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lundi 29 décembre 2014

ANNA LOGON - LA MALÉDICTION D'AMAËL - 2/4

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Voix de l'Écho sur une adaptation de Nox Arcana - Once Upon a Nightmare








« La Malédiction d’Amaël » 2/4

2
      Au crépuscule naissant dessus la plaine, une étrange caravane d’ombres s’approche dans des lueurs verdâtres. Le bruit des roues ferrées du cortège s’enfle sur les caillasses. Le bois des sombres roulottes craque dans les dévers du chemin. En guise de rideaux, des lambeaux de tissus ondoient dans les brumes. Les sons de tambourins et de flûtes virevoltent en envoûtante musique, déjà elle lèche les hauts murs de la ville. Les gardes laissent passer ces saltimbanques miséreux.
          La rumeur précède l’arrivée du cirque. Il s’annonce tel un serpent se faufilant dans les étroites ruelles où le soleil lui-même n’ose pénétrer. Des grondements plus troublants s’exhalent du sinistre cortège. À l’arrière fermant la marche, une grande cage cadenassée de lourdes chaînes sous d’épais velours est fixée au tombereau par d’énormes cordages. Des grognements sauvages montent de la cellule. Les premières festives espérances s’escamotent. Un sentiment d’étrange menace s’exsude des murailles. Une gangue noirâtre suinte enveloppant chaque pierre au passage du mystérieux convoi. La parade du cauchemar se referme sur elle-même en cercle sur le placître. À la tombée de la nuit, d’effroyables mugissements s’élèvent en face à face dissonant avec l’église dressée en silencieuse prière.
          Dès le matin, quelques enfants curieux ne peuvent résister à la tentation. Frôlant dans l’allée la cage couverte, les innocents tentent d’apercevoir la recluse monstruosité exclue de la divine bonté. À leur odeur, la cage se secoue violemment. Soudain, d’entre les rideaux surgit un énorme bras d’homme couvert de cicatrices, aux ongles longs comme des griffes à quelques centimètres de la gorge d’un enfant.
« Passez plus près et deviendrez son repas du soir. La bête a faim ! » lance Galia, sortant d’entre les roulottes, aux apeurés qui s’enfuient autant à la vue de la vieille pouilleuse que des griffes du monstre.
          Avant les clarines de la Sexte, la troupe est en place pour l’unique représentation. Dans une guérite envoilée de poussières d’étoiles, mi-gitane mi-sorcière Endora écarte pour un sou l’éventail des arcanes : « Le chemin du destin est sombre, une tempête maléfique s’annonce... Pour deux sous de plus, je vous livre la potion en puissant antidote » montrant la fiole remplie d’un liquide bleu allongée à l’intérieur d’un cercueil miniature. À l’entrée du chapiteau, en appui sur son unique jambe, Tancrède laisse pénétrer les visiteurs pour trois sous. À l’intérieur, la borgne Calliope joue du tambourin en dansant sur un filin d’acier. Au-dessous d’elle, deux clowns flandrins jonglent maladroitement avec des crânes, un troisième les accompagne frappant le cuir d’un tambour avec des os humains. Plus loin, le Maître du feu lance ses dagues acérées vers Aurora aux poignets et chevilles liés à une grande roue tournant de plus en plus vite. Diablo élève vers le ciel sa première lame qui s’enflamme aux mots étranges « Clomest vran fijud ! ». Les poignards de feu s’envolent vers la belle captive, le premier se plante à côté de sa gorge, le deuxième frôle son sein... La foule envoûtée applaudit. Tout s’accélère... À la dernière lame plantée, la roue s’embrase dans les feux de l’enfer, Diablo disparaît dans un rire satanique. La foule hurle... Les flammes cessent pour dévoiler un squelette calciné attaché à la cible. Âcre, l’odeur carbonée prenait les curieux à la gorge, certains se couvrant d’un linge la bouche et le nez, des femmes tombaient en pâmoison... Seul Diablo réapparaît plus loin dans un éclat de foudre.
          Déjà, les spectateurs s’écartent... Galia et Tancrède amènent le tombereau à la cage de velours rubescent. Les atroces grognements font vibrer les toiles du chapiteau. D’un geste magistral, Galia dévoile « La Bête »... Tous retiennent leur souffle. Un corps d’homme à la sculpturale musculature se recroqueville, ses mains immenses cramponnent les barreaux. Murmurant d’indicibles paroles, Galia lui tend un cœur sanguinolent encore battant et tiède. La bête affamée s’en empare et le dévore d’un seul coup de mâchoire. Soudain dans un terrifique hurlement, l’homme se transforme dans d’horribles douleurs. Un sombre pelage couvre progressivement son corps, des griffes redoutables sortent de ses doigts, son nez laisse place à la gueule dégoulinante de bave et de sang d’un féroce loup-garou aux yeux citrine. La foule s’enfuit telle une soudaine tornade, braillant d’avoir vu Satan en personne. Les plus effrayés piétinaient dans ce débordement de panique ceux évanouis sur le sol. Gardes et recteur furent appelés sur-le-champ pour chasser les maudits et exorciser la place. Mais Galia leur fait front :
« Vous ne pouvez rien sans notre volonté, nos sortilèges sont plus puissants que toutes vos litanies. Hasardez-vous mes seigneurs et je lâcherai la bête dans vos rues ».
« Si vous restez, c’est le grand inquisiteur qui vous brûlera ! » dit le recteur s’avançant, confiant dans sa croix levée.
« Faites-nous don de cinq de vos plus jeunes fils, et nous partirons... »
       Ainsi Galia avait compris l’infortune d’Amaël. Elle avait soigné le pauvre hère et mis dans une cage solide. La sorcière avait fini son ouvrage par quelques maléfiques envoûtements. Même sous des nuits sans lune Amaël devenait loup. Peaufinant sa sorcellerie, affamant la bête, Galia lui offrait des cœurs de jeunes garçons encore battants et tièdes dans de mystérieuses incantations. Alors les mutations se réalisaient au soleil de midi. Elle le transformait selon sa volonté le condamnant désormais pour l’éternité. Durant les courtes rémissions, Amaël pensait que la mort sous les griffes d’Yorik eut été plus douce.

       Galia attendait son écot, « C’est peu payé pour la liberté d’une ville » clamait-elle...
.../...



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samedi 27 décembre 2014

ANNA LOGON - LA MALÉDICTION D'AMAËL - 1/4

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Voix de l'Écho sur une adaptation de Nox Arcana : Night of the wolf











« La Malédiction d’Amaël » 1/4

Des profondeurs d’un si loin-temps qu’aucun n’aurait pu en donner un quelconque millésime, à l’âge des créatures maléfiques brûlant de sécheresse les cultures, noircissant les récoltes, essaimant peste et choléra, de féroces angoisses envahissaient les esprits chrétiens, attisées par les seigneurs de l’Inquisition...

1

       Dans les profondes forêts de Waarkrovie, les hauts troncs se blottissent les uns contre les autres et les vents de Calcias y faufilent leurs voix lugubres, tels les gémissements d’obscures présences fouinant l’opacité. Le froid transperce les couennes, les brumes glacent tout sang humain osant y pénétrer. Les ombres ramières reines d’illusions nourrissent les peurs les plus oppressantes. Les parchemins interdits de théogonie faisaient de Waarkrovie un lieu de chaos, ultime refuge des esprits déchus.
       Solides gaillards aux bras puissants, au torse architectural, Amaël et ses quatre compagnons bucherons ne craignent ni râles envoûtants de Malhazard Fossoyeur des Ténèbres ni démons griffus ou volants. Ils se sont enfoncés dans les noires futaies, là où les arbres sont les plus vigoureux. Ils tireront un bon prix de leur labeur. Voilà deux jours qu’ils taillent avec force, étêtent les cimes, dégagent les branchages, les dépècent de leur terne écorce. Leur unique tracas se réduit aux traces d’urine et aux empreintes dans la neige d’une meute de loups aperçue la veille par Matifas. Les hommes étaient à la lisière de leur territoire. Giboin assurait qu’ils n’attaquaient pas l’homme, mais tous restaient sur leur garde. Lequel d’entre eux aurait pu jurer du fond de son âme l’absence de tout enchantement ? Chaque soir, un grand feu veillait sur le campement. Au matin, à nouveau herminettes et merlins portaient l’estocade sur les coins, les troncs s’affalaient dans de bruyants grondements. Deux chevaux tiraient les bois cerclés de lourdes chaînes. Il leur restait dix jours pour achever d’abattre la parcelle, et assurer une bonne bourse aux cinq foyers.
       Au troisième matin, Albaud avait disparu. Aucun cri, aucun hennissement, aucun vestige de lutte. Rien... Il s’était évanoui comme on souffle une bougie... Seul un sillon de sang présageait d’un sort funeste, réveillant d’archaïques terreurs où la croyance redevient loi. Ils l’appelèrent en vain... Giboin découvrit près des billes de bois une main et un morceau d’un bras figé dans la neige carminée, les doigts resserrés sur une tourne-bille. Il se pencha, la griffe était ensanglantée. Les compagnons cherchèrent aux alentours le reste du corps. C’était inutile, les traces s’arrêtaient là. Les regards inquiets se heurtaient en silence. Les loups menaçaient... Il fallait terminer et rentrer au plus vite.
       Seuls les coups de hache et les troncs qui se déchirent résonnaient dans la forêt. Flanqué d’une trompe taillée dans la corne d’un bouc, Fleuret faisait le guet assis sur une haute branche. Avec le couchant, les lumières se distendaient peuplant la forêt d’obscures chimères. Pendant deux nuits, le sommeil resta inaccessible. Les premières lueurs d'une aube si pâle leur brûlaient les yeux, les manches se faisaient plus lourds...
       Giboin s’était évaporé avant le sixième crépuscule dans un silence toujours mystérieux. Matifas trouva les carcasses de deux chevaux morts, un autre plus loin encore vivant la panse éviscérée. Matifas dut l’achever, lui pourfendant le crâne d’un coup de hache, laissant jaillir quelques morceaux de cervelle. Il fallait tout enterrer afin de n’attirer aucune férocité malveillante aux abords du campement. Si cela ne pouvait être l’œuvre des loups, quel sortilège tissait le cruel et l'invisible ? Quelles créatures démoniaques à la solde de Malhazard pouvaient disparaître en un éclair après cet infernal forfait ? Amaël décida que ce jour serait le dernier, aucun écu d’or ne méritait la mort d’un compagnon. Demain matin, ils partiraient de cette terre maudite, abandonnée du Divin. Dans une dernière hargne, les bras se firent plus meurtriers sur les troncs.
       À la tombée du jour, la faim avait poussé la meute attirée par l’odeur du sang et des putrides humeurs infiltrés dans la neige. La horde s’était approchée, tapie dans le sous-bois, attendant l’heure propice. Les hommes assis sur une pierre se réchauffaient d’une écuelle de pain trempé dans un infâme bouillon. À la lueur du brasier, leurs yeux épiaient l’ombre vacillante au-dessus de la flambée, les oreilles en alerte à chaque craquement. Ce répit fut leur dernier. Malgré la veille des hommes, les loups se jetèrent à la vitesse d’une flèche, plantant leurs gueules dans les chairs. Fleuret fut pris par surprise, entre deux monstres lui dévorant déjà le flanc, l’autre la gorge. Il fut condamné sans le temps d’esquisser le moindre geste de défense. Ses égorgeurs rejoignaient les autres dans leurs charges fatales. Matifas réussit à se dégager. Saisissant une sapie il fit front, croc contre crocs. Poussant de rauques hurlements, il les éloignait fouettant l’air de son crampon avec force. Il en tua deux, mais les fauves bondissaient vers lui en vagues incessantes. L’assaut des dents toujours plus sanguinaire que le dernier. Leurs gueules puissantes eurent le dernier mot, arrachant la moitié du visage de Matifas et lui vidant les tripes. Il n’en restait qu’un...
       Amaël affronta courageusement la meute, un par un, plantant crochets de tourne-bille, fendant les têtes et ouvrant les ventres à coups de hache. Une à une les bêtes maudites l’avaient meurtri. La lutte fut âpre, mais l’homme avait vaincu ces damnées. Chancelant, Amaël s’était réfugié près du feu, pansant ses bras en lambeaux de bandage de tissu arraché aux chemises de ses compagnons d’infortune. Il attendrait le jour pour fuir, surveillant les alentours recouverts de sang et de fragments de corps. La nuit n’en finissait pas sous l’astre ambré.
       Soudain, il apparut... Yorik, le Saigneur Pourpre du néant, le plus fort et le plus puissant loup qu’il n’avait jamais vu, telle une montagne de muscles. Jusqu’alors, Amaël croyait que ce thérien des steppes, solitaire, à la tête massive, au terrible poitrail n’était qu’une légende. Il se dressait bien là, devant lui haussé sur ses pattes arrière, debout comme un homme. Yorik s’approchait les crocs scintillants sous des babines d’écume. Plus les lunes passaient plus le fauve se renforçait de monstruosité. Amaël se releva, et lança l’assaut le premier. Aucun ne pourrait dire qu’il fût mort sans combattre... La bête surprise réagit en un éclair lacérant le torse d’Amaël de ses griffes aiguisées telles des lames, lui arrachant en un geste quartier de viande et rugissements de douleur. L’affrontement était rude, mais pas perdu d’avance. À force de courage et d’une hargne devenue sauvage, Amaël devenait plus féroce que le fauve. La lune n’était pas encore à son solstice d’hiver qu’Yorik faisait face à Amaël avec toute sa puissance. Bientôt, la lune serait au plus proche de la terre, et rien ni personne ne pourrait arrêter cette créature satanique. Seul celui qui avait un cœur pur pouvait tuer Yorik.
       Amaël ne se battait plus pour sa vie, il voulait tuer la bête les yeux dans les yeux. L’odeur du sang amplifiait sa fureur, comme si, déjà, toute humanité le quittait. Les cœurs d’Yorik et d’Amaël étaient emplis d'une même barbarie. Au matin, Yorik avait fui pour moitié mort, laissant Amaël la gorge à demi ouverte, ses plaies du corps béantes. Il s’était longtemps traîné, rampant dans les broussailles pour sortir de l'enfer. À bout de forces, avait fini dans le fossé du chemin.

       Une caravane était passée, Galia l’avait ramassé...
.../...



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