Le mot du jour

Qui suis-je?


LA VOIX DE L'ÉCHO

POUR LE PLAISIR DE TOUS: AUTEURS, LECTEURS, AUDITEURS...
Affichage des articles dont le libellé est .ILLUSTRATION. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est .ILLUSTRATION. Afficher tous les articles

vendredi 13 mars 2015

JEAN-LUC MERCIER - TOURNE BOULE DU PETIT GAFFEUR EN HERBE












Boule brisée - Illustration de Zib



Tourne boule du petit gaffeur en herbe


Boule ballotte
BING, et bascule
BANG
Bouge et se bute
BING, rebondit
BANG
Balle en balade
BING à bâbord
BANG
Ballon qui bât
BING, et se barre
BANG
Butte les bords
BING, se balance,
BANG
Bulle bancale
BING, qui s’ébranle
BANG
Bouge tant bien
BING, et bascule…
BOOM… sur Bruno.
BING-Ô… la bosse !
Le bambin braille
Bilan ? Bisous

Boule brisée
Boule broyée
Bidules bizarres
Brisures…
Balai.





Mais bosses sur Bruno !

Quand tourneboule
Balle, bulle ou ballon,
Ébahit bébé qui babille,
La belle boule qui bringuebale
Bancale se trimballe
Bute bord,
Trébuche et fait bobo…
Banal, banal…
Mais ça fait mal !

Soudain, dans le décor,
Une dinde se dandine
Ding Dong,
Ding Dong,
Ding Dong

La Dondon se dodeline
Rend dingue son dindon,
Le doux Dédé,
Un dandy dodu !

« Ballot ! » balbutie alors le butor
Babillant de son bec bouton d’or
« Dans la dinde le diable dort ! »

« Dis-donc, le héron… dehors ! »
« Dinde n’est pas diable, d’abord ! »
Dénie Dédé.

« D’accord, d’accord ! »
Adieu le butor.

Dédé dandy
Bruno bambin
Boule et dinde,
Bulle et dindon,
Butor et ballon…
Décor bidon !
Bing Bang
Ding Dong
Bing Dong
Ding Bang
Bang Dong
Bing Ding…
Bougrement dong…
Bigrement dingue !




La dinde dodue -  Illustration de Zib





Tous droits réservés

sur textes et illustrations






Publié un vendredi 13 !

 Jour de Tourne Boule !




mercredi 17 décembre 2014

EVE ZIBELYNE N'A PAS VOLÉ SON CADEAU D'ANNIVERSAIRE !



BANDE AUDIO ICI




Son cadeau ? C'est Eve Zibelyne elle-même qui nous l'offre en un conte de bons petits chats, qui traverse sans dater, tristement, quelques constats de fin d'année. 

Sa table, son toit, son cœur, son temps, s'il en est une qui sait les partager, c'est bien elle, notre Zib. Toujours à l'écoute de qui sait entendre l'autre...

Et quand elle pense "Réveillon", La Zib, elle pense d'abord à qui ne restera pas dehors — au sens propre comme au figuré...

Pour ton anniversaire chère Zibelyne, — oh que non, tu ne l'as pas volé ! —, permets-moi de te conter en trois actes, tes propres mots illustrés par tes soins :



Mais qui a volé
 le réveillon ?

En trois actes !

Cliquez dans l'ordre 1,2,3, sur chaque illustration de Zib 









Tout lu ?

Alors vous aurez sûrement compris, 
 qu'un beau cadeau pour notre amie 

Eve Zibelyne, 

c'est par exemple de
 Cliquer ici




Joyeux anniversaire 

Chère Zibelyne !



Tchin  !

Découvrez l'univers de l'auteure en cliquant sur sa photographie ainsi que sur son prénom juste au-dessus



EVE ZIBELYNE - MAIS QUI A VOLÉ LE RÉVEILLON ? - 3/3








Illustration de Zib


Mais qui a volé le réveillon ? 

-3-


Parvenu à la poterne, Poubelle se chauffe sous la lanterne en réfléchissant. Il a sur les babines le goût des chapons. On ne va pas partir sans se battre, ce n'est pas juste !
D'un bond, il saute sur la poterne et regarde au loin. Ses yeux perçants trouent la nuit.


— Il y aura réveillon cette année ! Restez en sécurité, je sais comment faire pour éviter les laquais et les chiens.

Et Poubelle court à toute allure jusqu'à la grande bâtisse. D'un coup de dent, il arrache un gros nœud doré et l'enroule autour de son cou. Les vitres lui renvoient l'image d'un chat de bonne famille habillé pour la fête. Parfait ! On va voir ce qu'on va voir !

Poubelle rentre fièrement par la grande porte, ronronnant aux jambes d'une dame emmitouflée de fourrure aussi blanche que lui, au nez et à la barbe du laquais qui le croit accompagné. Il fait du charme de ses yeux bleus, récolte caresses et juteux morceaux de roi. Le réveillon est succulent et il se régale sans retenue.


Mais il faut faire vite avant que quelqu'un ne s'alerte. Un câlin par ci, un ronron par là, et il se glisse sous les tables. Les convives parlent et boivent des bulles. Quelle drôle d'idée. Des bulles, ça ne nourrit pas !

D'un bond, il escamote un chapon. Un autre bond, une langouste, puis deux, un rôti, de la charcuterie descendent sous la table. Un chat blanc sur la nappe immaculée, qui y prêterait garde ? Personne ne l'a vu. Plus vite que l'éclair, Poubelle a amassé un butin de roi.


Il va et vient, et sort faire pipi, passant comme un prince devant le sbire des méchants qui ne se questionne pas. D'un miaulement, il appelle ses compagnons qui accourent. Une étole pour La Grise, un pompon doré pour Carcasse, et la famille entre dignement dans la fastueuse demeure. Enfin presque, car Carcasse fait une glissade extraordinaire sur le sol brillant comme une patinoire.

Comme par enchantement, il s'attire les bravos des dames qui s'extasient devant cet adorable chaton.



— Mais, très chère, vous savez bien ! C'est le petit chat de Carlotta. Elle m'a fait voir sa photo l'autre jour. 

— Qu'il est mignon, un amourrrr de peluche !

— Oui, je crois qu'il a le même âge que sa petite fille, c'est un cadeau de la Reine?
Chacun regarde Carcasse avec toute la considération qui lui est due.



La Reine ! Carcasse en a le tournis et s'étale à nouveau pour le plus grand bonheur de La Grise et de Poubelle qui profitent de l'attroupement pour esbigner les provisions sous le nez du laquais qui n'en peut mais.

Comment pourrait-il pourchasser de nobles animaux offerts par la Reine ?



En fait, il rit sous cape de voir ces imbéciles se faire chaparder les victuailles de leur réveillon par leurs chats, et il a résolu de ne rien dire. 

Un miaulement donne le signal de la poudre d'escampette et Carcasse fait la boule de poils jusqu'à la porte dans l'hilarité générale.

Les gens sont retournés à leurs bulles. Les laquais ont remplacé les victuailles sans mot dire, et les chats s'en sont retourné tranquilles, le ventre bien rebondi.
Mais les méchants méritaient punition. On ne vole pas impunément le réveillon !
Et de toutes parts, la nouvelle a couru. Les chats sont arrivés de partout. Tous les chats perdus, les abandonnés, les galeux, sont venus.

Les inutiles décorations arrachées aux arbres ont paré leur maigreur et leurs puces de mille feux et la horde grimée est entrée en masse dans la grande salle du festin.



Oh, ils n'ont pas fait les yeux doux ! 

Oh, ils n'ont pas amusé la galerie !

Ils se sont rués sur le buffet, dérobant les plus beaux morceaux, piétinant les saumons, arrachant les cuisses des poulardes.


Miaulant farouchement, ils ont arraché les nappes blanches. 

Ils se sont agrippés aux belles robes des dames qui tentaient de les arrêter. 

Ils ont lacéré la peau des hommes qui s'interposaient. 
Ils ont brisé les bouteilles de bulles, mais les bulles ne bullaient plus sur le sol glacé. Ils ont arraché les tentures et emporté tout ce qui était consommable sans que les gens puissent les en empêcher.



En quelques minutes, tout était dévasté. Les chiens endormis dans leur chenil ne pouvaient être lâchés dans l'affolement hystérique des gens.

La caméra filmait sans états d'âme le carnage du réveillon.

La horde des chats eut tôt fait de sortir du parc des maudits, et toute la nuit, la fête bat son plein dans le hangar à bateaux.
C'est le plus beau des réveillons ! Miaulaient les chats galeux.

Brr, brr, crotte de rat !

Pscht, pscht,frrt, frrt, frrt, atchâ !

Rrrr, Rrrr, gla, gla, gla.


La chanson de Poubelle a fait le tour de la ville.



C'est la chanson des galeux, des exclus, des laissés pour compte, des fainéants, des crasseux, des drogués, des alcooliques, des pédés, des femmes, des parasites, des jeunes, des vieux, des artistes, des taulards, des gouines, des apprentis, des Noirs, des piétons, des Arabes, des Français, des chevelus, des fous, des travestis, des anciens communistes, des abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les voleurs de réveillon. 

C'est la chanson de l'espoir, celle qui nous dit que, dans l'adversité, tout est possible, et que les gueux ne sont pas toujours ceux que l'on croit.

En hommage à Coluche, parce qu'on ne doit pas baisser les bras.

Zibelyne le 19 12 2011


Tous droits réservés
 sur le texte et l'illustration


EVE ZIBELYNE - MAIS QUI A VOLÉ LE RÉVEILLON ? - 2/3






Illustration de Zib




Mais qui a volé le réveillon ?

-2-

Poubelle voit bien le petit rôti de porc sur la gazinière, mais il y en a juste pour trois chats de bonne taille, pas pour des gens ?


La fenêtre d'à côté ne fait entrevoir que la solitude d'un grand-père assoupi devant la télévision. Ici, pas de réveillon.

Poubelle commence à s'inquiéter. Mais aussi, pourquoi décorer les maisons s'il n'y a pas à manger ?


Non, ils ont dû se tromper de jour ? Pourtant, les gens passent avec des paquets.

Des petits paquets, se dit le chat blanc. Tout à sa faim, il n’a pas fait attention. Il y a moins de cadeaux.
Poubelle se rappelle ce que la télévision du Bar Tabac raconte. Les gens sont devenus pauvres. Déjà, il y en a qui dorment, comme eux, dans les poubelles.



— Ah non ! Si personne ne remplit les poubelles et que les gens viennent y habiter, ça ne va pas ! 

La Grise reste interdite. Elle n'avait jamais cru ça possible. Ce que dit Poubelle est effrayant. Vivre avec les gens, bien sûr, mais si personne ne remplit les poubelles, que va devenir Carcasse ?


Une idée horrible lui traverse l'esprit.

Si les gens n'ont plus rien, crois-tu qu'ils nous mangeront, comme les poules et les lapins ? 

Poubelle miaule de fureur et de crainte. Il ne faut pas que les gens deviennent trop pauvres. Il en va de leur survie.

Manger du chat ? Oui, ils en sont capables. Ça vous caresse un jour et le lendemain vous êtes dans la casserole en miroton.


Brr, brr, crotte de rat !

Pscht, pscht,frrt, frrt, frrt, atchâ!

Rrrr, Rrrr, gla, gla, gla.


Carcasse chante en jouant avec une tomate roulée du sac plastique. Poubelle redresse la tête. Non, il faut garder espoir, rien n'est perdu !

— Continuons, ordonne-t-il !



Le froid se fait glace, les cristaux de givre ornent les fenêtres. 

Les trois chats se sont enfoncés dans l'ombre d'un parc, à la recherche de quelque souris égarée. Une immense maison allumée de toutes parts attire nos compères. Ici, la fête est fastueuse. Poubelle n'en revient pas.


Des jambons, des buissons de langoustines, des langoustes décorées de papillotes blanches, des rôtis juteux, longs comme une limousine, des chapons, des pains de lotte?

Les chats hument avec délice les délicieux fumets. Ainsi, c'était donc ça. La fête, c'est ici et ces gens ont dû inviter tout le monde pour déguster ces somptueuses victuailles. Les braves gens !


Les matous vibrent d'envie. Ils se dirigent vers les cuisines, persuadés de recevoir un plantureux festin de Noël.

Las, quelle ne fut pas leur terreur !


De hideux cerbères affublés de livrées ridicules se jettent sur eux et les chassent à coups de matraque.

D'énormes Bas-Rouges, de gigantesques Dogues se lancent à leur poursuite dans une ronde infernale. Les Rottweilers arrivés en renfort hurlent et déchirent les arbres de leurs crocs férocement acérés.


Les matous n'ont dû leur salut qu'à la proximité du parc. Les troncs généreux ont tendu le dos pour les réfugiés, et les basses branches ont fouetté les chiens. Carcasse a pissé de peur. Poubelle n'en dira rien, mais il s'est fait dessus aussi.

Les molosses ont hurlé, hurlé. Ils ont assailli les arbres en vain. Le refuge était sûr.
Lorsque les gens, fatigués de leurs cris, les ont renfermés, nos amis n?ont pas demandé leurs restes?


Ce parc était maudit. La lanterne de bienvenue n'était que mensonge. Ici, pas de partage.

— Ces gens ont volé le réveillon ? Dis, maman ? Ils ont volé toute la nourriture ?
— Oui mon petit chéri, je crois que tu as raison. Ces gens n'ont pas de cœur. Ils ont tout pris pour eux, alors qu'il y en aurait pour tous. Ce sont eux, les coupables !



Parvenu à la poterne, Poubelle se chauffe sous la lanterne en réfléchissant. Il a sur les babines le goût des chapons. On ne va pas partir sans se battre, ce n'est pas juste !

D'un bond, il saute sur la poterne et regarde au loin. Ses yeux perçants trouent la nuit.


— Il y aura réveillon cette année ! Restez en sécurité, je sais comment faire pour éviter les laquais et les chiens.





Tous droits réservés
sur le texte et l'illustration


EVE ZIBELYNE - MAIS QUI A VOLÉ LE RÉVEILLON ? - 1/3




Un conte de Noël en trois épisodes, pour grands, ou petits ! Il est de l'année "avant-dernière" , pour faire attendre celui de l'année.



Illustration de Zib


Mais qui a volé le réveillon ?

-1-



Brr, brr, crotte de rat!
Pscht, pscht,frrt, frrt, frrt, atchâ!Rrrr, Rrrr, gla, gla, gla.


Poubelle se frotte les moustaches. Atchâ ! Qu'il fait froid !
- J'ai les pattes toutes engourdies. Atchâââ?

Poubelle a les moustaches humides et le bout du nez gelé. Vite, cherchons une cachette abritée pour ronronner en paix... La rue est noire, presque verte, comme un crapaud de terril. Poubelle en a assez de cet hiver qui ne fait que commencer. 
Mais, les poubelles sont pleines de bons restes. Les femmes préparent les fêtes de Noël et donnent de bons morceaux, même pas pourris.
Bien sur, elles donnent moins que du temps de l'arrière grand chatte Lulu. Elles ne font plus cuire le fumet de poisson qui embaumait les arrières cuisines. Le magasin le prépare pour elles et les belles arêtes de Noël deviennent rares. Poubelle sait bien qu'il n'y perd pas au change, après les fêtes, les queues de langoustines, crevettes, homards vont lui emplir la panse...


Ce qu'il adore, c'est le bon gras jaune du foie gras de canard. La mère Poulard lui en donne de beaux morceaux dans une petite écuelle. La mère Poulard vend des volailles délicieuses. Elle les expose en vitrine, la tête cachée sous l'aile comme si elles dormaient.

Poubelle s'en pourlèche les babines, assis sur l'avancée de la vitrine. Les clients rient de le voir gratter à la vitre, et parfois, ils lui jettent un petit bout de jambon en sortant.

C'est que Poubelle est un beau chat. Une magnifique bête au poil blanc comme la neige. Les dames fondent devant ses yeux bleus et les enfants caressent son poil tout doux. Poubelle vit dehors, depuis que sa maîtresse est partie. Elle a oublié de l'emmener dans le camion, mais elle lui a laissé son panier au bas de l'immeuble. L?ennui, c'est que le méchant concierge l'a jeté.

Alors Poubelle a rejoint la Confrérie des Chats Hurlants. Pas besoin de changer de quartier et de fournisseur. Qui aurait pu soupçonner que ce beau matou tout propre vivait seul, abandonné, en rêvant de son canapé ?
La mère Poulard, peut-être.
Mais ce soir, Poubelle se sent bien seul dans le froid mouillé. Les vitrines brillent. Les maisons habillées de couleurs se remplissent de bruits joyeux.
C'est le soir du réveillon.
C'est le deuxième réveillon que Poubelle passe dehors. Il est triste. Sa maîtresse lui manque, les bons petits plats aussi.
Une boule de poils le heurte en miaulant.
- Carcasse ! 
Une chatte efflanquée court derrière la boule. Elle s'arrête net en voyant Poubelle.
- Qui es-tu ? Je ne te connais pas ?
La chatte souffle. ? Pscht, pscht?


Poubelle répond par une chanson :

Brr, brr, crotte de rat !
Pscht, pscht,frrt, frrt, frrt, atchâ!
Rrrr, Rrrr, gla, gla, gla.


Surprise, la chatte cesse de souffler. Le chaton curieux dresse ses oreilles pour apprendre la chanson.

Brr, brr, crotte de rat !
Pscht, pscht,frrt, frrt, frrt, atchâ!
Rrrr, Rrrr, gla, gla, gla.


La glace est brisée, et La Grise conte son histoire. La même que celle de Poubelle, ou presque. Elle était cachée dans le hangar à bateaux depuis quelques mois, avec ses petits.
Il ne lui reste que Carcasse. Les autres ont disparu, mystérieusement.
La faim et les odeurs du réveillon l'ont fait sortir de son abri, mais Carcasse ne tient pas en place.


Brr, Brr, caca de rat ! Chante Carcasse en sautillant.

Un bruit de porte. Une dame sort une poubelle. Vite, les trois félins se précipitent. Les petites pattes de Carcasse s'activent à déchirer le plastique. 
- Le petit se débrouille bien ! Admire Poubelle qui trie dans le sac éventré. 
Déception? Le sac sent bon, mais il ne contient que du plastique et des briques de carton. Carcasse lèche un sachet de sauce. Rien d'autre que des plats préparés, pas de bonnes choses.
Tristement, les chats errent de maison en maison. Pas de gras doré, pas de crevettes odorantes, pas d'os à rogner.


Maman ? Qui a volé le réveillon ? Questionne le chaton.

La Grise ne sait pas quoi dire, elle ne comprend pas.
D'autres maisons, des chants, mais pas de réveillon.



D'un bond, Poubelle est sur une fenêtre. Il en aura le cœur net ! Les gens causent fort. Ils boivent ce vin qui a la couleur du miel, ce vin qui les rend fous. Sur la table, des gâteaux secs, du saucisson et des olives. En cuisine, une femme s'affaire. Elle ouvre quelques huitres. 
Maigre pitance pour des matous, mais ce sera toujours ça de pris. En fin de soirée ils pourront revenir lécher les coquilles. Pas de bonnes odeurs. Mais que vont-ils manger ces gens ? Poubelle voit bien le petit rôti de porc sur la gazinière, mais il y en a juste pour trois chats de bonne taille, pas pour des gens ?


Tous droits réservés
sur le texte et l'illustration

dimanche 30 novembre 2014

EVE ZIBELYNE - LES AMOUREUX DE SANDUN








à Zib 




Les amoureux de Sandun

Il est une légende perdue dans les rus du ciel, entre rires et larmes, sur la terre de Guérande – celle de l’étang de Sandun, ou plutôt, celle de l’amoureuse de Sandun.
Son prénom s’est égaré dans les gerçures des temps anciens, mais il n’est pas besoin de définir ce qui est. Venez à Sandun, son empreinte s’y dessine, vous la reconnaîtrez, lors que vous me lisez. La révolution gronde et si les chouans, à plus de six mille mirent à mal la nouvelle République, la noblesse connut ses heures de déchante et de larmes.

Les chouans de Vendée sillonnaient la contrée en ces temps troublés d’affrontements. La Bretagne était belle et l’or coulait dans les pichets, à peine troublé. Les hommes fiers frappaient d’estoc et les femmes pleuraient. La demoiselle de Sandun était de celles-là, qui craignaient chaque jour le fracas des sans-culottes aux hauts de chausse des servants du roi.
Son amoureux, bien né, était de ceux-là. Il ne dédaignait pas se frotter aux corvées, remonter les cordées et botteler le foin et se frottait souvent aux gueux des galetas – nés comme lui sur la terre fertile, aux falaises rouges, parfois.
Ses amis d’autre endroit l’avisaient, bons enfants, des menaces tricolores en pays penestois. Il s’éclipsait alors en terres fortifiées sur le roc haut perché d’ar Roc'h-Bernez, fief encore sûr au roi. La fougue impétueuse du jeune homme se lassait vite du goulet majestueux de l’estuaire et du calme de la Vilaine. Il s’élançait alors, d’un galop, droit devant vers sa belle, sans souci, ignorant du ricanement des armes et du lys, le sang.
Il s’en fût, des batailles auxquelles il échappa, et son impatience lui valut la vie sauve, à l’assaut d’ar Roc'h où cordes et cris résonnent encore aux joints des pierres lavées. Sa chance était telle que sa réputation dépassa la région, de Nantes à Quimper, de Brest à Saint-Brieuc, et suivant la Vilaine de l’Oust au Meu, de la Seiche au Don, du Semnon à l’Isac – courant en pays chouan telle une traînée de poudre à canon.
Sa belle en fut bien chagrine, craignant plus chaque instant à mesure que sa renommée grandissait, frémissant plus, chaque nuit, aux bottes des chouans qu’il recevait. Ses amis, pour les foins, se passèrent de lui. Ils en prirent quelque ombrage et, chafouins, omirent de l’aller quérir lorsqu’en grandes manœuvres la République se mit.
Il ne s’en soucia point et alla de sa mie, à l’envi, vanter tous les délices aux chouans ébahis. La cour de la demoiselle s’en vit agrandie, à l’effroi qu’en toute raison elle avait. Les batailleurs aguerris retrouvaient quelque lustre aux pieds d’une dame qu’ils savaient illustre.
Las ! Les gueux, aventureux et autres besogneux en firent babillage et l’on sut partout qu’en pays de Guérande, les suppôts du roi faisaient affront au bon peuple et à sa révolution.
Dès lors, la machinerie huila ses rouages et s’ourdit le complot.
Un soir d’été limpide où crissaient les grillons — à l’heure où rougit le ciel et lors qu’en sa demeure la belle donnait fête, sa maisonnée, assaillie, fut réduite au silence. Les genêts s’en trouvèrent écarlates de honte et périrent en un instant. Les hortensias, livides, en perdirent la tête et les bruyères seules, en leur modeste parure se tinrent pour témoins de sinistre devanture. L’assaut fut donné de toutes les fenêtres et les chouans, si vaillants, pourfendant les manants s’écroulèrent sous le nombre, rendant sang aux tapis et tripes au couchant. Les oiseaux s’enfuirent vers le large, laissant place à ceux de proie. Une mare sur le chemin accueillit avocettes élégantes, aigrettes et pluviers, laissant aux mouettes les embruns des rochers. Le ciel nappé de nuages tira le voile sur la demeure, mais le cri de la demoiselle s’étira jusqu’à l’estuaire, s’effilocha par les criques et les anses aux heurtées de granit, par les falaises rouges, en crescendo de honte et de douleur à l’odieux arc-boutage des gueux blanc-bleu. Le rouge fut sa couleur, maculant sa blancheur. De tous les outrages qu’elle subit, elle ne dit pas un mot et s’en fut dans la nuit en tout abandon, délaissée, déflorée et grosse jusqu’au cœur du fruit de leur labeur.
Jamais elle ne dira, au croisé de leurs yeux qu’elle en a reconnus, des natifs de ces lieux. Leur fureur lubrique nourrie de bolées d’or n’a pas eu chagrin pour celle qui, naguère, leur servait à boire aux assemblées, au bras de cet ami, par la grâce de la guerre, ennemi devenu. Elle a lavé sa honte à l’océan rageur, ouverte au ressac qui l’a rejetée sur la grève, inondée de pleurs. Elle l’a cherché, lui, son cœur empli de craintes pour l’aimé en péril, car c’est lui qu’ils cherchaient, Lui, pour le tuer.
Elle a couru sans fin, de Guérande à Pénestin, taillant dans les fougères odorantes à travers bois et champs. Elle a laissé sa trace sur le sable humide des plages, déchiré ses pieds nus aux rochers, sous la lune étonnée de cette ombre blanche aux bras qui tournoyaient.
Ivre de folie et de chagrin, elle marchait de nuit au matin, sans larmes, et les gueux s’écartaient devant cette folle sacrée que rien n’arrêtait. Car la honte qui tenaille les tenants de la trahison leur rongeait les entrailles et nul ne se prit d’en finir une bonne fois.
Elle a suivi sa trace, celle de Lui, son amoureux en fuite qui par les bois sans fin la cherchait, Elle, son âme aimée qu’il n’avait su protéger. Il avait su les cris. Il avait vu le lit, les cadavres éventrés, les têtes découronnées. Chaque corps il a soulevé, autant de coups de pistolet, craignant de l’y trouver. C’est une fillette qui lui a conté avoir vu sa dame, en chemise se fondre dans la nuit sans fond. Pris d’un espoir insensé, il s’est résolu à la trouver et, du matin à la nuit, bravant les gueux et les estourbis il a suivi les sentes, les ruelles et les rochers, haranguant marées, crabes et mouettes, les sommant de lui montrer la route vers le cœur de sa bienaimée.
De Pénestin à Guérande, il a marché sans fin, les yeux noirs de supplice, le ventre serré de colère, sous la cime des pins. Dans le creux des fougères parfois, il a cru la trouver, reconnaître sa couche, humer son parfum, mais en vain. À la nuit, épuisé, il tombait en pleurs sous le couvert des forêts, gravant, éperdu, ses affres aux troncs puissants des géants chenus.
C’est ainsi qu’un soir, il a chu, s’abreuvant à la mare de Sandun après une longue marche qui le laissait fourbu.
Las ! Dans son harassement, il n’avait pas vu le pas des chevaux dans la vase, l’empreinte des bottes imprimée en outrage sur les herbes couchées, brisées, piétinées. La lueur des sabres sous la lune, reflétée sur l’eau sage, lui ouvrit les yeux, mais bien tard. Quatre gueux mal fagotés dans des uniformes si bleus lui firent fête à coups de lame et de mousquets qu’il contra tant et si bien que trois, il trancha ! Le quatrième, bon couard, se prit à bramer si fort que le val en trembla et s’empressa de pousser loin la vocifération qui sentait fort la pisse et l’effroi.
Las ! Une escouade proche s’y rua et sans plus réfléchir, pourfendit le capon, le chie-en culotte, dépouillé dans l’affaire de l’uniforme si bleu qui ne lui seyait guère. L’alangui se crut un instant sauvé, mais la clameur qui résonnait encore vint tout droit aux conscrits. Forts de son entendement et de la duperie, ils en furent bien aigris et entrèrent en furie.
Loin, trop loin, Elle, avait compris. Qui d’autre que son aimé aurait pu susciter tant d’épouvantement en son pays ? Il était donc ici, à Sandun où elle passait pour la neuvième fois, Sandun, où il avait, près de la mare aux vœux, scellé leur amour d’un baiser sur les yeux.
Elle court à perdre haleine, prise d’un effarement immense. Le fracas de la troupe la pousse vers le guêpier, vers Lui, qu’enfin ! elle va retrouver.
Le galop des haridelles fuyant sur l’eau la fait défaillir. Elle surgit, silhouette blanche en lambeaux sur le champ de bataille et le voit, étendu, les yeux vers le ciel, moucheté par la mitraille. Elle crie, il tressaille. Couchée sur son côté, de sa bouche elle reçoit son premier baiser, terre bleuie de fer en épousailles. Ses yeux tournent au vitrail – elle le serre, le réchauffe, le couvre de ses cheveux en oriflamme, ferme de ses doigts les plaies et fredonne à son oreille une comptine tendre. Il chuchote sa flamme en répons, il s’étiole, et d’un dernier baiser reçoit pour le passage le souffle de ses lèvres en ultime message.
De son corps nu elle a couvert le sien, les yeux rivés au ciel, y cherchant son étoile. De sa robe blanche en marée étale elle a paré sa couche en linceul à son âme. Elle s’est évadée, perdue dans les nuages, le lait de ses seins en fleuve intarissable. Le lait de son ventre meurtri a submergé les prés et noyé les vilains. Le lait de sa vie a enfanté la vallée de cette eau limpide qui plaît aux oiseaux. Aigrettes et avocettes s’en firent gorges chaudes et de ce jour, naquit une blanche oiselle, la Tippistrelle picoreuse qui parcourt les rives sur ses fines pattes rouges dans une quête sans fin, celle de Lui, celui qui jamais ne reviendra.
Car le fruit de cette eau est celui de la forfaiture des traîne-misère, des assassins, des faucheux et si la mare originelle s’étend désormais jusque vers la Brière en chevelure dense aux reflets de ciel bleu, hébergeant hérons et busards au même gîte que la gracieuse Tippistrelle, ce n’est pas qu’Elle a pardonné, non. Elle veille sur la rive, le corps offert en roc, glorieuse en manifeste pour nous dire qu’en ce pays comme ailleurs, la femme est et restera.
Ses seins se sont creusés pour avoir trop pleuré mais ils gardent de cette eau pour les plus assoiffés. Son ventre arrondi s’offre au siège des promeneurs pour une rêverie dont je sors après vous y avoir promenés.
Les blanches Tippistrelles suivent les sentes sur les pas des amoureux, du couvert des fougères aux cosses des genêts, rappelant leurs origines aux hommes de ce temps, fruits de guerres fratricides et d’amours meurtris, et les hampes roses des herbes folles qui frissonnent de nos émois déclinent au vent les strophes d’une rengaine que l’on entend, parfois, quand se tend l'étole du couchant.




CLIQUER SUR LA VIDÉO SONORE




De Guérande à Pénestin
Je t’ai cherché en vain,
Mon tendre, mon aimé, digue dondaine
Tu gisais à Sandun.digue don don.
Le cidre coulait à flots
Aux mâles râles, sanglots
Des lames, aux sangs mêlés, digue dondaine
Au baiser de la faux, digue don don.
Le cidre coulait à cris
Je te cherchais en vain,
De Guérande à Sandun, digue dondaine,
Tu gisais, mon chagrin, digue don dé.
Mes cheveux sur tes yeux bleus
L’horizon dans les miens
J’ai vu mon ventre rond, digue dondaine,
Et les pleurs de mes seins, digue don don
Et la terre de mes larmes
A uni nos destins
Mon tendre, mon aimé, digue dondaine,
Une Tippistrelle est née, digue don dé. Bis



Ève Zibelyne  2014 - Tous droits réservés sur texte et illustration.