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dimanche 27 juillet 2014

JAVA - « 176 EN NOIR ET BLANC » PARTITION 6 - QUATRE MAINS ANNA LOGON ET JAVA

MISE EN VOIX JAVA
sur une partition de Bela Bartok 1ere sonate pianiste "Makaosama"

Un piano de concert possède 52 touches blanches, 36 noires
À quatre mains, cela fait 176 petites notes qui s’entremêlent...

Tour à tour, les plumes d’Anna et Java se croisent
et en canon se répondent,
Voici leurs partitions...



CLIQUER SUR LA PARTITION CI-DESSOUS








« 176 EN NOIR ET BLANC »


FINAL





      Il avait écouté avec un ravissement qu’il ne cherchait même pas à dissimuler. Dans les doigts du pianiste la musique était devenue matière et eau, les croches s’étaient faites grappins, les portées torrents tumultueux. Mais si la musique avait ce pouvoir d’inspirer le chaos, lui, pouvait il continuer à l’aimer? Il détestait les décombres et la nuit, mais il endossait soir après soir, par le choix de ses interprétations le costume le plus sombre, il était l’ombre, l’Autre la lumière. Pourtant il ne croyait pas avoir démérité de l’instrument, il aimait ce piano autant que sa propre vie, pour autant ses prestations musicales depuis quelques temps n’attiraient que reproches et quelquefois injures. On avait besoin de gaieté, de notes cristallines à satiété et leur rôle n’était que d’être les messagers d’un bonheur mélodique.


               Il n’y arrivait plus, alors il ne produisait plus en solo, les gens ne se déplaçaient plus pour son nom seul, il avait été obligé de recourir aux duos. Alors il servait de faire valoir, chacune de ses interprétations mettait l’Autre en sous la lumière, malgré tout il continuait, le piano était non seulement son gagne-pain, mais aussi sa raison de vivre. Allons, il lui fallait en finir. Ses deux mains se posèrent doucement sur l’ivoire des touches. Aujourd’hui, il ne partirait pas sous les huées. Il commença par un Allegro moderato, même si c’était un univers sombre qui sortait de ses doigts, la frénésie du tempo et l’alternance avec des animatos aux sonorités simples allégeaient son propos. Plus que jamais son interprétation dessinait les deux faces d’une même pièce. Il soufflait le chaud et le froid. Il amena l’auditoire dans une sorte de sarabande hiératique et la fit tout aussitôt sauter dans des ruisseaux d’eau pure et joyeuse, avec des allégros endiablés avant de reprendre des sonorités plus graves. Il fit sourire et pleurer. Il donnait ainsi à écouter le monde tel qu’il le voyait et l’entendait, heureux et triste, alerte et lourd, généreux et assassin.


               Il ne quitta pas ses doigts des yeux, il ne posa son regard ni sur l’autre pianiste qui lui faisait face ni sur la salle. Cette fois personne n’était parti, tout au moins il ne décelait aucun mouvement. Il lui sembla alors qu’il avait gagné le cœur de tous. Il se demanda si après tout cela avait de l’importance ? Enfin ses doigts cessèrent leur course, un long silence s’ensuivit.


               Ils se levèrent ensemble, ils firent tous les deux le tour de leur Steinway et saluèrent. Il sentit alors une main dans la sienne. Ils étaient deux, ils avaient toujours été deux.


               À ce moment seulement les applaudissements commencèrent, la salle était toujours dans l’obscurité, il y avait ce noir intense devant eux et ces claquements de dizaines de paumes qui se rencontraient encore et encore, lorsque les premières lumières s’allumèrent il vit que tous étaient debout.


               Après deux rappels ils quittèrent la scène définitivement, ils rejoignirent leur loge après s’être chaleureusement remerciés l’un l’autre, se promettant d’autres rencontres, d’autres rendez-vous, d’autres applaudissements. Plus tard, un œil attentif aurait vu un homme sortir au bras d’une jeune femme et après quelques minutes, un autre poussant un fauteuil roulant dans lequel était assise celle qui devait être son épouse… Tous deux riaient, riaient… Les ruines de la ville semblaient moins laides ce soir...






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samedi 26 juillet 2014

ANNA LOGON - « 176 EN NOIR ET BLANC » PARTITION 5 - QUATRE MAINS ANNA LOGON ET JAVA

MISE EN VOIX ANNA LOGON

Un piano de concert possède 52 touches blanches, 36 noires
À quatre mains, cela fait 176 petites notes qui s’entremêlent...

Tour à tour, les plumes d’Anna et Java se croisent
et en canon se répondent,
Voici leurs partitions...




Partition N° 1


Partition N° 2


Partition N° 3


Partition N° 4







BANDE VIDÉO -AUDIO ICI






CHOPIN - Étude Op.10 No.2 - A minor chromatique


            À gauche, les yeux malicieux semblent à leur tour provoquer leurs comparses : « Ah tu veux jouer au chat et à la souris ? Alors jouons sans angoisser l’auditoire... ». Dès la première mesure de l’Étude Opus 10 N°2 de Chopin, le public se rassoit.  Sans la moindre hésitation dans leur réponse, les doigts agiles entament leur course chromatique, se pourchassent l’un l’autre sur la plaine neigeuse, voltigeant sans heurt sur les roches sombres. Primesautiers, ils vont et viennent avec adresse sur le clavier virtuose. La mélodie s’amplifie tournoyante du parquet jusqu’aux lustres. Sans s’essouffler, dans la forêt du parterre, le courant d’air tourbillonne décidé. Déjà il virevolte entre les fauteuils faisant courber les troncs, étourdissant les têtes sur son passage. Effréné, il se gonfle en spirale ascendante, arrache toute frondaison. Les feuilles s’envolent du pupitre en friponnes volutes, emportant les clés et les appogiatures. Les croches se multiplient en double, en triple en ricochant sur les velours des tentures. Les bécarres, les dièses et les bémols se dévergondent sans demi-teinte en ellipse sans fin... Puis la course s’amortit en un seizième de soupir.

            En face, un regard noir le dévisage, ces tendres harmonies l’ennuient ...









CHOPIN - Étude Op.10 No.4 - C sharp minor



            Comme pour répondre aux préférences dissonantes de son protagoniste, le pianiste poursuit s’exaltant sur l’Opus 10 N°4 pour porter l’estocade. Les doigts et l’instrument s’unissent, évanescents. En transe ils fusionnent en une seule onde frénétique. Le flot de musique se déchaîne, elle se fait conquérante. Les véloces triolets dévalent bouillonnant dans les allées, les gruppetto débordant descendent en cataractes des balcons. Bientôt, la salle se noie dans les vagues ondulantes, qui se ruent tumultueuses. Tels des coquilles de noix flottant sans amarre, les fauteuils voguent secoués par la houle démontée emportant les mélomanes submergés. Ils cramponnent le pavois, mais déjà chavirent sous les furieuses modulations. Échevelées, les sonorités s’élèvent en murs vertigineux, et cinglent les mezzanines. Scélérate, leur intempérance se fracasse sur les lisses, explosant en mille fougueuses tonalités. Les triolets redescendent en écumeuses cavales, se propagent avec célérité dans les coursives et le hall. Sans tremolo ni défaillance, la Musique décide alors de porter le dernier assaut, il sera crescendo ! L’espace tout entier se dilate en une puissante vibration. Le frontispice fragilisé se fend sous la dominationde ce cyclone devenu impérial ! Sous l’estoc et la taille de l’accord final, la Musique le jure, corbeille, cintres et pilastres dégringoleront sur les lambourdes !
            ... Quand la poussière reposa son nuage sur le parquet, ne restaient debout que deux courbes noires encore entremêlés. Trois pages de partition voltigeaient plus haut telles les feuilles d’un automne trop précoce. Adieu édifice, concert, cintres, fronton... Fauteuils arrachés, tentures par terre... ruinés... Sottise fratricide, affrontement guerrier, les noires contre les blanches, bémols et dièses déchaînés... Plastronnade achevée... Désolation...

            Frère de cordes, hisseras-tu enfin pavillon blanc ?





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Le grand final à lire sur la page de Java

dimanche 13 juillet 2014

JAVA - « 176 EN NOIR ET BLANC » PARTITION 4 - QUATRE MAINS ANNA LOGON ET JAVA

MISE EN VOIX JAVA
sur Bernard Hermann le prélude de "Psychose" le film d'Alfred Hitchkock

Un piano de concert possède 52 touches blanches, 36 noires
À quatre mains, cela fait 176 petites notes qui s’entremêlent...

Tour à tour, les plumes d’Anna et Java se croisent
et en canon se répondent,
Voici leurs partitions...




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     Les notes de paix semblent un instant s’accrocher aux corniches de plâtre rêvant peut être de retarder ce qui va venir. Mais comme pour accéder à la supplique du virtuose, le second piano attaque sur un adagietto. Le rythme lent, le son clair et les vibrations régulières produites par les cordes semblent tomber en cascades du plafond peint et de la verrière éclairée de volutes lumineuses. Sur le clavier la main gauche semble se promener sur les touches blanches qu’elle avait ignorées jusque-là. Les mouvements des doigts sont presque imperceptibles. Loin de la frénésie qui les agitait tout à l’heure, les mains ne fouillent plus, elles cherchent par petits bonds. Les sonorités guerrières ont disparues, pourtant l’interprète ne cherche pas à faire amende honorable devant la grandeur de son prédécesseur, il décompose son thème comme une explication de texte. Le piano est polyphonique, il le démontre. Il est joie et tristesse, douceur et violence, la fougue impétueuse de la jeunesse et la sagesse de l’âge.  Un glissando, la main couvre l’ensemble des notes d’un  seul trait. On se dit que c’est fini, qu’il va laisser la place, déjà les regards se tournent vers l’Autre, on attend un adagio…



               Il ne viendra pas ; ou pas tout de suite. A peine la dernière note du glissando jouée, les deux mains reprennent possession du clavier pour une ouverture avec un accord renversé de quinte augmentée suivi par un ostinato qui inlassablement, répète les mêmes accords dans une dissonance étudiée. Au final c’est une orchestration lancinante et inquiétante qui prend toute la place pendant quelques deux minutes plongeant un auditoire en pleine confusion dans une sorte de transe hypnotique. Une angoisse harmonique sort du Steinway, s’installe… Et quand la dernière note arrive sans préambule, c’est comme un couteau de cuisine déchirant un rideau de bain. Comme tout à l’heure le visage se relève, doucement, mais il ne sourit plus comme s’il avait lui aussi de mal à se dégager de la gangue anxiogène qui s’était installée. Comme si, quoi que l’on fasse on n’échappe pas à ses démons. Quelques personnes se sont levées et se dirigent déjà vers les couloirs sombres menant à la sortie, ce sont les seuls bruits.







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samedi 12 juillet 2014

ANNA LOGON - « 176 EN NOIR ET BLANC » PARTITION 3 - QUATRE MAINS ANNA LOGON ET JAVA

MISE EN VOIX ANNA LOGON

Un piano de concert possède 52 touches blanches, 36 noires
À quatre mains, cela fait 176 petites notes qui s’entremêlent...

Tour à tour, les plumes d’Anna et Java se croisent
et en canon se répondent,
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BACH - Fugue No. 2 in C minor, BWV 847 - Tempered Clavier


            Sur la gauche sortant à nouveau de l’ombre, la main tourne la page... BWV 847. Les yeux du pianiste se ferment avec délice, le visage radieux de laisser à nouveau ses mains gambader dans les blanches campagnes en triolets et sur les dièses escarpés. Ô Steinway merveilleux... offre à ses doigts le plaisir de caresser ton clavier bien tempéré. En do mineur, fais-toi délicate fugue, apaisante comme l’eau fraîche du ruisseau renaissant au printemps. Adoucit la fougue bouillonnante et furieuse de ton semblable ce soir si colérique. Calme les arpèges en mascaron dissonants de ce demi-frère qui assombrissent le contrepoint et l’harmonie. Déploie la douceur sucrée de tes feutres pour édulcorer les ardeurs des marteaux analogues rugissant sans vergogne. Cicatrise ses noires humeurs en l’enjôlant de mille boucles de tonalités bémolisées dont, seul, tu as le secret. Estompe l’emportement chaotique et cacophonique de ce jeune polisson qui affole l’auditoire par ses algarades tapageuses...







BACH - Prélude No. 21 in B flat major, BWV 866 - Tempered Clavier



            La partition s’effeuille à nouveau... BWV 866. Réjouis-toi rageur jumeau de cordes ! Entends ces milliers de couleurs en si bémol majeur descendre en frétillantes tierces l’ivoire escalier, et batifolant quatre à quatre en variantes ascendantes sur quelques marches noires. Les notes claires jaillissent rieuses une à une en point piqué ! Les fringantes triples croches éclaboussent en suites legato ! Les doigts voltigent allegretto en frivoles cascades toujours plus impatientes. Più crescendo, les grisantes modulations caracolent déjà sur les dossiers de velours rouges... Les croches en gouttes cristallines enflent le cœur des baignoires, les mesures s’accrochent en perles aux balcons et composent de chatoyantes guirlandes. À nouveau, les yeux des mezzanines pétillent, les fossettes s’épanouissent en un jubilant parterre. Pourquoi vouloir attrister ces pauvres âmes attentives ?


            Toi aussi, attendris tes cordes de vif acier avant que ne résonne une plus grave discordance...



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 partition 4 par Java...

samedi 28 juin 2014

EMECKA - LA NOTE BLEUE.



MISE EN VOIX PAR ELSA





Baroque - Acrylique Emecka





La note bleue.



     Révolutionnaire !

     Nous sommes dans une époque où il est de bon ton de bousculer les habitudes, les instances établies depuis des lustres et les conventions universellement acceptées. Et cet esprit rebelle se loge parfois dans des univers que nous ne soupçonnons d’aucune façon. C’est précisément ce que j’aime ressentir sur les barricades invisibles à l’œil nu…

     Ce matin là, comme d’habitude je presse le bouton « on » de ma radio fidèle. Après quelques informations d’usage, est donné un morceau de Chopin. Une nocturne. Pour un réveil c’est contestable, je vous l’accorde mais ce piano seul et ses notes qui dansent introduisent en moi ce soupçon d’énergie dont j’ai besoin pour démarrer ma journée sous de bons auspices. Après une entame un peu lente, certes, la « numéro vingt » s’anime tant, que mon humeur vire au guilleret, quasi instantanément. Est-ce cela ? Etais-je encore dans l’étrange fusion de ma fin de nuit avec cette nocturne de Chopin? Pourtant quelque chose d’inattendu se produisit…

     Des taches bleues s’échappent, sortent de ma radio ! Enfin, quand je dis des taches, ce n’est pas exactement cela…Plutôt des petits éclairs comme de minuscules oiseaux bleus prenant leur envol, propulsés par les ouïes de mon poste. Interloqué dans un premier temps, je me concentre sur mon café et ses arômes, feignant mépriser cette vision. Certain de mon réveil un peu difficile, je me frotte les yeux, sûr que quelques résidus de sommeil parviennent à troubler la lucidité de mon regard. Celui-ci désormais opérationnel selon moi, exerce un large travelling dans la pièce et là, stupéfaction ! Au rythme du piano, une nuée de notes bleues envahissent délibérément mon espace… Et disparaissent, instantanément dès que Frédéric laisse mourir sa dernière trille nocturne.

     Pour le moins désappointé, je n’en continue pas moins mes activités quotidiennes et j’ouvre ma revue artistique favorite. Outre articles picturaux et photographies analysées et commentées de mille façons, ce mois-ci sont présentés des partitions anciennes, d’œuvres de compositeurs célèbres. Quelle n’est pas ma surprise que de percevoir ces mêmes minuscules « oiseaux bleus » s’évader des ma page désormais ouverte ! Cette fois j’en suis convaincu, il vient de se produire un évènement singulier dans le monde des notes de musique…

     Je tente de reprendre mes esprits et prête l’oreille à cette nouvelle nuée de points bleus qui me tournent autour. Force est de constater que le réquisitoire auquel je suis soudain l’auditeur privilégié est renversant. Point de musique mozartienne ni romantique, seulement un discours clair et empressé. J’apprends que les notes et signes musicaux sont saturés de noirs et de blancs. Des siècles d’écriture se sont acharnés à les transcrire à l’aide de jolies et talentueuses plumes, mines graphites ou encres des meilleurs fabricants mais désespérément en noir. Au mieux quelques fois, des chiffres ont eu droit aux teintes rougeâtres mais ce ne sont que des chiffres ! Alors, un vent de contestation est né.

     Noires, blanches, rondes, croches et dièses se sont réunies et ont décidé d’une action commune. Désormais, l’invisibilité de leur existence sera remplacée par toutes les couleurs de l’arc en ciel. Fini l’enfermement dans de tristes portées, finies les partitions ennuyeuses, finis les uniformes et place au bigarré, au « multicolorisme ». Un premier essai est en cours ce matin. Une première couleur est adoptée à l’unanimité pour les noires : le bleu.

     Et j’ai cette chance incroyable d’être le témoin privilégié de cette révolution. J’ai vu la première note bleue.

     Fallait-il que ça « tombe » sur moi, l’amoureux des couleurs ? Dans un chant bien mal maitrisé je leur confirme mon adhésion et l’engagement d’en faire part au reste de la population. Je suis donc, ce matin, l’heureux messager des notes et diffuse avec toute mon énergie, leur révolution. Sera-ce suffisant pour remettre de la joie dans nos têtes pleines ?



     Fermez les yeux en écoutant votre musique préférée et vous verrez certainement danser de multiples points colorés sur votre rétine intime. Dansez avec elles…





Tous droits réservés

 Texte et Tableau
déposés
sur le blog de Emecka

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Sur Variations d'une plume  où vous serez invités à l'écoute de
 "Barenboim - Chopin Nocturne  N°20"

samedi 21 juin 2014

JAVA - «176 EN NOIR ET BLANC» - 2 (QUATRE MAINS AVEC ANNA LOGON)

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MISE EN VOIX JAVA
Liszt Réminiscences de Don Juan

Un piano de concert possède 52 touches blanches, 36 noires
À quatre mains, cela fait 176 petites notes qui s’entremêlent...

Tour à tour, les plumes d’Anna et Java se croisent
et en canon se répondent,
Voici leurs partitions...







PARTITION N°2




...Elles s’arrêtent un instant comme pour un vol stationnaire au-dessus de l’étroite rivière noire et blanche qui attend l’ordre pour commencer sa course, puis s’abattent ensemble emplissant l’espace en donnant toute leur puissance aux cordes frappées. Le son n’a pas encore quitté le pavillon des oreilles de l’auditoire que les mains ont commencé leur danse. Le ton est donné, la demande du premier piano se confronte à la mauvaise humeur du second. Après le choc du forte, c’est un accelerando qui projette les spectateurs dans une sorte de transe auditive. Les notes semblent se poursuivre dans une sarabande infernale. Mieux, on croit les entendre s’interpeller les unes les autres. Le jeu en arpégé forme une étrange mélopée qui manifeste son courroux face à la mélodie qui tout à l’heure caressait les mélomanes silencieux et attentifs. Entre ces deux pianos était en train de se jouer la rivalité entre deux mondes qui pourtant n’en faisaient qu’un. La lumière sur les deux virtuoses s’était faite plus rouge, plus enveloppante à l’instar de la musique qui semblait vouloir prendre l’ascendant, laissant le buste de Beethoven entre les colonnes doriques presque dans l’ombre. Un accéléré du tempo la changea progressivement en tons de plus en plus clair, presque tranchants, menaçants comme des sabres. Une couleur banche presque métallique prit possession de la scène. Mais était ce encore une scène, étaient ce encore des pianos ?


Dans les premiers rangs un œil affuté aurait vu le public se caler dans les fauteuils de velours, cherchant une protection. On eut annoncé un assassin dans la salle immense que l’appréhension presque palpable n’eut pas été plus grande. Pourtant personne ne se levait. Personne ne pensait à rompre l’envoûtement violent qui clouait chacun à sa place, quand d’un coup tout s’arrêta. Les mains du pianiste se figèrent et lentement sa tête qui un instant plus tôt touchait presque ces dernières, se souleva et son regard se posa sur celui de son contradicteur. Le Yang regardait le Yin, un sourire tranquille éclairait son visage.




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à venir Partition N°2 par Anna Logon...

ANNA LOGON - «176 EN NOIR ET BLANC» - 1 - (QUATRE MAINS AVEC JAVA)

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MISE EN VOIX ANNA LOGON 
 BACH - Prélude No. 1 in C major, BWV 846 tempered Clavier







PARTITION N° 1



Un piano de concert possède 52 touches blanches, 36 noires

À quatre mains, cela fait 176 petites notes qui s’entremêlent...



Tour à tour, les plumes d’Anna et Java se croisent

et en canon se répondent,

Voici leurs partitions...










     Le scintillement cristallin qui pendait des lustres majestueux s’estompa progressivement... Dans la clarté lactescente de la scène, les courbes fluides des deux Steinway laqués noirs s’entremêlaient. Quelques derniers raclements de gorge... trois légers chuchotements... puis le silence s’imposa, respectueux.

     Sur la gauche, deux mains se soulèvent délicatement au-dessus du clavier.

     Les doigts graciles caressent les touches sans effort, laissant s’échapper les premières notes vaporeuses du prélude. Patiemment, les mesures d’introduction s’installent sans espièglerie. Posément, elles drapent la salle de concert d’un voile mélodieux et apaisant comme une profonde respiration. Les tierces fluides de la main droite conversent en harmonie avec les douces variations de la main gauche. Sortant de l’ombre, une main anonyme tourne la page. Les blanches, les rondes, les noirs triolets s’évadent du papier en séraphiques vibrations berçant l’auditoire. La portée s’effiloche en fibres de soie, tissant sereinement une trame élégante. Puis un accord en septième de dominante majeure plane suspendu dans l’espace. Comme un point d’interrogation, il attend paisiblement une réponse avant de s’évanouir en un soupir...



     Déjà sur la droite, deux mains se soulèvent délicatement au-dessus du clavier...



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à suivre Partition N°2 par Java...

dimanche 30 mars 2014

ANNA LOGON - LES DOIGTS PLUS COURTS QUE LA TËTE - PIANO VOIX





L.V. Beethoven - Sonate N°14 - Op27 - Moonlight - Mouv1 - C sharp minor

(Extrait par Anna)




Les doigts plus courts que la tête


Il est arrivé dans ma vie
Un après-midi de novembre.
Sans smoking, ni queue-de-pie,
Il n’allait pas au concert.
Il était venu vers moi
En sobre tenue noire,
Simple et élégante.
Comme il était beau !
Je l’ai longuement épié,
Admiré encore, et encore,
D’une retenue effarouchée,
À l’ombre d’une timide inquiétude.
Rêveuse, le sourire déjà aux lèvres,
Je le contemplais en sourdine,
Mille morceaux en tête.
Alors j’ai regardé mes mains,
Aux doigts si courts,
Si si je m’en souviens...
Sauront-ils encore caresser,
Accompagner la descente
Des marches de ce noir escalier ?
Et mes yeux... que liront-ils en lui ?
Surgirait-il quelques altérations ?
Avais-je conservé toutes les clés ?
Tant de secrètes questions...
Je ne le connaissais pas, pourtant,
Il ne m’était pas totalement inconnu.
Mais lui... aimerait-t-il cette rencontre ?
Oh, je sais bien ce qu’il attend,
Il est comme tous les autres...
Mon cœur aussi soupire passionnément,
Mais cela pouvait-il être suffisant ?
Quarante cinq ans après...
De cette lointaine initiation,
J’en avais gardé tous les papiers certes...
Mais qu’en restait-il vraiment ?
Certains semblaient toujours... bien trop noirs,
Triples croches, bécarre, et clé de fa...
Trop peu de doigts et pas assez d’yeux !
Inaccessibles !
Pourtant, c’était bien là ma précédente aventure
Avec un bel ami, son congénère, son frère...
Et si ces retrouvailles étaient une bêtise ?
Recommencer une telle histoire d’amour
À la veille du troisième âge,
Est-ce bien raisonnable ?
Trop tard pour y penser,
J’avais fait le premier pas vers lui,
Nécessairement, le deuxième devait suivre.
J’ai ouvert « La Méthode Rose »
Raccommodée, scotchée, si pâle.
Comme si je reglissais mes mains
Dans les gants que je portais petite fille,
Me suis approchée du noir désir.
Page 6 : « Les cinq doigts »
Page 8 : « Études rythmiques »
Dix fois, vingt fois,
« Répétez » dit le maître...
Ses portées étaient à la mienne.
À la nuit, je m’arrêtais au « Chant du Soir » page 33.
Radieuse, j’avais dix ans
À nouveau...
Enfin je te retrouve, Ludwig,
Au clair de notre lune préférée...
Ah la mémoire auditive,
La mienne meilleure que la tienne ?
Prétentieuse, je n’en suis pas si sûre...
Mémoire procédurale de mes doigts,
Enchaînements ravivés. Magie !
Ma tête affabule encore,
Bach, Debussy et Ibert...
C’est beau la machine humaine.


Mais j’ai toujours les doigts trop courts... 



Anna Logon – 15 Janvier 2014 ©