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mardi 27 janvier 2015

ALIZA CLAUDE LAHAV - LE RETOUR










Le retour





C'est au mois d'août 2003 que je suis retournée sur les traces de mon enfance. J'ai marché dans cette cité, celle des trois bornes, Paris onzième, qui a changé et qui est restée la même. J'ai marché, tête baissée, cherchant vainement les pavés anciens où j'ai sauté à cloche-pied des centaines de fois, enfouis dans ma mémoire et sous le nouvel asphalte. Tout au fond de la cité, le dernier immeuble à gauche, le numéro 11, n'a pas changé; il est toujours là, intact. Ma maison, mon passé, mes racines chancelantes perdues dans le temps.

J'ai quitté cette cité il y a soixante ans. Le petit matin sombre de notre départ est encore ancré dans mon souvenir. Ce n'est pas un départ mais une fuite, la tête rentrée dans les épaules, les yeux baissés, je ne vois que des bottes de cuir et quelques paires de souliers noirs qui montent vers nous, ma mère et moi. Je tremble de peur sans savoir exactement pourquoi, je serre très fort la main de ma maman. Je suis une naufragée, une rescapée de la rafle de juillet 1942. Inscrits dans mon corps de petite fille, les tremblements sont toujours là, à fleur de peau, dans une mémoire qui est hors de la logique.

Depuis l'année 1942, je suis revenue en ces lieux trois ou quatre fois, mais c'est la première fois que je m'y retrouve entourée de mes fils, leurs femmes et enfants; ma descendance, mes nouvelles racines. Ils sont là, curieux et silencieux, intéressés par tout ce qu'ils voient, par tout ce qu'ils pressentent. 

La cité des trois bornes n'est pas un endroit de passage, elle n'a qu'une issue qui donne sur la rue du même nom; située entre l'avenue Parmentier et l'avenue de la République, c'est un cul-de-sac. Tout est calme, pas de circulation, très peu de passants en ce début d'après-midi, qui observent notre petite troupe avec curiosité.

Je m'adosse au mur en face du numéro 11, à l'endroit même où j'ai joué à la marelle tant de fois. Je lève la tête, montre du doigt, au quatrième étage, les deux dernières fenêtres sur la droite : la chambre à coucher de mes parents et l'atelier de mon père. Mes enfants sont près de moi, je vais d'un regard à l'autre, je détecte le trouble, les questions qui, sans doute, sont là depuis toujours, cachées au fond de leurs prunelles. Tout à coup cela devient très facile de parler, de leur conter une partie de leurs antécédents, puisqu'ils sont venus " après " et qu'ils ont appris, comme tous les enfants en Israël, la Shoah à l'école. 

Je leur chantais, lorsqu'ils étaient petits, et plus tard à leurs enfants, les comptines que me fredonnait ma mère. Je disais l'odeur du tabac, mêlée à celle de la savonnette, aussi présente que les bras de mon père autour de moi. Je plaisantais à propos des moqueries de mes sœurs aînées. Je décrivais les repas de famille, les fous rires, les câlins, les petits secrets chuchotés au-dessus de ma tête, puisque j'étais la plus jeune, leur petite Claudine, Didine. Je disais aussi les difficultés de la vie mais jamais ceux de la guerre.

Leur père, mon mari-ami, faisait de même, lui qui, dans un pays encore plus dément que le mien, avait traversé une guerre si pénible... nous pensions les préserver, ces enfants réparateurs. Et surtout, nous étions occupés à vivre, projetés dans le futur, animés par un désir de reconstruction, essayant d'occulter l'impensable.

Devant cette maison, où je n'ai plus jamais habité depuis l'âge de neuf ans, je trouve des mots simples pour dire les petites choses de la vie, qui sont parfois essentielles, mais aussi les départs, les séparations, les angoisses, les attentes, les pleurs, les faux noms, les caches. La clandestinité précoce. Et le désarroi d'une petite fille qui ne comprend pas pourquoi être juif est si mal et pourquoi il faut s'en cacher.

11 Cité des trois bornes. Devant cette maison, dans la cour de cet immeuble, je me sens à l'aise, presque heureuse, réconciliée avec ces murs, satisfaite de mon cheminement. Mes enfants, près de moi, sont ma vengeance contre le racisme de tout ordre et de toute forme. Ils sont ma réparation, un baume sur mes déchirures, blessures cicatrisées mais encore douloureuses les jours d'orage. 

J'écris ces dernières lignes… à la radio un speaker à la voix chevrotante, annonce les noms des dix-neuf morts de l'attentat qui a eu lieu hier à Haïfa.

Dix-neuf noms avec les âges, cela fait une longue liste… 

Ça ne finira donc jamais ? Nous sommes le 5 octobre 2003, il est 11h40, dehors il fait un temps splendide, le soleil brille, haut dans le ciel. Quel jour d'orage !

©Aliza Claude Lahav

Octobre 2003

Texte à retrouver sur le site d'Aliza




Un texte sincère, profond et très émouvant, qu'aujourd'hui 27 janvier 2015 - 70 ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, ma très chère amie Aliza offre généreusement à ma voix. Merci d'être mon amie.

Le dernier paragraphe sonne bien cruellement en ce début d'année meurtrier. 




jeudi 8 janvier 2015

JEUDI NOIR JEUDI ESPOIR - Au lendemain du 7 janvier 2015


BANDE AUDIO D'INTRODUCTION ICI


Il sont très nombreux les messages qui m'ont touchée en ce lendemain du 7 Janvier 2015

Mais particulièrement ceux-ci...

CLIQUER SUR LES LIENS EN BLEU OU VERT





Cette palette "Silence noir" de EmeckaMK qui exprime exactement ce que nous sommes très nombreux à avoir ressenti et ce moment d'horreur, figé à jamais dans nos mémoires

Veuillez cliquer sur l'image pour lire le poème associé


Silence noir- propriété EmeckaMK



Et cette citation de Mathieu Jaegert dès hier:

La plume, le crayon, la création, l'expression : larme absolue aujourd'hui, l'arme absolue demain



Enfin ces deux mots présidentiels

RASSEMBLONS-NOUS

qui quelques soient nos opinions politiques me donnent espoir, en ce jeudi si noir...




Voici pour terminer en donnant la parole aux dessins, le lien de 

L'hommage des dessinateurs à Charlie








































Douze bougies pensées...



Même si elles ne correspondent pas à l'humour si regretté, j'y exprime tout mon respect pour tous ces Hommes  garants de notre Liberté








Cinq bougies encore...



    

Profond Respect et recueillement...

Sincères condoléances à toutes les familles si injustement touchées et privées des leurs, de manière si cruelle et si abjecte. 

Pensées et soutien également aux personnes blessées et traumatisées.


Le nom de ces dix-sept victimes:

Stéphane Charbonnier alias Charb, Cabu, George Wolinski ,Tignous et Honoré. L'économiste Bernard Maris. Mais aussi un correcteur, Mustapha Ourrad, ainsi que deux autres collaborateurs : Elsa Cayat et Frédéric Boisseau. Invité de la rédaction de Charlie Hebdo, Michel Renaud a également été abattu. Ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand. Deux policiers ont également trouvé la mort à Charlie. Franck Brinsolaro du service de protection des personnalités, affecté à la protection de Charb, et Ahmed Merabet., rattaché au commissariat du 11e arrondissement. TUES MERCREDI

Clarissa Jean-Philippe, policière municipale de Montrouge, âgée de 26 ans, tuée alors qu'elle était en patrouille. TUEE JEUDI

Yoav Hattab, Philippe Braham, Yohan Cohen, François-Michel Saada ont péri porte de Vincennes quand Coulibaly a pris d'assaut l'Hyper Casher.TUES VENDREDI.



Frédéric, Cabu, Charb, Ahmed, Elsa, Clarissa, Yohav, Philippe... Les 17 victimes des attentats

Cliquez sur l'image pour découvrir l'article de L'OBS et découvrir un peu de chacun...







*Un bel écho, cette coïncidence de prénom, à tous les messages d'Elsa Saint Hilaire partagés généreusement et sans relâche depuis hier sur cette tragédie qui "assassine" nos valeurs communes. (Merci à elle d'avoir accepté en signe de soutien de ne pas publier les carnets secrets ce jeudi.)