MISE EN VOIX JAVA ET TIPPI (voix de l'Écho)
« Manhattan
Melody »
I
Collectionneur
d’éphémères,
J’avançais
dans la vie
Droit
devant, sûr de tout,
Surtout
de mes libertés
Que
j’humais nez aux vents,
Sans
jamais m’enchaîner.
Pharmacien
des maux,
J’essaimais
magicien
Quatre
mots friandises
Anesthésiant
les cœurs,
Pour
consommer leurs corps,
Comptoirs
de mes fast-foods.
Doigts
frivoles,
Aiguillon
désireux,
Appétits
dégoulinants
Une
ivresse enragée.
Promptement,
Je
portais l’estocade,
Brefs
à-pics décharnés,
Jouissance
dénudée de plaisir,
Ni
saveur ni lendemain,
Qu’il
soit pire ou meilleur !
Sur
Colombus Avenue,
Elle
sortit de voiture.
Je
ne vis que son pied,
Fin
et assuré.
Le
bout d’une chaussure.
Premier
pas dans mon existence.
Ensuite,
découvrais
Une
cheville charmeuse,
Le
contour du jarret,
Perchés
en gratte-ciel.
Déjà,
me régalais.
Pourtant
j’en avais vu
De
toutes les beautés,
Des
musclés, des fragiles,
Du
piment exotique
Au
parfum clandestin.
La
silhouette élancée
S’extirpa
ondulante
De
son bleu habitacle.
Nul
besoin de bouquet,
Elle
ne m’attendait pas.
Me
fallait l’aborder,
Aucun
mot parut digne.
Comment ?
J’en restais coi ?
Ah,
gourmandise inconnue...
II
Collectionneuse
d’échecs,
J’escaladais
l’existence
Droit
devant, fière de rien,
Sauf
de rêves fébriles
Glacés
aux courants d’air.
J’avançais
entravée
À
l’ancre de mes maux.
Je
renversais sur mes plaies
Des
mots d’encre placebo,
Cautérisant
le papier.
Dans
la vie,
Il
n’y a pas que le Q,
Bon
sang, il faut du I !
Depuis,
je ménageais mon cœur,
Comptable
des morsures
Des
guerriers de passage,
Confiants
d’élans pressés,
Prétentions
arrogantes.
Fuyais
ces abordages,
Leurs
bréviaires insipides
Abreuvés
de « Je t’aime »
Superficiels,
médiocres.
Sur
Colombus Avenue,
Je
garais ma voiture.
Puis
me tordis le pied,
Injuriais
l’effilé
Du
talon de ma chaussure
Venant
de se coincer
Sous
ce maudit embrayage !
Dépêtrais
chancelante
Ma
silhouette énervée
Du
sanglé habitacle.
Premiers
pas dans la rue.
Alors,
éprouvant
Une
cheville douloureuse,
Le
galbe bleui du mollet,
Sa
brûlure artérielle,
Déjà
je gémissais.
C’est
là que je l’ai vu.
Ni
beau ni musclé,
Au
profil commun,
Finalement,
Rien
de bien excentrique.
Puisqu’il
se trouvait là,
Me
fallait le héler,
Nul
pas assez solide
Permettait
d’avancer
Vers
cet individu,
L’anonyme
de la foule...
III
Premier
soir, j’suis en retard.
À
la moindre réflexion,
Je
lui propose un verre
Et
on conclut vite fait !
Si
madame sait se taire,
Sans
me prendre la tête,
OK,
on ira au resto,
Eleven
Park,
Un
must sur Madison.
Soudain,
je l’aperçois,
Jupe
courte,
Elle
avance.
Longues
jambes,
Hanches
cintrées,
Eh
eh... Bonsoir, ma mignonne,
J’accélère
mon pas.
Elle
me sourit.
Soyons
gentleman,
Un
galant baisemain.
Ma
tête s’incline,
Mes
yeux plongent,
Apprécient
Col
ouvert,
L’échancrure,
Dentelle
blanche,
La
naissance des seins
Déjà,
j’imagine ma bouche
Sur
ce mamelon pointu.
« Si
nous prenions un verre ? »
King
Cole Bar, 55th St.
Un
Cosmopolitan pour elle,
Moi,
une mousse
Ambrée
comme sa voix,
Enivrante,
sexy.
La
soirée s’annonce bien.
« Je
t’invite au resto ? »
Une
table, deux bougies,
Trois
fleurs, c’est parfait,
Les
filles adorent ça.
Sous
la nappe, je devine
Les
cuisses croisées,
Tièdes.
Le
songe se fait voyeur,
Bas
ou collants ?
Elle
parle beaucoup,
Mais,
loin d’être sotte.
J’aime
bien sa turbulence,
Un
je ne sais quel...
Qui
m’intimide.
Pff !
Dis pas n’importe quoi !
Mon
vieux, sois sérieux,
Reprends-toi.
Je
m’évertue d’être drôle,
Femme
qui rit
Sera
plus tôt dans ton lit !
C’est
l’heure de l’addition,
Ah
oui... Quand même...
Le
temps passe, vite.
Allons
à Central Park,
Ce
banc sera très bien.
Soudain,
je n’en peux plus
Lui
mange les joues,
Dévore
toute sa bouche.
Ses
paupières se ferment,
Quand
elle m’offre ses lèvres.
Ça
m’électrise, m’échauffe.
Turgescence...
Sacré
briscard, tu bandes !
Allons,
mène-la dans ton lit,
Éperonne-la
prestement !
Je
te serre dans mes bras,
Et
voudrais t’y garder.
Ta
bouche coquine,
Ta
main dans mon cou.
Oui
caresse-moi encore, et...
Retiens-toi,
mon gaillard,
Non
pas elle, pas tout de suite...
Dis-moi
vite « À bientôt »,
Please,
deux petits mots,
Pour
la première fois
Je
pourrais les entendre.
Cette
nuit, il faut nous quitter.
Tu
me manques déjà,
Retiens-moi,
Ne
sois pas éphémère...
IV
Le
soir guette mon impatience.
J’épie
ombres,
Signe
d’une main,
Filament
de voix.
Soudain,
entre les hauts buildings,
Mes
yeux se précipitent sur lui.
Il
avance vers moi.
Voilà
enfin l’instant.
L’agitation
alentour devient floue.
La
rumeur de milliers de pas
Filant
aux logis
Disparait.
Je
ne vois que lui.
Nos
sourires se reconnurent.
Sur
ma main, ses lèvres sages
En
gracieux interlude.
Un
verre préambule.
Je
bois l’azur des prunelles,
Le
velouté de sa voix,
En
cocktail grisant.
Lueurs
feutrées de l’auberge
Suaves
agapes, grâces sucrées.
Plaisantes
fariboles
Et
riches bavardages
S’entrelacent.
Nos
âmes fébriles tissent
Un
face-à-face arc-en-ciel...
Balancier
immobile
Dans
les langueurs du soir.
Sur
le banc s’attardant
Au
cœur de Central Park
Mille
joyaux tombaient
Sur
mon visage clos
En
fine nuée d’or.
Un
délice,
Que
dis-je, un vertige
Me
parcourt les veines.
Les
silences s’envoûtent
Sous
le cobalt céleste,
S’entremêlent
des mots
Aux
douceurs hypnotiques.
Orfèvrerie
nocturne
Dans
l’havre de ses bras.
Ne
pouvant nous quitter,
Sa
bouche jamais rassasiée
Réaccoste
en ondes infinies.
Encore
et encore !
En
vagues bondissantes
L’une
au-dessus de l’autre.
Emporte-moi
au loin.
Ne
sens-tu pas
L’impossible
couvre-feu
Naissant
au creux de mes reins
Courir
en vibrations lascives
Jusqu’au
brûlant abîme ?
L’indécente
intempérance
Me
dévore la moelle,
Et
toi seul peux l’étreindre.
Je
me donne entièrement,
Soudainement
voluptueuse,
Mon
corps, ma raison.
Alors
prends, vole, pille !
Mais
par pitié...
Viens...
V
Avant
les premières ombres
Et
l’hiver de nos nuits,
Calmer
l’horloge de l’entrée,
Nous
rendre la mort patiente.
Faire
du temps qui nous reste
La
plus belle des ivresses.
Croquer
toutes les pommes
De
nos derniers Éden.
Dimanche,
le soleil glissera
Ses
douceurs en terrasse,
Sur
la place du marché
Un
nouveau fromager,
Une
bouteille de vin
En
garance nectar...
Un
joyeux Saint-Amour !
Tendresses
silencieuses
Entre
nos doigts noués.
Nos
regards toujours vifs
En
complices dialogues.
Nos
bras moins vigoureux
Où
nos cœurs se blottissent,
J’entends
battre le tien
Le
long de ma poitrine.
Ma
main toujours câline
Dans
le creux de ton cou.
Deux
gouttes et trois cachets
D’amour
chaque jour,
En
heureux pharmacien.
Ton
affection se penche
Au-dessus
de mes nuits,
Elle
veille sur mon sommeil.
Tu
caresses mon front, mes cheveux,
En
m’écoutant dormir.
Notre
tendresse si vivante
Depuis
toutes ces années
Malgré
les cailloux bleus,
Parfois,
dans nos chaussures.
Alors,
j’allais pieds nus,
Vers
toi, tendais mon âme.
J’ai
tant besoin de toi,
Comme
je te suis précieuse.
Nous
nous sommes appris,
Et
parfois devinés,
Nos
forces et nos faiblesses,
Les
désirs, les refus.
Nos
ardeurs subsistent
Aux
corps qui s’affaiblissent.
Nos
caresses apaisantes
Endorment
nos douleurs.
Mon
bel amant,
J’aime
toujours tes baisers
Telle
une pluie printanière.
Souvenirs
dans nos veines,
Marqueurs
guérisseurs
De
notre mémoire...
Intacte ?
- « Et
qu’avions-nous dîné ?
- Du
foie gras en entrée,
Après, m’en
rappelle plus...
- Qu’avais-tu
pris en dessert ?
- Tes
lèvres, ma douce, t’en souviens-tu ?
- Comme
si c’était hier...
Quel bonheur, tout
de même,
Que ce talon
cassé !
Ça tient à peu
de choses
La vie...
L’amour...
- Sais-tu,
ma mignonne,
Sans ta foutue
cheville,
Je t’aurai bien
baptisée
Sur le capot de ta
Pontiac !
- Oui
oui, mon bel oiseau,
À l’époque, tu
étais encore vert... »
Anna
– 15 Mars 2014 ©
Un texte inédit offert très généreusement par Anna à TippiRod VOTRE ÉCHO pour notre plus grand plaisir à tous ! MERCI ANNA !
Pour la Xième fois je viens à nouveau de vous entendre tous les deux... Des clins d'oeil coquins dans les voix...
RépondreSupprimerHumm un régal, Merci à tous les deux !
Bon dimanche
GRAND MERCI à Toi ma Belle Amie pour ce très très beau cadeau. J'adore ton style et cette rencontre est tout comme j'aime ! Toujours ton élégance au service de ta fantaisie et ... de ta sensibilité. Merci d'avoir fait se rencontrer nos voix à Java et à moi sur la voie de ton talent. Tu sais ma sincérité.
RépondreSupprimerUn délice, que dis-je, un élixir ! Oui c'est ça ! Alors là CHAPEAU BIEN BAS à tous les trois, à Anna pour avoir écrit cette fabuleuse rencontre, c'est fou comme un talon cassé peut être le prémisse d'un amour naissant ! Vos voix toi la magicienne Tippi et Frangin Java avec des petits accents coquins, un pur moment de bonheur ! J'avais l'impression d'être comme un voyeur et j'ai aimé cela ! Foi de Gavroche, c'était sublime ! Merciiii à vous trois pour cet instant suspendu, gros bisous ! BRAVOOOO ET VIVE L'AMOUR !!
RépondreSupprimerMerci Eponine, nous avons je crois chacun dans notre partition, que ce soit à l'écrire ou bien à la déclamer, pris grand plaisir à vous offrir ces mots "Rencontre" d'Anna. Un bon moment, vraiment ! Merci !
SupprimerUn texte magnifiquement écrit, servi et valorisé par deux voix complémentaires accordées comme une partition de musique. Un grand concert classique de mots... Romantisme, sensualité et émotions. Bravo!
RépondreSupprimerContente comme tout de te lire en commentaire ma très chère Lointaine ! Je vais transmettre tes mots à Anna et Java.
SupprimerMerci d'y avoir entendu et lu un tel concert ! Merci chère Aliza !
Des scènes, des images, des émotions, c'est un beau film bien écrit et bien joué!
RépondreSupprimerJe crois que le compliment nous va bien au coeur tous les trois ! Un beau film en effet ! Merci beaucoup Evelyne !
RépondreSupprimerJe viens de découvrir cette histoire et ces lectures. Magnifique, vraiment magnifique. D'abord ce texte et ces deux visions qui se rejoignent avec cet allant de l'un vers l'autre. Et les lectures de Tippi et de Java qui se complémentent, très justes toutes les deux. Vraiment c'est pratiquement une représentation, un film come le dit Evelyne, tellement on voit vivre les personnages.
RépondreSupprimerMerci et félicitations à tous les trois.