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samedi 14 février 2015

DURANDAL - TOMBER AMOUREUX











Tomber amoureux


Il y a encore peu, je me demandais comment je pouvais tomber amoureux puisque, par définition, avant de tomber amoureux on ne connaît pas la nature de l’amour et ce dans quoi on va tomber. Je savais nager, marcher, je connaissais toutes sortes de choses plus ou moins utiles mais aimer restait l’inconnu. Pourtant je recevais des encouragements de toutes parts: « Tu verras, c’est génial, rien de meilleur ne peut t’arriver dans la vie… » Mais ces encouragements ne me servaient pas davantage que ceux que l’on prodigue à un futur mousse qui n’a jamais vu la mer. Bien sûr, je regardais autour de moi, je voyais des exemples mais je ne distinguais pas vraiment les bons des mauvais, ceux qui m’attiraient et ceux qui me révulsaient, ceux qui s’arrêtaient en route ; ceux qui duraient et ceux qui n’en finissaient pas de finir… J’écoutais aussi, les jugements entendus ne correspondaient pas toujours à l’idée que je me faisais de la vie : ceux qui étaient faits pour s’entendre ne s’écoutaient plus, celle qui était mieux que lui se trouvait délaissée pour une qui disposait de moins d’atouts… J’étais convaincu que je ne savais pas grand-chose mais que les autres n’en savaient pas davantage… Certains prétendaient qu’il fallait être taillé dans le même bois que sa moitié, d’autres qu’il fallait être complémentaire pour que la vie soit intéressante. Il valait mieux se disputer que de vivre une désespérante harmonie… Il est des écheveaux inextricables !


Bref, j’étais perplexe, je cherchais l’amour comme un inspecteur mène l’enquête. Je traquais le crime, j’entrais dans les maisons à la recherche d’un indice, j’interrogeais les suspects pour savoir s’ils ne cachaient pas un crime dans un coin. Il m’arriva de croire avoir trouvé un crime de grande ampleur mais en grattant un peu je m’apercevais que ce n’était qu’un amour de façade. La sincérité faisait défaut aux délinquants. Le crime n’était pas vraiment commis en bande organisée, (excusez-moi je voulais dire en couple), c’était un crime en sursis. Un jour, j’entrais par mégarde en pleine scène de ménage, je rebroussais chemin, je croyais faire fausse route mais l’apparence est parfois trompeuse. J’appris qu’une bonne mise au point valait mieux qu’une froide indifférence. Je suis revenu sur mes pas, aucun ne baissait pavillon, ils s’exprimaient sans écraser l’autre. Mais lorsque l’un des deux protagonistes sortit en claquant la porte, je ne sus plus que penser.


Alors que je me concentrai sur un sujet trop scolaire et que je pensai être à cent lieues du souci qui me tracassait, j’eus l’illumination. Marie et moi étions voisins de classe, nous partagions le même banc. Lors d’un tp, elle se leva pour aller chercher un bocal ou autre chose, je ne sais plus, elle se pencha pour prendre un objet sur la table, ses cheveux effleurèrent mon visage, je sentis son odeur et quand elle se rassit, j’étais amoureux.


Face à un mur d’eau invisible, nous poussâmes un seul et même cri en silence. Le flot nous happa et nous tourneboula. Nous fûmes submergés, nous perdîmes pied mais à aucun moment nous eûmes peur. Quand la vague nous rejeta sur nos bancs, et que nous pûmes respirer à nouveau, nous nous sommes souri. Je ne sais combien de temps dura notre sidération mais je crois qu’elle durerait encore si la cloche ne nous avait fait sursauter. Nous rangeâmes nos affaires et notre vie. Dans le couloir, nous marchions d’un même pas décidé, énergisés pour porter nos plus beaux rêves.

Tous droits réservés



Sans transition aucune, une chanson de Benabar que j'aime particulièrement et qui évoque un certain côté des amours adolescentes 







"Certaines tombent amoureuses
C'est pur, ça les élève
Moi j'tombais amoureuse
Comme on tombe...d'une chaise"

Extrait de "Je suis de celles" de Benabar



C'est ma façon d'exprimer ce fameux balancier féminin au texte de DURANDAL. 
De quoi je parle ? Eh bien passez donc faire un tour sur cet autre texte "L'horloge de ma grand-mère" et recevez cet appel à textes de Durandal en sa réponse au commentaire d'Eponine : 


"Qui écrira le pendant féminin de ce texte ? Il s'ennuie tout seul sans sa vis-à-vis."


 Dixit Durandal, l'auteur qui éveille nos souvenirs !


Belle invitation ! Que ce soit en réponse à son "L'horloge de ma grand-mère" ou bien à ce texte présentement "Tomber amoureux"




mercredi 1 octobre 2014

TippiRod - CONFIDENCES ET NARRATION (et un petit peu plus !)




TippiRod VOTRE ÉCHO !







Une fois n'est pas coutume, je raccroche la fiction aux brouillons !

S'il est certain que les ateliers d'écriture m'ont séduite pour justement m'avoir emmenée ailleurs, tous azimuts et toutes personnes confondues, aujourd'hui c'est la première que je vais utiliser sans artifices, et je, je, "je" sera bien moi !

Je ne vous ai pas fait fuir ? Tant mieux ! Car une petite voix m'a soufflé – peut-être est-elle une muse ? – que l'occasion était jolie de vous parler de mon penchant... Eh ! Je n'ai pas dit de mes travers, ne confondez pas !

Suivez-moi si vous le voulez bien dans une classe de neuvième comme on disait alors, au temps où les jeudis étaient jours sans école et les quatre-heures, pain beurre et chocolat.



Enfant sage souvent en proie à la rêverie, mon imagination était plus que vagabonde et je donnais la parole à toutes sortes d'objets. À l'école, mes crayons me parlaient secrètement de ma trousse, me rassurant souvent d'avoir perdu le fil de la leçon par manque de concentration !
Pourtant ce jour où la maitresse est arrivée grimaçante d'efforts, dans notre classe du premier étage de l'école des filles du château, apportant du bout de ses mains jointes sur une poignée, un lourd engin énigmatique, mon attention se mit au garde à vous !

Le silence régnait à l'ouverture de la boîte mystérieuse en deux ! Deux grosses bobines transparentes laissaient paraitre un enroulement de ruban marron glacé. La maitresse a sorti un microphone et a expliqué qu'elle allait, chacune notre tour, enregistrer nos lectures.
Ah ça, quel bonheur ! Mon imagination, mes rêveries, mon étourderie, toutes se concentrèrent sur cette boîte à voix magique ! On allait faire de la TSF !

J'étais pressée que ce soit mon tour ! Et j'aurais voulu que ça ne finisse pas, moi qui aimais tant lire à haute voix, tout comme j'adorais le jour de la récitation.
À la maison, je jouais tous les soirs et jours de congé, à la maitresse, et chaque petit bonhomme d'à peine trois centimètres rejoignait mes poupées pour aller grossir les rangs de mon école improvisée.
Toute récitation était alors apprise et déclamée haut et claire à travers chaque petit élève imaginaire. Je variais les intonations et notais ma trentaine de participants ! Inutile de vous dire que j'étais rodée pour, droite et fière comme un i, réciter ma poésie sur l'estrade devant toute la vraie classe !

Alors, enregistrer ma voix ! Ah oui ! j'en rêvais ! Hélas, cela n'était qu'une expérience ponctuelle et l'institutrice expliqua qu'elle ne pourrait pas apporter ce matériel encombrant plus de deux fois. Une première fois pour les enregistrements, la seconde pour leur écoute (où nulle ne se reconnaissait d'ailleurs !). Je n'étais pas du tout une enfant hardie, tellement gauche et mal à l'aise pour toutes les activités physiques et sportives, pourtant aucune timidité en moi pour être enregistrée, bien au contraire...

Quelques années plus tard, un professeur de français avait apporté un coffret de trente-trois tours, captation d'une représentation du Bourgeois gentilhomme de Molière. Même coup de foudre ! J'ai demandé ce cadeau pour Noël – oui oui, le coffret des trente-trois tours de la pièce ! — Et grande bécasse, je me suis encore amusée des heures et des heures, toute seule à plusieurs voix ! Sûrement très accompagnée d'acteurs imaginaires ! J'avais déjà adoré deux vinyles avec livret que j'avais reçus en cadeau plus petite, la vie de Frédéric Chopin et bien sûr quelques extraits de ses œuvres pour piano (c'est donc cela que je les apprécie tant!), et... le Petit Prince de Saint Exupéry dont la voix de Gérard Philippe, le narrateur ne m'a jamais quittée, pas plus que Pierre Larquey qui y tenait le rôle très singulier de l'allumeur de réverbère.





Est-ce la peine de vous révéler que le jour où l'on m'a offert un magnétocassette, le roi n'était pas mon cousin ! J'ai écouté bien sûr des chansons et tubes du moment... mais qu'est-ce que j'ai pu nous enregistrer, mes copines et moi ! Le chat, les oiseaux, que sais-je encore !

Étrangement, il m'a fallu attendre quatre décennies pour oser me lancer sur une scène de théâtre amateur. Une superbe aventure, vous imaginez !

Il n'y a pas si longtemps, je me suis passionnée pour une émission de télévision quotidienne qui faisaient connaître de nouveaux humoristes : « On ne demande qu'à en rire », vous connaissez peut-être ? L'interprétation y est reine et le spectateur ne peut s'y tromper, ça passe ou ça lasse ! Et les multiples invitations modernes à twitter ont eu raison de ma curiosité de cet univers qui relie télévision et spectateurs !

De simple twitteuse... mon chemin s'est ouvert de manière inattendue et je dois dire, inespérée ! Je suis devenue très vite iPaginatrice, et participante assidue des ateliers proposés. Mais alors ! Partages et échanges de commentaires aidant, une frénésie de lectures des diverses participations et textes publiés m'a envahie ! Lisant comme un escargot — défaut persistant de concentration ! Je me suis mise à lire les textes à voix haute pour mieux m'en imprégner… et… à m'enregistrer ! (sur mon téléphone ! Vous pensez bien que la fonction dictaphone a été une des premières que j'ai utilisée!)


Mes premiers MP3 (oui vous savez ces formats audio iPaginatifs !) fort bien accueillis par mes amis auteurs, m'ont encouragée et j'ai lancé sur le défi week-end « Bon dimanche » mes deux premières émissions TippiRodio sur les ondes iPaginatives.
J'ai eu alors très envie de me faire un petit chez-moi de voix en créant un blog tout écrit et tout en voix ! Mais ceci est une autre histoire qui ne fait que commencer !

J'avais promis aux coordinatrices des ateliers et défis, Aubrée et Ellya, de venir vous proposer en toute simplicité, sans contrainte ni consigne particulière, quatre défis pendant l'été... Me voici ! Certains ne me connaissent certainement pas ; ce texte évitera peut-être que je débarque dans votre univers d'iPaginauteurs comme un cheveu sur la soupe ! Pour mes amiPaginateurs, colloc d'écritures et de commentaires, pur bonheur de vous retrouver !

Un p'tippi sujet c'est « un mot, une expression et c'est parti ! »

Je n'ai pu résister à vous confier mon péché mignon ni à vous laisser vous inspirer à l'envi de ce si joli mot ! LA VOIX !

Il vous parle ? Alors, au plaisir de vous lire à voix haute si le cœur vous en dit !

Lire ses propres mots, rien de plus facile, lire ceux d'un auteur c'est autre chose ! Je l'ai découvert comme une aventure passionnante, comme si je m'asseyais à côté de lui, ma tête par dessus son épaule, découvrant son univers mot à mot en essayant de m'y fondre en totale complicité... Espérer être son écho, risquer de me tromper et de le décevoir, tenter avant tout de l'émouvoir de lui-même...sobrement, sans le trahir et avec grand respect de son message.




(si vous l'acceptez, je n'ai donc pas fini de vous caREsser les oreilles !)




OUIIIIII ! Exactement cette version-là ! 

Je l'ai ! Je l'ai !












Voici (ci-dessous en tableau) tous les liens d'iPagination des participations à ce p'tippi sujet :



 LA VOIX

Exprimez en 1200 mots maximum, quel écho celui-ci a en vous.


 Vous  y trouverez toutes mes mises en voix de chacun des textes des participants (pseudo TippiRod - liens en rose)

Liste des textes






Quelques perturbations climatiques ont fait que je n'ai pas animé d'autres défis après "LA VOIX".



CLIQUER CI-DESSOUS SUR LIRE LA SUITE 


lundi 30 juin 2014

EVELYNE DE GRACIA - LE CHEMIN DE L'ECOLE









Le chemin de l'école


Laisser l'enfant faire seul
Ses premiers pas
Sur le chemin qui part de la maison.

Les premiers pas qui le conduisent
Seul sur le chemin
Vers la maison.
Sont liberté.

Vers la maison garçon, fille,
Avec le désir d'être grand
Pour ses parents.

D'être grand tout seul
Grâce à  lui et
Sans personne.

Grâce à lui unique,
À grandes avancées
Pas à pas
Vers la conquête de soi

Il va.


Pas à pas
Ses premiers pas
Guident les autres
Jusqu'au dernier.

Toutes nos conquêtes
Et toutes nos quêtes
Se succèdent
Au rythme du pas de cet enfant.

L'enfant c'est nous
Encore ici et
Quelque part
Là bas.

La marche est longue
Et laborieuse,
Sérieuse,
Joyeuse,
Heureuse et triste
Dans les détours.

La marche
C'est la vie.



©Evelyne de Gracia










dimanche 29 juin 2014

DURANDAL - LA MAIN















LA MAIN



Elle contemplait sa main sans vraiment la reconnaître. Elle la regardait comme si elle ne lui appartenait pas, comme si elle la voyait pour la première fois. Un objet étranger dont elle détaillait, émerveillée, les phalanges et les articulations.


Pour la Saint-Nicolas, la directrice de l’école avait invité une artiste-mime, elle passait un quart d’heure dans chaque classe. C’était un moment de bonheur dans la grisaille de décembre, un moment de poésie avant le passage de Saint Nicolas.


L’intervention de Catherine dura un quart d’heure. Quinze minutes, c’est peu mais c’est parfois suffisant pour bouleverser une vie. Elle portait un pull sombre et tenait une main gantée derrière son dos. L’autre manche était garnie jusqu’au poignet de deux bandes couleur chair au bout desquelles sa main nue semblait accrochée. Elle fit tout son spectacle avec cette main unique. Elle nous montra toutes les merveilles qu’elle contenait.


Les enfants regardaient la main de Catherine. Catherine faisait jouer ses doigts, elle portait sur son visage l’étonnement d’Adam et Ève face à la beauté de la Création. Les machines les plus sophistiquées étaient tout à coup des objets désuets par rapport à une simple main. Ses cinq doigts étaient les acteurs d’une troupe de théâtre, ils saluaient le public tous ensemble, puis chacun leur tour puis par couple et parfois à contretemps. Elle les réprimandait, leur faisait les gros yeux et ils obéissaient à ses injonctions. Elle incita les écoliers à participer à l’exercice, ils essayèrent avant de s’apercevoir incrédules que leurs doigts ne répondaient pas exactement à leurs ordres.


La main de Catherine dirigeait la manœuvre et elle la tira vers un chevalet. Elle gribouilla quelques portraits sur une feuille mais ils n’étaient guère convaincants, ceci fit rire les élèves. Elle arracha les feuilles et morigéna sa main. Elle se lança sur une nouvelle feuille de papier et en deux ou trois coups de feutre, elle dessina un vrai portrait, un modèle équilibré, l’ensemble était très harmonieux. Un visage de gamin étonné aux cils surdimensionnés éclairait le coin de la salle de classe si terne tout à l’heure et si beau maintenant. Il était évident qu’elle avait dû s’entraîner des centaines de fois pour arriver à ce niveau de dextérité mais les enfants ne le soupçonnaient pas. Son dessin était tombé comme un cadeau du ciel. Les oh d’admiration avaient d’autant plus de force qu’ils succédaient à des rires moqueurs. 


Catherine jouait la scène sur l’estrade, sa main droite était son unique partenaire, une main qu’elle réprimandait, encourageait, applaudissait avec son autre main gantée qu’elle claquait contre le bureau. Le spectacle avait une dimension poétique très forte, Catherine nous montrait quelques-unes des multiples portes qu’une main pouvait ouvrir. La classe était subjuguée, Catherine faisait régner dans la classe un silence ce que nous avions, parfois, tant de mal à obtenir. Même les garnements, réputés dissipés, étaient attentifs.


Elle saisit un pipeau, un instrument rudimentaire, un bout de roseau emmanché sur un mauvais sifflet. Il était plus court qu’une flûte. Elle le porta à sa bouche et avec une seule main, elle sortit de l’instrument un morceau de musique, cela devait être du Mozart, l’entrée en matière d’une œuvre… Cela tenait de la magie, l’air était si simple, si frais… les enfants étaient tout ouïe.


Les élèves regardaient leur main, peut-être par mimétisme, ils semblaient leur demander si elles-aussi sauraient un jour dessiner, faire des ombres chinoises, jouer de la musique… J’ai réussi à prendre quelques photos de leur mine interrogatrice, ce sont des clichés que je conserve précieusement.


Catherine a mis un bandeau sur ses yeux et elle s’est promenée telle une aveugle dans la salle de classe, elle se guidait à tâtons avec sa main unique. Elle butait sur les pieds de table et caressait parfois la tête d’un écolier, ses grimaces suffisaient à provoquer l’hilarité de la classe enchantée. Son masque devait être transparent mais les enfants y croyaient. Elle regardait de côté et avançait tirée par sa main comme un chien récalcitrant mené par son maître. Elle nous dit au revoir en agitant la tête, elle avançait malgré elle, elle semblait vouloir rester avec nous mais elle était impitoyablement tractée par sa main qui dirigeait la manœuvre, elle en était le jouet. Elle ne regardait plus sa main, elle ne voyait plus rien.



Tous droits réservés
Juin 2014





dimanche 22 juin 2014

ALLISON - L’HYPERACTIVITÉ PAR PETIT-ANGE (EXTRAIT 1)












L'hyperactivité par Petit-Ange 

(Extrait 1)




C’est comme lorsque tu pars en vacances. Tu es sur la route, et parfois tu passes devant quelque chose dont tu te souviens, un repère. Tu ne sais pas où se trouve ce repère avant d’y arriver, c’est seulement quand tu passes devant que tu t’en souviens. Les gens autour de moi sont comme ça, des repères dans ma vie, sans qu’ils en fassent vraiment partie. Je passe de l’un à l’autre sans vraiment me sentir liée, alors que tout le monde a au moins une personne qui le connait vraiment. Moi, personne ne me connait, même si beaucoup en sont persuadé. J’ai sans arrêt l’impression que c’est trop tard, que cette partie de moi est définitivement tronquée.

Je ne sais pas à quel moment de ma vie j’ai commencé à prendre en compte le TDAH dans mon comportement, à me demander si mes actes étaient réellement le résultat de mes désirs ou une simple conséquence neurobiologique, mais la différence a toujours influencé mes pensées, et mon rapport aux autres.

Il existe tant de manières de faire comprendre à quelqu’un qu’il est différent, chaque nuance semble trouver en nous un écho, une couleur, une note : un instant immobile auquel nous revenons sans cesse pour comprendre. Les gens pensent que se taire suffit à cacher ses pensées, ou que les expliciter ne changera rien à leur vie ; les parents pensent que la remarque nous fera changer… par amour pour eux, mais l’inverse existe-t-il ? Leur autorité nous transperce.

Seulement, transpercer, c’est passer au travers, et on esquive tout ce qui vient d’eux, brisant le lien. L’empathie des enfants, surtout des enfants hyperactifs, rend tellement précaire leur relation avec ceux qui les élèvent, sans que personne ne s’en rende compte. Cette sensation d’incompréhension n’est pas un mot, comment le dire ? Qu’en faire ?
Chacune des parties pense être la défaite, l’échec de l’autre : mauvais parents, ou mauvais enfant ? J’ai ressenti ce questionnement chez mes parents, en particulier chez mon père : loin d’être ce que je devais être, j’étais tout de même, et ces deux moi ne faisaient qu’accentuer ma différence.

Mon besoin de comprendre, de me comprendre, n’a jamais été pris en compte durant mon enfance. Peut-être n’ai-je pas été capable d’exprimer clairement ce désir, peut-être même n’ai-je pas été capable de m’en rendre compte alors, aussi clairement qu’aujourd’hui ; néanmoins, je pense que cela m’a manqué, et a nettement influencé mon rapport aux autres : aime ton prochain comme toi-même…
Tout ce qu’on me renvoyait, c’était que j’étais un concentré de trop : trop bruyante, trop violente, trop dispersée. Pourtant, je ne me suis pas sentie particulièrement différente avant d’arriver au collège, mes difficultés scolaires bien moins importantes que par la suite, même si le fait que mes résultats ne soient pas à la hauteur de mes capacités soit souvent revenu dans mes bulletins, années après années. Le reste était flou, vague. Je ne me voyais pas, tout simplement.

Le sentiment de différence est venu progressivement, au fur et à mesure que mes intérêts se précisaient, car je pense que ce sont eux qui m’ont réellement éloignée des autres enfants. J’aimais particulièrement les livres, passion encouragée par mes grands-parents, anciens libraires. Le temps que je passais chez eux était considérable… temps hors du temps, stable et immuable. Je ne me sentais pas totalement seule alors, parce que je me sentais connectée à mon grand-père : calme, toujours calme face au encore jeune homme tourmenté qu’était mon père, qui n’a d’ailleurs guère changé. Je n’ai pas les mots pour exprimer ce lien qui me liait à lui, pas plus que pour expliquer les raisons qui m’ont poussée à m’en détacher.

Mon hyperactivité n’est pas tombée du ciel, contrairement à ce que mon père a toujours voulu croire. C’est lui qui me l’a transmise, et son refus de l’admettre résonna longtemps comme un rejet, avant que je me rende compte qu’il était aussi seul que moi, enfermé dans un masochisme qui le pousse à détruire tout ce qui pourrait lui apporter du bonheur : que ce soit dans ses relations amoureuses ou familiales, son impulsivité et son refus de dialogue, ses incessants retours aux périodes difficiles de sa vie poussaient quiconque à restreindre ses conversations avec lui. Il ne semblait jamais s’en rendre compte, préférant certainement se persuader qu’il était quelqu’un de particulièrement épanoui.

Cependant, cette attitude était douloureuse pour moi, qui n’avais aucun mot à mettre sur cette sensation de déchirure que m’inspiraient les souffrances ignorées de mon père, associées à mon impuissance à l’en soulager ; et je n’appréhendais que davantage celles dont j’étais l’origine.
Mon père n’était pas le genre de père calme, modéré, conscient d’avoir en face de lui des enfants, à la fois sensibles et en cours d’apprentissage : il nous demandait sans cesse de nous conduire en adultes, alors que mon frère et moi n’avions pas dix ans. Chaque erreur d’enfant prenait avec lui figure d’échec d’adulte, tandis qu’il nous abreuvait de ses rancœurs liées à son service militaire ou à son divorce d’avec notre mère, et je lui en voulais de nous imposer ça : mon petit frère, alors très proche de notre mère, souffrait de l’entendre dire qu’elle nous avait mis dehors, qu’elle ne voulait plus de nous, qu’elle préférait s’amuser avec ses copains et copines au lieu de s’occuper de nous ; et moi, je lui en voulais de se servir de moi comme réceptacle de sa douleur, m’obligeant à porter une croix qui n’était pas la mienne. Mon empathie démesurée me forçait pourtant à me l’approprier, à faire mienne cette sorte de colère qui, à défaut de se diriger contre une cible concrète, explose dans toutes les directions et touche les êtres qui nous sont le plus chers.

Cette empathie, ce pouvoir d’invoquer en nous des sensations et des émotions qui ne nous appartiennent pas, qui ne sont ni justifiés par une situation, ni même le souvenir d’une situation passée, est une des caractéristiques qui montrent à quel point notre vie psychique est à la fois instable, intense, riche et impersonnelle.
Instable, car nous avons conscience, simultanément, de toutes les possibilités et combinaisons du comportement des autres au même niveau que de nous-même, si bien que la frontière entre la particularité de notre être et l’universalité dont nous faisons l’expérience nous apparait floue dès notre plus jeune âge, nous donnant cet aspect rêveur : nous nous perdons dans des milliards de nuances que nous vivons simultanément et totalement.

Intense, car cette expérience nécessite une intervention de notre part, sans quoi ce brouhaha silencieux viendrait parasiter la plus infime de nos pensées : c’est un compromis que nous devons faire avec nous-même ; comme tout roi, dans toutes ses prétentions à gouverner, ne peut réaliser sa tâche (et donc se réaliser lui-même en tant que souverain) s’il ne tient pas compte des phénomènes qui forment et régissent ceux et ce sur quoi il règne, l’hyperactif doit s’ouvrir à l’ensemble des évènements qui l’influencent, trouver dans cette succession d’idées les moyens de se démarquer par la justesse de ses réflexions sur des sujets qu’il n’a pas étudiés : c’est là la plus grande force de l’hyperactivité, cette faculté de pouvoir prendre position et discuter « sérieusement » de choses auxquelles nous n’avons jamais pensé auparavant.

Riche, donc, puisque ces expériences internes nous permettent de créer nous-même du savoir, processus favorisé par le rejet dont nous sommes dans l’ensemble victime : là où la sociabilité semble pousser à s’oublier au profit de l’autre, l’hyperactif aura une meilleure connaissance de ses capacités, le poussant à expérimenter des choses difficiles, voire dangereuses : contrairement à ce que pensent les psychologues, cela tient moins à notre désinhibition (qui s’exprime autrement), qu’à un besoin de réussir ce que nous avons besoin de réussir : nous possédons une force énorme qui, à défaut de nous protéger des dommages physiques, nous permet d’évoluer à travers la difficulté : nous avons conscience du danger, mais nous voyons également au-delà, contrairement à notre entourage.
Cette connaissance de nos capacités nous permet également (malheureusement ?) de prendre conscience de l’écart entre celles-ci et celles que l’on attend de nous : être capable de nous intéresser à des choses jugées importantes, mais dont la puissance émotionnelle est faible, voire nulle ; seules les choses provoquant un élan émotionnel fort peuvent retenir une personne qui a en elle-même un fonctionnement purement émotionnel.
Impersonnelle, enfin, car la possibilité de ressentir des choses qui ne sont pas des stigmates de notre vie réelle, de comprendre tant de mécanismes sans pour autant parvenir à les faire fonctionner en dehors, nous donne l’impression d’exister davantage en favorisant l’invention constante qu’en utilisant exclusivement les choses qui sont soit provoquées par des évènements réels, physiques, soit le fruit d’un enseignement concret dont nous devons pourtant rendre compte ; c’est dans l’ailleurs que nous trouvons ce dont nous avons besoin pour rester en mouvement dans notre existence, une drogue dont nous ne pouvons pas nous délivrer sans avoir l’impression de nous gâcher : ni nous ni l’autre, nous ne pouvons vivre qu’à travers l’ailleurs, c’est-à-dire ce que je conçois sans connaitre.



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