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LA VOIX DE L'ÉCHO

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Affichage des articles dont le libellé est * Auteure ANNA LOGON illustratrice & pianiste. Afficher tous les articles
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samedi 11 avril 2015

ANNA LOGON - CHUCHOTER ENCORE À L'OREILLE DES ÉTOILES


BANDE AUDIO ICI



La voix de l'Écho sur un extrait de "Danse lente" de Joseph Jongen (vidéo YouTube en fin de page)




Clore nos yeux bulle au pays secret de nos vertes clairières,
Où la mousse attendrit nos pas, comme une timide adolescente.
S’étendre sous le plafond du monde, envoûtés dans les silences terrestres,
Contempler le soleil étirant à deux mains son rideau d’étoiles.

Dans l’infini trouble des jours, guetter d’impatience nos soirs,
Sertissant tous nuages de couronnes diamant.
S’émerveiller du moindre éclat, luisance d’espérances,
Fouiller l’espace des arcanes, et découvrir la clé.

Égarer nos intimes pensées dans l’interminable cobalt,
Où tout devient permis, tel un royaume sans frontières.
Désirer l’astérie céleste, illuminant le sombre de nos vies.
Le cœur alors rêvasse en volute pailletée, jusqu’à épuisement.

Jusqu’à toujours,
Écorcher le vélin, abandonner à l’aurore des fragments de soi,
Mais chaque nuit,
Chuchoter encore à l’oreille des étoiles.





Anna - 19 Février 2015 ©




Toc toc toc, cliquez sur l'image animée !





Et enfin, ne partez pas sans vous laisser  séduire,
 sur une invitation d'Anna, 
par 
cette "Danse lente" de Joseph Jongen, 







samedi 28 mars 2015

ANNA LOGON - GROS TEMPS








Claude Monet « Mer Agitée » - Étretat 1869





« Gros Temps » 






Après les forces d’équinoxes,

Arrachées au ressac rocher

La mer ravale flots blancs,

Roule galets de marbre gris,

Les va-et-vient s’abyment.

Point de voiles à la gîte

Sur la houle qui s’épanche.

Le temps turbulent s’éclipse,

Le jour se confond à la nuit,

À l’équilibre horizon d'un globe

Écumeux ne tournant plus rond.



Voler le courage du vent,

Empoigner son souffle,

Portant ailes rieuses,

Et s’évader en courants.




Anna - 21 Mars 2015 ©

Cliquez sur le tableau de Claude Monet pour retrouver ce texte sur
 L'Encrier d'Anna Logon








;-)  ;-)  ;-) 

 :*  *



lundi 5 janvier 2015

ANNA LOGON - LA MALÉDICTION D'AMAËL - VERSION COMPLÈTE

Vous avez raté un épisode ? 

Voici donc...


Quatre volets pour Amaël

 Appelons cela le "Streaming" de l'ÉCHO !


1





 2



3





4





Retrouvez ces héros entourés de bien d'autres tout aussi passionnants sur L'Encrier d'Anna Logon



samedi 3 janvier 2015

ANNA LOGON - LA MALÉDICTION D'AMAËL - 4/4


BANDE AUDIO ICI

Voix de l'Écho sur une adaptation de
Zack Hemsey - Mind Heist Evolution


« La Malédiction d’Amaël » 4/4



4

       Le crépuscule camouflait la poussière s’élevant sur le sentier. De grands flambeaux en chapelet s’avançaient serpentant sûrement. Des trompes précédaient le pieux cortège. Le pas écrasant des chevaux portant noirs cavaliers et tirant lourdes charrettes vibraient dans la combe tremblante. Franchissant les murs d’enceinte, les soldats se redressaient sur leurs montures caparaçonnées aux symboles de la Sainte Inquisition, aux grandes oriflammes portant le sceau solaire flanqué des « IHS » tranchés de la croix épée. Les villageois ne savaient désormais plus quelle colère il leur fallait redouter, celle Galia ou du Grand Inquisiteur ?
       Les soldats encerclèrent aussitôt le placître, enflammant de grandes brasières. En génuflexion, le recteur baisait la main gantée de frère Grégoire. Pour toute prédication générale, il harangua la troupe de saltimbanques :
-        « Il y a un ordre naturel en ce monde, celui de Dieu. Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car il est avec moi. C’est la seule vérité. Elle est une et indivisible. Je ne vois ici qu’une meute satanique. Nul besoin de procès. Les démons viennent tout droit de l’Enfer et par le feu ils y retourneront ! »
    De grandes brassées de bois furent disposées autour des roulottes, des barriques d’huile répandues par-dessus. Les villageois restaient tapis, craignant les foudres démoniaques de la sorcière et du monstre. Galia apparue aérienne, lévitant demi-nue dans de rouges voiles, les mains dirigées vers le sol invoquant les Enfers. La repoussante pouilleuse paraissait sous les traits d’une jeunesse ensorceleuse aux yeux d’argent et rouge chevelure. Diaboliquement hypnotisantes, ses courbes langoureuses de succube auraient damné tous les saints. Cette maudite sublimité n’en restait pas moins effrayante :
-        « Je vous implore Esprits et Démons demeurant en quelque partie du monde, de l’orient à l’occident. Je sollicite votre puissance donnée par Lucifer. Sur autorité accordée par l’unique et seul roi, je vous contrains sans faillance ni tromperie de répondre à cet appel. Paraissez sur-le-champ au milieu du pentacle ! Sans crainte ni terreur, sans peur de nos ennemis, que ma colère soit vôtre en cette nuit et pour l’éternité !... »
       Les soldats ne tremblèrent pas. Le brasier dévorait déjà bois et lambeaux de rideaux des plus proches roulottes. Se frottant les mains, frère Grégoire se repaissait d’avance du funeste spectacle, les yeux animés de vengeance. Soudain, un vent en rouge tornade se leva au milieu de l’anneau de feu. Sans répit, les tourbillons s’amplifiaient. Cet ardent chaos fracturait les dalles. Les ténèbres s’ouvraient libérant les puissances invoquées. D’ignobles créatures se dressaient face aux armes : démons fouettant l’air des feux de l’Enfer, diablesses affriandant les soldats, Arioch lui-même surgit dans son incandescente crinière. Le brasier grossissait. Un instant effrayés par ce débordement machiavélique, les divins serviteurs n’écoutèrent que leur courage. Les lances se dressaient avides de justice. Les pieux embrochaient les poitrails. L’odeur du sang, la chaleur de l’acier attisaient ce déferlement bestial. Des flèches d’arquebuses fusaient au milieu du sabbat. Pertuisanes et bardiches tranchaient les membres. Les premières têtes roulaient sur le sol. Les flammes du bûcher, mêlées à celles des enfers, devenaient colossales. Ceux qui n’étaient pas encore morts périrent brûlés vifs. D’autres poussaient d’atroces hurlements. Les candides clowns flandrins dansaient sur les braises en riant. Tancrède s’embrasait devant les restes calcinés d'une roulotte. Mais les démons s’éternisaient dans la fournaise. Tripes et corps démembrés jonchaient la pierre.
      Brusquement, une lumière bleutée déchira la nuit, tel un céleste aiguillon illuminant la plus puissante des mains armées de l’Inquisition. Un paladin, l’ultime bouclier quand tout exorcisme échoue. Galfayar se dressait face à cette vile félonie. La reine des ténèbres, psalmodiant à nouveau son venin, attisait les démons. Ils se regroupèrent en un seul sombre cyclone. Apparut alors le plus cruel des balrogs. Le déchaînement fut titanesque. Les lames mordaient les chairs. Bien et Mal s’affrontaient en foudres surnaturelles. Aucune mémoire d’homme n’avait souvenance d’un tel cataclysme. Le balrog semblait faiblir sous la puissance de Galfayar. La terre et le ciel se défiaient. Puis le balrog reprenait le dessus. En vagues incessantes, nul n’aurait pu prédire un quelconque vainqueur. Des heures de combat... Le dernier bras armé de l’Inquisition s’écroula. Frère Grégoire quittait le narthex où il s’était retranché. Abandonnant cité, recteur et détachement militaire, il grimpait en toute hâte dans son chariot. Des villageois plus braves matèrent son attelage avant les douves. Arraché de sa carriole, frère Grégoire eut la gorge tranchée, la tête hissée sur un pic. Le paladin perclus, un rire inhumain jaillit des lèvres de l’arrogante, fière de sa victoire sur les noirs calotins. Les innocents seraient bientôt à elle !... Oubliant dans sa sanglante libation, Tancrède et les deux clowns calcinés, Diablo évaporé fidèle à sa magie, Calliope le visage transpercé et désormais aveugle, la vieille Endora et Aurora dissimulées dans un caveau éventré, un clown dorénavant triste. Négligeant surtout l’embrasement du tombereau supportant la cage. La cellule en tombant avait fracturé les chaînes. Dans cette tapageuse confusion, Amaël avait disparu sous la lune à son comble... La folie guerrière s’évanouit...
       Sans Amaël, nulle espérance pour Galia d’obtenir désormais son sanglant butin. Se protégeant par d’ultimes maléfices, Galia et ses derniers saltimbanques quittèrent la ville dans les brumes de l’aube. Les villageois demeurèrent cloîtrés jusqu’à leur passage par-delà les hauts murs. Les portes de la ville furent aussitôt solidement barrées. La misérable caravane d’ombres s’éloignait dans ses lueurs verdâtres. Le bruit des roues ferrées du cortège s’atténuait sur les caillasses. Le bois des dernières roulottes craquait plus fortement dans les fondrières du chemin. Tambourins et flûtes ne chantaient plus en virevoltante musique à l’approche des sombres forêts...
       À quatre pattes, dans le silence nécessaire à son funeste forfait, l’animal avait suivi sournois le minable cortège. Galia n’entendit pas ramper la mort insidieuse. Comme né de l’irréel et soudain prenant forme, le fauve avait jailli en une nuée ardente. Tel l’éclair, il la foudroyait sur le dos, d’une patte éperonnant ses lèvres pour faire taire tout nuisible sortilège, des trois autres l’ancrant fermement sur la pierraille de la sente. Le regard de la bête traversait au plus profond les yeux son abject tyran, le transperçant jusqu’aux abîmes de son crâne maléfique. Cette hyène devait affronter sa mort en face. Personne pour lui venir en aide... le reste de la troupe avait fui à la vue du géant. De sa patte droite posée sur le sein surgirent ses lames effroyables. Elles s’enfoncèrent dans le thorax de Galia. Se contractant telles les serres d’un aigle, elles lui arrachèrent le cœur encore battant et tiède... Il possédait l’antidote à sa malédiction. Se redressant alors, il le dévora gloutonnement, laissant les entrailles en offrande au nuage de noirs vautours planant au-dessus du cadavre.
      Des rugissements déchirant la brumasse montèrent de la combe. Soudain, sa gueule se rétracta, crocs et griffes rétrécirent, et sa surpuissante musculature velue se désagrégea. Amaël se tordait prisonnier du supplice infernal. Du tréfonds de son âme, il avait mille fois imploré les cieux pour que survienne le jour béni de cette suprême mutation. Aujourd’hui, il la redoutait, craignant de n’en sortir vivant. Son crâne lui semblait imploser, son corps se fragmenter. Il étouffait la poitrine comprimée. Il ressentait le moindre de ses os et la moindre de ses tripes, comme s’ils se broyaient. Amaël s’affranchissait dans d’atroces souffrances.
     Le paladin gravement blessé, inanimé, fut laissé pour mort. À la fin du déluge, reprenant ses esprits, il s’était traîné suivant les traces de cette rouge infamie faite femme. Se protégeant des sous-bois, il avait tout vu du carnage, témoin silencieux de la déchéance macabre de Galia. Il avait tout entendu des hurlements de l’agonie jonchant les pierres et les champs. Pourtant, il s’était tu, attendant l’instant salutaire. À la nuit tombée, Amaël gisait sur le sol, anéanti. Alors Galfayar se rua sur lui, l’embrochant d’un seul geste, enfouissant telle la foudre sa lame en plein cœur. Homme impuissant, perclus, dénudé d’hostilité, au bout de ses forces et de son âme, Amaël expira son dernier désir.

       « Enfin libre, éternellement... ».
Fin



Anna – 31 Octobre 2013 © 


Texte protégé et déposé
Où vous pouvez retrouver l'extrait musical original



mercredi 31 décembre 2014

ANNA LOGON - LA MALÉDICTION D'AMAËL - 3/4

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Voix de l'Écho sur une adaptation de
Nox Arcana - Grimm Tales








« La Malédiction d’Amaël » 3/4


3
       Pressurant la cité en ténébreux présage, les ombres de Camarde promenaient sur les remparts sa menaçante silhouette. Les répugnantes gargouilles du beffroi semblaient plus charitables. Comme on marque la peste, une main invisible avait gravé les portes des berceaux à dépouiller... Quel père, quelle mère blâmer de vouloir ainsi tromper la bête et protéger sa descendance ? La ville entière exhalait la mort puante. Sous les porches et les volets clos, le vent s’agonisait en macabres lamentations. Où était-ce les plaintes craintives des cinq infortunés qui transpiraient des pierrailles ? D’itératives prières auguraient aux innocentes stèles un radieux au-delà. Les peurs primitives aiguillonnaient les âmes pieuses. Une procession au matin dissuaderait les forces du Mal. Quelques jours encore et les frères prêcheurs de la Sainte Inquisition jetteraient ces hérétiques dans les flammes de l’Enfer. Les paroissiens n’étaient plus solidaires, les désaccords émiettaient les consciences. Les natures épouvantées restaient cloîtrées, les plus téméraires conspiraient. Quelques discrètes réunions alimentaient les esprits plus naïfs. Les parents voulaient tuer la monstruosité. Pour la survie des enfants, la grâce de Dieu dicterait leur courage. Saint-Georges n’avait-il point terrassé le dragon ? Les âmes pieuses s’y opposaient, toute créature, œuvre de Dieu, relevait du sacré. Aucun homme ne pouvait se soustraire à la Table des Lois : « Tu ne tueras point » ! Croyances et confusions s’entrechoquaient, formant d’autres groupes. Certains voulaient sacrifier les garçons demandés. Se débarrasser au plus vite des maudits protégerait la ville.
-        « Des enfants, on en r’fera d’autres !
-   Sacrifions les chétifs, les souffreteux... Nous graverons une dalle de leurs noms devant l’abbatiale pour leur assurer les portes du Ciel et notre éternelle reconnaissance.
-        Faut faire une liste ! C’est qui le plus jeune ?
-        L’abbé nous donnera le registre des baptêmes...
-        Si la Margaux met bas d’un mâle, il s’ra le plus jeune !
-   La sorcière nous réclame nos cadets, jamais elle saura qu’y sont malades. Comment elle pourrait ?
-        P’être la bête saura... ?
-        Et après, que nous demand’ra d’autre c’te sorcière ? »
       Insidieusement, les crédules superstitions prenaient le pas sur tout évangélisme. Chaque parent évaluant les âges échafaudait sa liste. Espérant entière rédemption, certains plongeaient dans un fanatisme dévotieux, faisant bénir leur dernier-né quatre fois par jour en toute discrétion pour ne pas éveiller les soupçons de Galia. Quelques-uns ayant acheté la fiole de potion bleue se croyaient protégés de cette tempête maléfique annoncée. Endora n’avait-elle point vu l’avenir dans les arcanes ? C’était bien là la preuve de l’efficacité de la potion... D’autres ragots empreints de croyances païennes germaient. Il fallait baigner l’enfant trois jours avant la pleine lune dans du lait de jument primipare pour dissiper l’odeur de sang humain coulant dans ses veines. Une vieille guérisseuse jurait que l’absorption quotidienne d’un simple jus d’ortie parfumé à la rose d’officine suffisait au poupon mâle de moins de trois mois pour que tout son corps embaume la mignonne. Une assurait qu’un collier de perles d’ambre ou l’image de la vierge couronnée dans les couches pourvoirait à la protection du garçon. 
       Grosse de neuf mois, Margaux s’inquiétait... La faiseuse d’enfants avait palpé la maturation de son ventre, elle serait mère à la prochaine lune. La belle serrait les cuisses, appuyant ses mains sur son ventre pour rentrer plus profond la tête de son petit. Elle priait qu’il ne naisse pas trop vite. La peur de Galia l’enfouit avec son homme dans les tréfonds d’un souterrain. La lune aussi serait bientôt grosse. Ce soir Galia lâcherait Amaël... Avant même les Vêpres, volets et portes furent consolidés. Le silence retenait son souffle. Tous tentaient de protéger leurs couvées, les oisillons sans duvet étaient dissimulés dans le moindre trou pour échapper au féroce appétit. Dans l’obscurité, nul n’était à l’abri. Galia libéra Amaël... Un redoutable hurlement déchira le crépuscule rougeoyant. La bête bondit de la cage. Contraint, Amaël louvoyait dans les tortueuses ruelles. Une première porte céda sous ses griffes. Elles balafraient la dalle d’une cave, attisées par des sanglots étouffés. La pierre résista. Le furibond ressortit. Grimpa sur un proche muret. Sauta sur les bardeaux de la maison voisine. Le toit volait en morceaux. Le fauve dévasta l’unique accès d’une chambre. Surgit babines écumeuses. Un homme se dressait devant son aimée. La femme s’évanouit. Amaël disloqua le mari à coups de mâchoires... En une nuit, la bête avait fracassé trente-cinq maisons, déchiqueté autant d’hommes, dévoré pour moitié vingt-deux femmes... Mais croqué aucun enfant ni aucun cœur... À l’aube, Galia rappela Amaël et le renferma. Elle exultait. Désormais, tous écouteraient plus attentivement et répondraient à sa requête.
       Trois pères préférant l’excommunication et les feux de l’Enfer avaient étouffé ou étranglé femme et progéniture, avant que de se trancher la gorge. La liste des cinq en était modifiée. Au matin, rares ceux qui osaient sortir. Il leur fallait pourtant se réunir à nouveau. Les discordes s’enflaient : 
-        « La bête est repue, nous pourrions l’achever facilement !
-        Tu crois qu’c’te sorcière n’a qu’un tour dans son sac ? Elle f’ra d’autres maléfices !
-        Que fait l’Inquisition ?
-        Il nous faut tenir encore un ou deux jours, avant qu’elle ne brûle ces hérétiques
-        Oui ! Oui ! Le bûcher !
-        Le bûcher sans procès !
-  Les loups-garous ne craignent pas les flammes, s’écria un chasseur. Seule une flèche d’argent pourra le tuer.
-        Aucun d’entre nous n’a une telle arme !
-        Nous sommes condamnés à la mort, s’effondra une vieille en priant.
-        Vieille folle ! Pourquoi tous ? Elle n’veut que cinq plus jeunes !
-        P’être j’pourrais espionner Galia, rétorqua l’herboriste, et découvrir ses secrets... Après je...
-        Ouais... Pour maîtriser la bête et l’avoir à ta solde, s’écria un homme lui sautant à la gorge.
-        Sous peu, l’Inquisiteur nous délivrera.
-        Préparons le bois du bûcher !
-        Ça n’tuera pas la bête, j’vous dis ! »
       Les discussions s’envenimaient. Une bagarre suivit entre la moitié des hommes. Les esprits s’échauffaient : les courageux incroyants, les craintifs dévots, les ardents défenseurs, les perfides dépravés, les lâches toujours angoissés, les hypocrites ployant selon le vent, les vils flagorneurs... Une belle brochette d’humanité sous la coupe de Galia et son impitoyable abomination... Malgré les cruautés de la nuit, la maudite réclamait toujours son dû, cinq cœurs des plus jeunes mâles.
        Protégés sous la terre opaque, ils pensaient le sauver. Margaux serait bientôt mère. Les douleurs déchiraient. Sans le savoir, plus elle retenait l’enfant en appuyant avec force sur son ventre, plus il se présentait mal. Aucun son ne devait retentir dans l’écho du terrier. Margaux s’étouffait hurlante dans le torse de son homme qui ne savait quoi faire. La laisser seule et chercher la faiseuse ? Ou aider sans savoir ? Colin promit de revenir vite. Margaux pria le Divin, s’excusant de s’être tapie telle une bête dans le ventre de la terre. Des souffrances inhumaines lui brûlaient les entrailles. Margaux se résigna. Retroussant ses cotillons, elle ouvrit largement les cuisses. Malgré ses cris et son supplice, rien ne sortait. Colin et la vieille la découvraient inerte dans les sombres ténèbres, le périnée déchiré par son propre enfant. La vieille se pencha. La carnation de Margaux ne trompait pas son état. Les deux étaient morts. C’était une fille... Colin tomba à genoux maudissant le trop proche Malin.
       Amaël, lui, aurait voulu profiter de cette nocturne « mission » pour fuir. Divine liberté... Seuls ceux qui en sont privés savent ce mot. Mais Galia l’emprisonnait par ses maudites incantations. Et qu’en aurait-il fait puisqu’il était damné jusqu’à l’infini des temps ?...
.../...



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lundi 29 décembre 2014

ANNA LOGON - LA MALÉDICTION D'AMAËL - 2/4

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Voix de l'Écho sur une adaptation de Nox Arcana - Once Upon a Nightmare








« La Malédiction d’Amaël » 2/4

2
      Au crépuscule naissant dessus la plaine, une étrange caravane d’ombres s’approche dans des lueurs verdâtres. Le bruit des roues ferrées du cortège s’enfle sur les caillasses. Le bois des sombres roulottes craque dans les dévers du chemin. En guise de rideaux, des lambeaux de tissus ondoient dans les brumes. Les sons de tambourins et de flûtes virevoltent en envoûtante musique, déjà elle lèche les hauts murs de la ville. Les gardes laissent passer ces saltimbanques miséreux.
          La rumeur précède l’arrivée du cirque. Il s’annonce tel un serpent se faufilant dans les étroites ruelles où le soleil lui-même n’ose pénétrer. Des grondements plus troublants s’exhalent du sinistre cortège. À l’arrière fermant la marche, une grande cage cadenassée de lourdes chaînes sous d’épais velours est fixée au tombereau par d’énormes cordages. Des grognements sauvages montent de la cellule. Les premières festives espérances s’escamotent. Un sentiment d’étrange menace s’exsude des murailles. Une gangue noirâtre suinte enveloppant chaque pierre au passage du mystérieux convoi. La parade du cauchemar se referme sur elle-même en cercle sur le placître. À la tombée de la nuit, d’effroyables mugissements s’élèvent en face à face dissonant avec l’église dressée en silencieuse prière.
          Dès le matin, quelques enfants curieux ne peuvent résister à la tentation. Frôlant dans l’allée la cage couverte, les innocents tentent d’apercevoir la recluse monstruosité exclue de la divine bonté. À leur odeur, la cage se secoue violemment. Soudain, d’entre les rideaux surgit un énorme bras d’homme couvert de cicatrices, aux ongles longs comme des griffes à quelques centimètres de la gorge d’un enfant.
« Passez plus près et deviendrez son repas du soir. La bête a faim ! » lance Galia, sortant d’entre les roulottes, aux apeurés qui s’enfuient autant à la vue de la vieille pouilleuse que des griffes du monstre.
          Avant les clarines de la Sexte, la troupe est en place pour l’unique représentation. Dans une guérite envoilée de poussières d’étoiles, mi-gitane mi-sorcière Endora écarte pour un sou l’éventail des arcanes : « Le chemin du destin est sombre, une tempête maléfique s’annonce... Pour deux sous de plus, je vous livre la potion en puissant antidote » montrant la fiole remplie d’un liquide bleu allongée à l’intérieur d’un cercueil miniature. À l’entrée du chapiteau, en appui sur son unique jambe, Tancrède laisse pénétrer les visiteurs pour trois sous. À l’intérieur, la borgne Calliope joue du tambourin en dansant sur un filin d’acier. Au-dessous d’elle, deux clowns flandrins jonglent maladroitement avec des crânes, un troisième les accompagne frappant le cuir d’un tambour avec des os humains. Plus loin, le Maître du feu lance ses dagues acérées vers Aurora aux poignets et chevilles liés à une grande roue tournant de plus en plus vite. Diablo élève vers le ciel sa première lame qui s’enflamme aux mots étranges « Clomest vran fijud ! ». Les poignards de feu s’envolent vers la belle captive, le premier se plante à côté de sa gorge, le deuxième frôle son sein... La foule envoûtée applaudit. Tout s’accélère... À la dernière lame plantée, la roue s’embrase dans les feux de l’enfer, Diablo disparaît dans un rire satanique. La foule hurle... Les flammes cessent pour dévoiler un squelette calciné attaché à la cible. Âcre, l’odeur carbonée prenait les curieux à la gorge, certains se couvrant d’un linge la bouche et le nez, des femmes tombaient en pâmoison... Seul Diablo réapparaît plus loin dans un éclat de foudre.
          Déjà, les spectateurs s’écartent... Galia et Tancrède amènent le tombereau à la cage de velours rubescent. Les atroces grognements font vibrer les toiles du chapiteau. D’un geste magistral, Galia dévoile « La Bête »... Tous retiennent leur souffle. Un corps d’homme à la sculpturale musculature se recroqueville, ses mains immenses cramponnent les barreaux. Murmurant d’indicibles paroles, Galia lui tend un cœur sanguinolent encore battant et tiède. La bête affamée s’en empare et le dévore d’un seul coup de mâchoire. Soudain dans un terrifique hurlement, l’homme se transforme dans d’horribles douleurs. Un sombre pelage couvre progressivement son corps, des griffes redoutables sortent de ses doigts, son nez laisse place à la gueule dégoulinante de bave et de sang d’un féroce loup-garou aux yeux citrine. La foule s’enfuit telle une soudaine tornade, braillant d’avoir vu Satan en personne. Les plus effrayés piétinaient dans ce débordement de panique ceux évanouis sur le sol. Gardes et recteur furent appelés sur-le-champ pour chasser les maudits et exorciser la place. Mais Galia leur fait front :
« Vous ne pouvez rien sans notre volonté, nos sortilèges sont plus puissants que toutes vos litanies. Hasardez-vous mes seigneurs et je lâcherai la bête dans vos rues ».
« Si vous restez, c’est le grand inquisiteur qui vous brûlera ! » dit le recteur s’avançant, confiant dans sa croix levée.
« Faites-nous don de cinq de vos plus jeunes fils, et nous partirons... »
       Ainsi Galia avait compris l’infortune d’Amaël. Elle avait soigné le pauvre hère et mis dans une cage solide. La sorcière avait fini son ouvrage par quelques maléfiques envoûtements. Même sous des nuits sans lune Amaël devenait loup. Peaufinant sa sorcellerie, affamant la bête, Galia lui offrait des cœurs de jeunes garçons encore battants et tièdes dans de mystérieuses incantations. Alors les mutations se réalisaient au soleil de midi. Elle le transformait selon sa volonté le condamnant désormais pour l’éternité. Durant les courtes rémissions, Amaël pensait que la mort sous les griffes d’Yorik eut été plus douce.

       Galia attendait son écot, « C’est peu payé pour la liberté d’une ville » clamait-elle...
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samedi 27 décembre 2014

ANNA LOGON - LA MALÉDICTION D'AMAËL - 1/4

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Voix de l'Écho sur une adaptation de Nox Arcana : Night of the wolf











« La Malédiction d’Amaël » 1/4

Des profondeurs d’un si loin-temps qu’aucun n’aurait pu en donner un quelconque millésime, à l’âge des créatures maléfiques brûlant de sécheresse les cultures, noircissant les récoltes, essaimant peste et choléra, de féroces angoisses envahissaient les esprits chrétiens, attisées par les seigneurs de l’Inquisition...

1

       Dans les profondes forêts de Waarkrovie, les hauts troncs se blottissent les uns contre les autres et les vents de Calcias y faufilent leurs voix lugubres, tels les gémissements d’obscures présences fouinant l’opacité. Le froid transperce les couennes, les brumes glacent tout sang humain osant y pénétrer. Les ombres ramières reines d’illusions nourrissent les peurs les plus oppressantes. Les parchemins interdits de théogonie faisaient de Waarkrovie un lieu de chaos, ultime refuge des esprits déchus.
       Solides gaillards aux bras puissants, au torse architectural, Amaël et ses quatre compagnons bucherons ne craignent ni râles envoûtants de Malhazard Fossoyeur des Ténèbres ni démons griffus ou volants. Ils se sont enfoncés dans les noires futaies, là où les arbres sont les plus vigoureux. Ils tireront un bon prix de leur labeur. Voilà deux jours qu’ils taillent avec force, étêtent les cimes, dégagent les branchages, les dépècent de leur terne écorce. Leur unique tracas se réduit aux traces d’urine et aux empreintes dans la neige d’une meute de loups aperçue la veille par Matifas. Les hommes étaient à la lisière de leur territoire. Giboin assurait qu’ils n’attaquaient pas l’homme, mais tous restaient sur leur garde. Lequel d’entre eux aurait pu jurer du fond de son âme l’absence de tout enchantement ? Chaque soir, un grand feu veillait sur le campement. Au matin, à nouveau herminettes et merlins portaient l’estocade sur les coins, les troncs s’affalaient dans de bruyants grondements. Deux chevaux tiraient les bois cerclés de lourdes chaînes. Il leur restait dix jours pour achever d’abattre la parcelle, et assurer une bonne bourse aux cinq foyers.
       Au troisième matin, Albaud avait disparu. Aucun cri, aucun hennissement, aucun vestige de lutte. Rien... Il s’était évanoui comme on souffle une bougie... Seul un sillon de sang présageait d’un sort funeste, réveillant d’archaïques terreurs où la croyance redevient loi. Ils l’appelèrent en vain... Giboin découvrit près des billes de bois une main et un morceau d’un bras figé dans la neige carminée, les doigts resserrés sur une tourne-bille. Il se pencha, la griffe était ensanglantée. Les compagnons cherchèrent aux alentours le reste du corps. C’était inutile, les traces s’arrêtaient là. Les regards inquiets se heurtaient en silence. Les loups menaçaient... Il fallait terminer et rentrer au plus vite.
       Seuls les coups de hache et les troncs qui se déchirent résonnaient dans la forêt. Flanqué d’une trompe taillée dans la corne d’un bouc, Fleuret faisait le guet assis sur une haute branche. Avec le couchant, les lumières se distendaient peuplant la forêt d’obscures chimères. Pendant deux nuits, le sommeil resta inaccessible. Les premières lueurs d'une aube si pâle leur brûlaient les yeux, les manches se faisaient plus lourds...
       Giboin s’était évaporé avant le sixième crépuscule dans un silence toujours mystérieux. Matifas trouva les carcasses de deux chevaux morts, un autre plus loin encore vivant la panse éviscérée. Matifas dut l’achever, lui pourfendant le crâne d’un coup de hache, laissant jaillir quelques morceaux de cervelle. Il fallait tout enterrer afin de n’attirer aucune férocité malveillante aux abords du campement. Si cela ne pouvait être l’œuvre des loups, quel sortilège tissait le cruel et l'invisible ? Quelles créatures démoniaques à la solde de Malhazard pouvaient disparaître en un éclair après cet infernal forfait ? Amaël décida que ce jour serait le dernier, aucun écu d’or ne méritait la mort d’un compagnon. Demain matin, ils partiraient de cette terre maudite, abandonnée du Divin. Dans une dernière hargne, les bras se firent plus meurtriers sur les troncs.
       À la tombée du jour, la faim avait poussé la meute attirée par l’odeur du sang et des putrides humeurs infiltrés dans la neige. La horde s’était approchée, tapie dans le sous-bois, attendant l’heure propice. Les hommes assis sur une pierre se réchauffaient d’une écuelle de pain trempé dans un infâme bouillon. À la lueur du brasier, leurs yeux épiaient l’ombre vacillante au-dessus de la flambée, les oreilles en alerte à chaque craquement. Ce répit fut leur dernier. Malgré la veille des hommes, les loups se jetèrent à la vitesse d’une flèche, plantant leurs gueules dans les chairs. Fleuret fut pris par surprise, entre deux monstres lui dévorant déjà le flanc, l’autre la gorge. Il fut condamné sans le temps d’esquisser le moindre geste de défense. Ses égorgeurs rejoignaient les autres dans leurs charges fatales. Matifas réussit à se dégager. Saisissant une sapie il fit front, croc contre crocs. Poussant de rauques hurlements, il les éloignait fouettant l’air de son crampon avec force. Il en tua deux, mais les fauves bondissaient vers lui en vagues incessantes. L’assaut des dents toujours plus sanguinaire que le dernier. Leurs gueules puissantes eurent le dernier mot, arrachant la moitié du visage de Matifas et lui vidant les tripes. Il n’en restait qu’un...
       Amaël affronta courageusement la meute, un par un, plantant crochets de tourne-bille, fendant les têtes et ouvrant les ventres à coups de hache. Une à une les bêtes maudites l’avaient meurtri. La lutte fut âpre, mais l’homme avait vaincu ces damnées. Chancelant, Amaël s’était réfugié près du feu, pansant ses bras en lambeaux de bandage de tissu arraché aux chemises de ses compagnons d’infortune. Il attendrait le jour pour fuir, surveillant les alentours recouverts de sang et de fragments de corps. La nuit n’en finissait pas sous l’astre ambré.
       Soudain, il apparut... Yorik, le Saigneur Pourpre du néant, le plus fort et le plus puissant loup qu’il n’avait jamais vu, telle une montagne de muscles. Jusqu’alors, Amaël croyait que ce thérien des steppes, solitaire, à la tête massive, au terrible poitrail n’était qu’une légende. Il se dressait bien là, devant lui haussé sur ses pattes arrière, debout comme un homme. Yorik s’approchait les crocs scintillants sous des babines d’écume. Plus les lunes passaient plus le fauve se renforçait de monstruosité. Amaël se releva, et lança l’assaut le premier. Aucun ne pourrait dire qu’il fût mort sans combattre... La bête surprise réagit en un éclair lacérant le torse d’Amaël de ses griffes aiguisées telles des lames, lui arrachant en un geste quartier de viande et rugissements de douleur. L’affrontement était rude, mais pas perdu d’avance. À force de courage et d’une hargne devenue sauvage, Amaël devenait plus féroce que le fauve. La lune n’était pas encore à son solstice d’hiver qu’Yorik faisait face à Amaël avec toute sa puissance. Bientôt, la lune serait au plus proche de la terre, et rien ni personne ne pourrait arrêter cette créature satanique. Seul celui qui avait un cœur pur pouvait tuer Yorik.
       Amaël ne se battait plus pour sa vie, il voulait tuer la bête les yeux dans les yeux. L’odeur du sang amplifiait sa fureur, comme si, déjà, toute humanité le quittait. Les cœurs d’Yorik et d’Amaël étaient emplis d'une même barbarie. Au matin, Yorik avait fui pour moitié mort, laissant Amaël la gorge à demi ouverte, ses plaies du corps béantes. Il s’était longtemps traîné, rampant dans les broussailles pour sortir de l'enfer. À bout de forces, avait fini dans le fossé du chemin.

       Une caravane était passée, Galia l’avait ramassé...
.../...



Texte protégé et déposé
Où vous pouvez retrouver l'extrait musical original


dimanche 23 novembre 2014

ANNA LOGON - MANHATTAN MELODY




MISE EN VOIX JAVA ET TIPPI (voix de l'Écho)












« Manhattan Melody »


I

Collectionneur d’éphémères,
J’avançais dans la vie
Droit devant, sûr de tout,
Surtout de mes libertés
Que j’humais nez aux vents,
Sans jamais m’enchaîner.
Pharmacien des maux,
J’essaimais magicien
Quatre mots friandises
Anesthésiant les cœurs,
Pour consommer leurs corps,
Comptoirs de mes fast-foods.
Doigts frivoles,
Aiguillon désireux,
Appétits dégoulinants
Une ivresse enragée.
Promptement,
Je portais l’estocade,
Brefs à-pics décharnés,
Jouissance dénudée de plaisir,
Ni saveur ni lendemain,
Qu’il soit pire ou meilleur !

Sur Colombus Avenue,
Elle sortit de voiture.
Je ne vis que son pied,
Fin et assuré.
Le bout d’une chaussure.
Premier pas dans mon existence.
Ensuite, découvrais
Une cheville charmeuse,
Le contour du jarret,
Perchés en gratte-ciel.
Déjà, me régalais.
Pourtant j’en avais vu
De toutes les beautés,
Des musclés, des fragiles,
Du piment exotique
Au parfum clandestin.
La silhouette élancée
S’extirpa ondulante
De son bleu habitacle.
Nul besoin de bouquet,
Elle ne m’attendait pas.
Me fallait l’aborder,
Aucun mot parut digne.
Comment ? J’en restais coi ?
Ah, gourmandise inconnue...

II

Collectionneuse d’échecs,
J’escaladais l’existence
Droit devant, fière de rien,
Sauf de rêves fébriles
Glacés aux courants d’air.
J’avançais entravée
À l’ancre de mes maux.
Je renversais sur mes plaies
Des mots d’encre placebo,
Cautérisant le papier.
Dans la vie,
Il n’y a pas que le Q,
Bon sang, il faut du I !
Depuis, je ménageais mon cœur,
Comptable des morsures
Des guerriers de passage,
Confiants d’élans pressés,
Prétentions arrogantes.
Fuyais ces abordages,
Leurs bréviaires insipides
Abreuvés de « Je t’aime »
Superficiels, médiocres.

Sur Colombus Avenue,
Je garais ma voiture.
Puis me tordis le pied,
Injuriais l’effilé
Du talon de ma chaussure
Venant de se coincer
Sous ce maudit embrayage !
Dépêtrais chancelante
Ma silhouette énervée
Du sanglé habitacle.
Premiers pas dans la rue.
Alors, éprouvant
Une cheville douloureuse,
Le galbe bleui du mollet,
Sa brûlure artérielle,
Déjà je gémissais.
C’est là que je l’ai vu.
Ni beau ni musclé,
Au profil commun,
Finalement,
Rien de bien excentrique.
Puisqu’il se trouvait là,
Me fallait le héler,
Nul pas assez solide
Permettait d’avancer
Vers cet individu,
L’anonyme de la foule...

III

Premier soir, j’suis en retard.
À la moindre réflexion,
Je lui propose un verre
Et on conclut vite fait !
Si madame sait se taire,
Sans me prendre la tête,
OK, on ira au resto,
Eleven Park,
Un must sur Madison.
Soudain, je l’aperçois,
Jupe courte,
Elle avance.
Longues jambes,
Hanches cintrées,
Eh eh... Bonsoir, ma mignonne,
J’accélère mon pas.
Elle me sourit.
Soyons gentleman,
Un galant baisemain.
Ma tête s’incline,
Mes yeux plongent,
Apprécient
Col ouvert,
L’échancrure,
Dentelle blanche,
La naissance des seins
Déjà, j’imagine ma bouche
Sur ce mamelon pointu.
« Si nous prenions un verre ? »
King Cole Bar, 55th St.
Un Cosmopolitan pour elle,
Moi, une mousse
Ambrée comme sa voix,
Enivrante, sexy.
La soirée s’annonce bien.
« Je t’invite au resto ? »
Une table, deux bougies,
Trois fleurs, c’est parfait,
Les filles adorent ça.
Sous la nappe, je devine
Les cuisses croisées,
Tièdes.
Le songe se fait voyeur,
Bas ou collants ?
Elle parle beaucoup,
Mais, loin d’être sotte.
J’aime bien sa turbulence,
Un je ne sais quel...
Qui m’intimide.
Pff ! Dis pas n’importe quoi !
Mon vieux, sois sérieux,
Reprends-toi.
Je m’évertue d’être drôle,
Femme qui rit
Sera plus tôt dans ton lit !
C’est l’heure de l’addition,
Ah oui... Quand même...
Le temps passe, vite.
Allons à Central Park,
Ce banc sera très bien.
Soudain, je n’en peux plus
Lui mange les joues,
Dévore toute sa bouche.
Ses paupières se ferment,
Quand elle m’offre ses lèvres.
Ça m’électrise, m’échauffe.
Turgescence...
Sacré briscard, tu bandes !
Allons, mène-la dans ton lit,
Éperonne-la prestement !

Je te serre dans mes bras,
Et voudrais t’y garder.
Ta bouche coquine,
Ta main dans mon cou.
Oui caresse-moi encore, et...
Retiens-toi, mon gaillard,
Non pas elle, pas tout de suite...
Dis-moi vite « À bientôt »,
Please, deux petits mots,
Pour la première fois
Je pourrais les entendre.
Cette nuit, il faut nous quitter.
Tu me manques déjà,
Retiens-moi,
Ne sois pas éphémère...



IV

Le soir guette mon impatience.
J’épie ombres,
Signe d’une main,
Filament de voix.
Soudain, entre les hauts buildings,
Mes yeux se précipitent sur lui.
Il avance vers moi.
Voilà enfin l’instant.
L’agitation alentour devient floue.
La rumeur de milliers de pas
Filant aux logis
Disparait.
Je ne vois que lui.
Nos sourires se reconnurent.
Sur ma main, ses lèvres sages
En gracieux interlude.
Un verre préambule.
Je bois l’azur des prunelles,
Le velouté de sa voix,
En cocktail grisant.
Lueurs feutrées de l’auberge
Suaves agapes, grâces sucrées.
Plaisantes fariboles
Et riches bavardages
S’entrelacent.
Nos âmes fébriles tissent
Un face-à-face arc-en-ciel...
Balancier immobile
Dans les langueurs du soir.
Sur le banc s’attardant
Au cœur de Central Park
Mille joyaux tombaient
Sur mon visage clos
En fine nuée d’or.
Un délice,
Que dis-je, un vertige
Me parcourt les veines.
Les silences s’envoûtent
Sous le cobalt céleste,
S’entremêlent des mots
Aux douceurs hypnotiques.
Orfèvrerie nocturne
Dans l’havre de ses bras.
Ne pouvant nous quitter,
Sa bouche jamais rassasiée
Réaccoste en ondes infinies.
Encore et encore !
En vagues bondissantes
L’une au-dessus de l’autre.

Emporte-moi au loin.
Ne sens-tu pas
L’impossible couvre-feu
Naissant au creux de mes reins
Courir en vibrations lascives
Jusqu’au brûlant abîme ?
L’indécente intempérance
Me dévore la moelle,
Et toi seul peux l’étreindre.
Je me donne entièrement,
Soudainement voluptueuse,
Mon corps, ma raison.
Alors prends, vole, pille !
Mais par pitié...
Viens...


V

Avant les premières ombres
Et l’hiver de nos nuits,
Calmer l’horloge de l’entrée,
Nous rendre la mort patiente.
Faire du temps qui nous reste
La plus belle des ivresses.
Croquer toutes les pommes
De nos derniers Éden.
Dimanche, le soleil glissera
Ses douceurs en terrasse,
Sur la place du marché
Un nouveau fromager,
Une bouteille de vin
En garance nectar...
Un joyeux Saint-Amour !
Tendresses silencieuses
Entre nos doigts noués.
Nos regards toujours vifs
En complices dialogues.
Nos bras moins vigoureux
Où nos cœurs se blottissent,
J’entends battre le tien
Le long de ma poitrine.
Ma main toujours câline
Dans le creux de ton cou.
Deux gouttes et trois cachets
D’amour chaque jour,
En heureux pharmacien.
Ton affection se penche
Au-dessus de mes nuits,
Elle veille sur mon sommeil.
Tu caresses mon front, mes cheveux,
En m’écoutant dormir.
Notre tendresse si vivante
Depuis toutes ces années
Malgré les cailloux bleus,
Parfois, dans nos chaussures.
Alors, j’allais pieds nus,
Vers toi, tendais mon âme.
J’ai tant besoin de toi,
Comme je te suis précieuse.
Nous nous sommes appris,
Et parfois devinés,
Nos forces et nos faiblesses,
Les désirs, les refus.
Nos ardeurs subsistent
Aux corps qui s’affaiblissent.
Nos caresses apaisantes
Endorment nos douleurs.
Mon bel amant,
J’aime toujours tes baisers
Telle une pluie printanière.
Souvenirs dans nos veines,
Marqueurs guérisseurs
De notre mémoire...
Intacte ?

- « Et qu’avions-nous dîné ?

- Du foie gras en entrée,
Après, m’en rappelle plus...

- Qu’avais-tu pris en dessert ?

- Tes lèvres, ma douce, t’en souviens-tu ?

- Comme si c’était hier...
Quel bonheur, tout de même,
Que ce talon cassé !
Ça tient à peu de choses
La vie...
L’amour...

- Sais-tu, ma mignonne,
Sans ta foutue cheville,
Je t’aurai bien baptisée
Sur le capot de ta Pontiac !

- Oui oui, mon bel oiseau,
À l’époque, tu étais encore vert... »



Anna – 15 Mars 2014 ©




Un texte  inédit offert très généreusement par Anna à TippiRod VOTRE ÉCHO pour notre plus grand plaisir à tous ! MERCI ANNA !