sans toi ? Je ne veux pas d’un autre soleil. Emmène-moi avec toi. »

Elle se mit à pleurer. Le Temps, ému de son chagrin, souffla  sur ses paupières et la peau d’Aurore, si fine et translucide, se fit de parchemin. Le Soleil savait qu’elle se perdait pour lui mais il ne voulait pas partir seul dans la nuit. Il l’enveloppa alors pour qu’elle devienne d’or liquide. La douleur fut telle que le sourire d’Aurore se déchira, ses lèvres devinrent velours rouge. Dans un ultime baiser, elle mêla ses lèvres aux rayons du Soleil. Celui-ci, désormais étranger dans le ciel, plongea dans l’océan et ses larmes de feu embrasèrent l’infini.





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samedi 26 avril 2014

AMARANTHE - LA JOURNÉE DE L’INDIFFÉRENCE








La journée de l'indifférence



À la radio ils avaient dit : « demain, nous ferons la fête à l’indifférence. Vos témoignages seront lus à l'antenne. Vous pouvez aussi laisser quelques mots sur notre répondeur ou nous appeler en direct. Nous mettons aussi à votre disposition un numéro spécial pour vos promesses de dons.

L'émission commençait à dix heures.

Ils prirent d'abord, au hasard, l'appel de Juliette, qui dit que c'était une pitié tous ces gens dans la rue et que dès qu'elle le pouvait, elle donnait un petit quelque chose.

L'animateur remercia les Juliettes et les Juliens car ils étaient nombreux. Au passage, il lui demanda pour combien elle s'engageait tout en pensant à son dernier placement exempté d'impôt qu'il faudrait tout de même placer ailleurs car un copain lui avait dit que d'autres rapportaient plus.

Il ne demanda pas à Juliette, car il s'en fichait royalement, ce qu'elle ressentait quand on lui téléphonait à l'heure des repas, quatre fois par semaine, en lui demandant de réfléchir à tous ces gens qui ont faim, elle qui avait la chance d'avoir sa retraite. Et Juliette n'osa pas dire qu'à chaque fois que le téléphone sonnait, elle décrochait le cœur battant et éprouvait un petit pincement car elle aurait bien voulu qu'on l'appelât pour elle, pour savoir comment elle allait. Mais probablement que ce n'était pas dans le script. Mais un appel, c'est toujours une voix, un contact, une présence.

Tous souriaient dans le studio : gentille Juliette.

Ils étaient émus quand ils prirent Jacques au téléphone.

"Et vous Jacques, comment combattez-vous l'indifférence ?"

Jacques était d'avis que le combat contre l'indifférence y gagnerait s'il était rappelé aux patrons qui pointent au CAC 40 qu'il faut payer ses impôts et ses cotisations. Car il y a souvent des relations de cause à effet. Est-ce que cette radio pourrait faire un jour une émission sur les droits et les obligations de chaque citoyen et même des hauts placés ? Parce que lui, Jacques, ce qu'il voulait dire, c'est que ce n'est pas par l'opération du Saint-Esprit que les écoles, la santé, les retraites, les allocations familiales, les routes et puis j'en passe, sont financées. Et quand des gens sont licenciés parce que les actionnaires ont des états d'âme, quand les retraites, les allocations pour le logement sont réduites, les rangs de ceux qui sont mal lotis grossissent. Et de fil en aiguille, Jacques se demandait si ce n'était pas un peu léger qu'en bout de course, ce soit Juliette qu'on culpabilise. Mais il convenait que c'était très astucieux.

Et en fait, il en était encore à se demander si le produit de la journée de solidarité financée sur son dos aidait vraiment les personnes âgées.

Dans le studio, il y avait un silence feutré. Et Jacques, à qui on ne coupait pas le sifflet comme ça, conclut en disant qu'une générosité bien ordonnée devait avant tout être collective, qu'ainsi elle devenait une obligation et que ceux envers qui elle s'exerçait avaient alors un droit.

L'animateur lui dit que le message était passé mais Jacques eut le temps de rappeler que la semaine prochaine, il y aurait une manifestation et qu'il espérait que sa radio préférée en parlerait avec autant de soin qu'elle parlait de la journée de l'indifférence.

" Salut la compagnie."

Pour alléger l'ambiance, l'animateur eut recours à son arme de choix, Lucille, dotée d’une voix apaisante quoique très troublante.

Avec tactique et savoir-faire, elle posa quelques mots sur les maux de l'indifférence. C’était dommage qu’il n’y ait pas de caméra.

L’indifférence, à tout prendre, qu’est-ce ?

Beaucoup de peur et d’ignorance. Le regard qui se détourne par crainte mais aussi par pudeur. Et si c'était moi cette personne couchée là ? Si c'était moi ce regard éteint, cette femme, cet homme dont chacun se détourne ? Mais c'est peut-être moi, toi, cet être humain que personne ne veut voir. N'est-ce pas ce que nous pouvons devenir qui nous effraie ? Et pourtant c'est la différence qui fait notre richesse. Il ne faut pas la nier mais l'accepter. L'indifférence, c'est le vide. Accepter l'altérité, la diversité, c'est construire l'avenir. C'est chercher à comprendre. L'absence de compassion, de sollicitude nous isole et nous détruit aussi bien qu'elle anéantit les êtres rejetés. Seule l’empathie peut nous sauver de la solitude. Croiser des doigts, offrir la chaleur d’un regard. Les gens ne sont pas qu'une silhouette. Ils sont de chair et de sentiments, sombres, lumineux ou violents mais jamais transparents.

Et tous dans le studio d'applaudir Lucille parce que c'était beau même si l'animateur ne comprenait pas toujours où elle voulait en venir.

"Maintenant, nous accueillons Nadia" annonça-t-il d’une voix suave. "Dites-nous Nadia, comment construisez-vous l'avenir ? Que vous évoque la compassion ?"

Nadia dit qu'à son niveau, le contraire de l'indifférence, c'était ne pas changer de trottoir ou de wagon de métro et donner au moins un sourire. Peut-être une pomme si on en a ou bien un pain au chocolat, ça fait toujours plaisir.

« L’indifférence aussi, c'est parler à plusieurs dans la même pièce, même parler de générosité, mais en écoutant uniquement le son de sa propre voix."

« Vous voulez dire ? »

« Avant, quand quelqu'un disait où il avait été, on demandait ce qu’il avait vu, ce qu'il avait aimé. Maintenant, on répond : et moi, j'ai été là-bas. On n’écoute jamais les réponses, on s’en fiche complètement. »

Nadia ne connaissait pas son patron mais il y avait des choses dans ce qu'avait dit Jacques qui l'avait touchée. Parce qu'elle, Nadia, voulait que son frère qui ne travaillait pas et qui galérait d'entretien en entretien ait des droits comme ses frères humains et pas que des bons de générosité. Elle voulait qu'il se sente comme les autres.

Elle voulait dire aussi que souvent à la cafétéria, on lui faisait la morale. Elle gagnait un peu plus du SMIC quand il y a tant de gens dans la rue, elle pouvait faire un petit effort ! Et ces gens solidaires et fiers de l'être en fin de compte l'ignoraient car ils n’étaient pas du même monde.

D'ailleurs c'est bien simple : l'autre jour dans l'ascenseur, ils étaient montés à trois pour aller fumer sur le toit, c'est le dernier lieu à la mode quand on veut être entre gens d’importance et elle s'était sentie transparente. Il y en a même un qui avait fini par lui dire "oh pardon, je ne t’avais pas vue."

Et puis elle parla de ce jour où avait été organisée une réunion de soutien à un collègue qui se faisait licencier, car il faut bien réduire les effectifs et il y en a forcément un sur qui ça tombe, et seuls quelques irréductibles étaient venus.

"C'est vrai que l'indifférence ne se règle pas uniquement par le don" se dit alors Lucille. Elle enleva son casque pour prendre à part l'animateur auquel elle raconta ce jour où elle avait vu une pharmacienne refuser de vendre une seringue à deux jeunes gens manifestement drogués. Probablement une prise de position vertueuse. Mais fermer les yeux et les renvoyer à la recherche d'une seringue usagée dans la rue et possiblement à la mort … Ce à quoi l'animateur répondit que certains pharmaciens refusent de vendre des préservatifs, indifférents aux cercueils qui s'alignent.

Une discussion s'engagea alors, hors antenne, chacun ayant un exemple sous la main.

Comme il faut savoir trouver la note juste pour finir en beauté et que l'objectif n'était pas la totale remise en cause de la société mais la réconciliation, l'animateur dit que l'heure ayant tourné, il fallait se quitter et que le mot de la fin allait revenir à Fabrice, jeune poète de dix-sept ans, lui aussi confronté à l'indifférence. L’indifférence d’une voisine, mère de famille, qui tranquillement ignorait son regard languide. Et que bien sûr le numéro de téléphone pour les dons de la journée de la réconciliation restait ouvert jusqu'au soir.

C'est Lucille, que les mots de Fabrice ne laissaient pas indifférente tant elle les trouvait adorables et délicieux, qui fut chargée de dévoiler les quelques phrases :

« Sur ses traits lisses, je ne lis qu’un peu d'ennui, une vague nonchalance. Je l’appelle ma belle indifférente, mon ignorante. Ses yeux me brûlent et me consument. Je respire, d'épices et de vanille le parfum de sa peau d’ambre. Je l'imagine, humide et gémissante, je la tiens dans mes bras, pantelante. Et puis elle me regarde et m'enfonce dans le cœur la lame effilée de son regard émeraude. Je me noie dans ses yeux qui ne me voient qu’en transparence. Voilà pour moi l’indifférence. »



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AMARANTHE - LES VAGUES












Mon Chéri,

C’est cette vieille habitude qui me fait t’écrire. Ne t’inquiète pas, je sais bien que ce n'est pas facile pour toi de me répondre. Mais je ne désespère pas, j’attends un signe.

Sais-tu que depuis que ta voiture a percuté ce petit parapet, s'est envolée de la falaise et est venue finir sa course dans notre petite crique d'amour, je n’ai pas eu un instant à moi ? Cette petite plage faite de sable et de galets, j'ai toujours su qu'elle était jalouse. Tu te souviens, quand nous regardions les vagues qui venaient pleurer sur les rochers ? En fait, elles me disaient : "un jour, je te le prendrai !"

Quand je suis arrivée, le soleil plongeait dans l’océan, comme un amoureux éconduit et ses larmes de sang embrasaient l’infini. Il y avait un monde fou : les pompiers, la police, des voisins... Toi qui aimais ton intimité, tu as été servi. On m'a tenu par le bras pour descendre le petit chemin, notre petit chemin. C'était incongru, inconvenant.

J'avais la sensation d'être dans l'oeil du cyclone. On m'a dit qu'il fallait "que je te reconnaisse". Et vois-tu, quand ils ont levé le drap, je n'ai rien reconnu du tout, je ne t'avais jamais vu sous cet angle, si absent, si lointain. J'étais là, dans cette chaleur collante, le sang battant contre mes tempes, avec dans mon estomac un tsunami en formation. Je me voyais et je me disais : "mais qui est cette pauvre femme qui doit reconnaître ... " ce qui n'était pas toi ! Toi, tu t'étais fait la malle. D'ailleurs, je me demande si je ne t'ai pas entendu me dire, au moment où ils ont soulevé ce maudit drap, de ne pas m'inquiéter, que tu m'attendais, que tu me ferais signe. Je le sentais dans chacun de mes nerfs chauffés à blanc, prêts à se répandre par les pores de ma peau. J'ai hurlé : "ce n'est pas lui" et un filet de voix que je ne connaissais pas a déchiré ma gorge.

Ils ont voulu me convaincre du contraire. Tu te rends compte ? Voilà en quoi ils croient, en de petits papiers plastifiés. Mais moi qui sais chacune de tes odeurs, qui connais le grain de ta peau, le son de ta voix même quand tu ne parles pas, le feu de tes yeux, on ne me croit pas, on me dit qu'il faut que je sois raisonnable.

Je rêve : il faudrait être raisonnable dans une vie qui est tout sauf logique et raisonnée ! Ce n'est pas toi, ce n'est plus toi, tu t'es sauvé, tu as eu bien raison.

Moi aussi, j'ai essayé de me sauver. Je suis remontée sur la route en courant. Et c'est là que j'ai vu cette jeune femme, que j’aurais pu trouver charmante dans d’autres circonstances.

Elle pleurait tant la pauvre ! Pour un peu, il aurait fallu que je la console. J’avais du mal à la comprendre – il faut dire que j’étais un peu sens dessus dessous. Elle n’arrêtait pas de dire que d’habitude elle ne buvait jamais quand elle allait prendre le volant et que donc par conséquent, ce qui est fort logique, cela avait été le petit verre de trop. Qu'en plus elle avait été obligée de répondre au téléphone juste avant le virage. Quand elle t'avait vu, elle avait pris peur.

C'est fou, pour un peu, c'est elle qu'il fallait réchauffer, chouchouter, materner, câliner.

Elle pleurait de plus belle et la suite tu la connais : tu as voulu l’éviter et comme toi aussi tu roulais vite, le petit parapet ne t’a pas retenu. Celui-là, je me suis souvent demandé à quoi il servait. Maintenant je sais : à rien. Au moment de prendre ton envol, tu as dû la trouver belle, cette inconnue, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, je te connais, tu l'as peut-être même imaginée dans tes bras, ne le nie pas et je te pardonne, c'était en quelque sorte ta dernière cigarette. Bref, elle s'est retrouvée seule avec son téléphone portable. Puis elle s'est décidée pour la première fois de la journée à faire quelque chose d'utile. Elle a appelé les secours, et quand je dis utile, c'est une façon de parler puisque cela ne t'a pas servi à grand-chose.

Pour un peu elle m'aurait attendrie tant elle pleurait sur toi. Quand elle a réalisé qu’elle t’avait laissé partir si loin sans chercher à te retenir, elle a dû s’en mordre les doigts, toi, mon si beau soleil. Elle a raté son saut de l’ange mais réussi le tien.

Puis ils m'ont rendu ton corps pour que moi, je lui rendre les derniers honneurs. On m'a emmenée un peu partout et à un moment, on m'a dit qu'il fallait que je choisisse la couleur de ta dernière demeure. J'ai dit que moi je voulais m'allonger avec toi dans cette dernière demeure et attendre que tout s'arrête mais que je me fichais complètement de sa couleur. Ils m'ont regardé affligés et je n'ai plus rien écouté. De toute façon, ce n'était pas toi.

Et quand nous étions autour de cette fosse dans laquelle ils s'évertuaient à faire descendre une boîte dans laquelle ils voulaient me faire croire que tu étais couché, je t'ai vu. J'étais là immobile, les joues fouettées par le vent qui hurlait, toutes les épines de ces fleurs rouges qui s'enfonçaient dans ma chair, pas parce que je te disais un dernier adieu, mais parce que je me demandais comment te rejoindre quand j'ai senti un souffle. Je me suis retournée et je t'ai vu. Et je crois que tu m'en as voulu parce que je n'ai pas couru vers toi. Mais comprends-moi, Mon amour, ils me retenaient, et "pour mon bien", c'est ça le comble. Je te criais de m'attendre mais tout ce qu'il savaient faire, c'était de s'affairer autour de moi comme des oiseaux de mauvais augure. Et tu m'as tourné le dos, tu t'es éloigné sans un mot. J'ai raté mon rendez-vous avec toi et je leur en veux beaucoup.

L'autre jour une amie m'a dit : "il faut laisser du temps au temps !"

Eh bien, je fais preuve de beaucoup de mansuétude et de magnanimité en lui laissant sa chance à celui-là mais il ne m'aide pas beaucoup et je ne sais toujours pas par quel bout prendre ton départ. J’hésite un peu entre te rejoindre et rester ici. Imaginons que tu repartes par l’autre côté pour revenir : je ferais quoi moi, là-bas sans toi ? De plus, c'est grand, de l'autre côté du monde. Et je pourrais bien me retrouver en tête-à-tête avec le néant. Donc je t'attends ici. Mais je fuis de toute part, une vraie béance.

Je ne joue même pas à « et si », cela ne sert à rien. J'essaie de faire sans toi ou plutôt avec toi mais autrement.

Souvent, je descends jusqu'à notre crique, celle où il y a ce si beau rocher sur lequel ta voiture s'est encastrée. Je me concentre sur lui et je te parle. C'est drôle, j'ai l'impression de le voir battre, comme un coeur. J'essaie de comprendre ce qu'il me dit. Du coup, je ne peux même pas le haïr. Je sens le goût de l'eau salée et je me dis que je pourrais me sentir si bien si tu étais là. C'en est presque insoutenable. Alors je regarde le soleil. Tu te rappelles quand je disais : "au soleil que je suis bien, les p'tits tracas ne sont rien ?" Mon Amour, j'ai toujours cet appétit pour ta peau de velours mais j'avoue que le parfum de la mer m'est un peu amer depuis que je ne peux plus la toucher. L'eau qui danse entre les rochers dansent surtout dans mes yeux. J'essaie de jouer à rêve ou réalité, je vois nos pieds nus dans l'écume mais enfin, il y a toujours une bonne âme pour me rattraper avant que je ne m'envole vraiment.

Il parait qu'il faut que je sorte, que je fasse des rencontres ! Très bien, samedi dernier, j'ai pris un avion. Tu te rappelles quand nous étions allés sur cette île ? Tu m'avais dit : "nous sommes au bout de l'Europe". Tu voyais des bouts de l'Europe partout. En Crête, face à la mer de Libye, à Lisbonne, au Cap Finisterre, aux Canaries...

Donc je suis allée sur nos traces. Tu veux que je te raconte ?

Jeudi, je vais acheter un timbre. J’en profite pour acheter un de ces tickets à gratter, tu sais, un ces jeux où c’est toujours celui qui est devant ou derrière qui a le bon numéro. Eh bien cette fois je gagne. C’est bien la preuve qu’heureux au jeu, malheureux en amour.

Je me suis dit qu’on allait les dépenser ensemble, ces fichus euros. Et me voilà partie sur un coup de tête et j'avais confiance parce que toi, jusqu'à maintenant, tu as été mon meilleur coup de tête.

Je t'ai cherché partout. Je t'ai appelé partout. Tu n'es pas venu ou alors tu étais bien caché. Comment veux-tu que ... ? J'ai couru sur chaque plage, sur chaque rocher. À chaque fois que je voyais une vague se dresser, fumante, écumante, mon coeur bondissait dans ma poitrine : tu allais enfin me parler. Tu comprends, les mers et les océans se rejoignent et forment un même et seul corps. Tu es là, Ma Divinité, tu roules tes muscles sous cette immensité. Parce qu'ils n'ont pas voulu me croire, mais ce corps, ce n'était pas toi, tu en étais sorti à temps. Avant qu'ils ne l'enferment dans la petite boîte. Je t'ai vu t'envoler et te poser sur la crête d'une vague. Tu t'es fait la belle, enfin libre. Un dernier pied de nez.

Si ça se trouve, comme tu fais toujours tout à l'envers, tu remontes les fleuves, les rivières, tu reviens à la source. Tu as toujours été un grand farceur.

L'autre jour, quelqu'un m'a dit que quand je me serai libérée de toi, je rencontrerai quelqu'un et qu'à nouveau je serai amoureuse !!! Comment peut-on être si à côté de la plaque ! Une vraie dérive. J'ai dit que je ne voyais pas comment concrètement, je pourrais bien faire l'amour avec quelqu'un d'autre que toi. Allez, avoue, toi aussi tu trouves que c'est inconcevable. Et puis j'ai ajouté que prisonnière avec toi, c'était ça la vie et que je n'avais pas du tout envie de me retrouver libre dans le vide.

Ce quelqu'un m'a dit que je devais regarder devant moi. C'est curieux comme idée puisque tout est derrière. Les gens ont vraiment de drôles d’idées et de drôles de manies, la dernière en date étant de vouloir à tout prix que je ne pleure pas quand l’envie m’en prend. Incroyable ! Mes larmes font peur et pourtant, elles ne parlent que de toi, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. J’ai le droit de m’accrocher à mes larmes car le jour où elles aussi se seront fait la malle, peux-tu m’expliquer ce qui me restera ? Rien.

On m'a aussi dit que je devrais parler à quelqu'un. Pour quoi faire ? Comme si être malheureuse, éprouver de la douleur était une maladie !

Tu le vois bien, Mon Amour, je suis mal entourée. Je te serais donc profondément obligée de m’envoyer un signe, quel qu’il soit, même tout petit. Une goutte de pluie qui ne parlerait qu’à moi, la trille d’un oiseau, un éclair dans ma nuit blanche, un souffle, rien qu’un souffle. Tu m’enverrais un rêve et un peu du parfum de ta peau. Un effleurement, rien qu'un petit baiser, là, à la naissance du cou. Un peu de ta chaleur ne serait pas de trop.

Ah, j'oubliais, si tu veux que je vienne, si tu t'ennuies trop, surtout dis-le moi, je trouverai bien un moyen !

Ton petit Chat




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