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Mercredi 2 novembre 2011
M'entendez-vous
? Enfermé dans ce chagrin qui vous ronge, Vous êtes pourtant si
loin. À quoi sert de garder votre douleur dans ce coffre fort ouvert
à tous les vents. Il n'y a pas de clé, pas de barreaux que cette
absolue certitude qu'il n'y a pas plus malheureux que vous.
Vous
vous trompez. Cet homme que vous croisez, vient de perdre sa mère,
cet autre ne vous serrera jamais la main, il n'en a plus. Cette femme
encore, folle amoureuse, ne rentre que dans un appartement vide. Plus
personne ne l'attendra. Jamais. Et je n'évoque ici que de bien
banales blessures.
Regardez
toute cette grappe accrochée au corps de cette malheureuse. La
maltraitance, le viol, pas de travail, seule et quatre enfants à
élever, un joli cancer du sein et pourtant elle sourit, oui elle
sourit. De son vieux cabas rafistolé dépasse une poupée, cadeau
sauvé d'une poubelle généreuse. Ce soir, sa plus jeune fille se
couchera pour la première fois en serrant contre son cœur sa
première poupée.
Vous
pleurez ? C'est un bon début. Allez, allongez-vous sur cette page
blanche, voici ma plume. Écrivez. Ah, les mains vous aussi ! Alors
dictez-moi.
Je
m'appelle Pierrot et je suis malheureux. — Non, non, ça ne va pas
on recommence – Je m'appelle Pierrot et j'étais malheureux. Hier
j'ai enterré ma fille bien aimée. Trop douloureux de voir cette
poupée sur son lit. Ce matin j'allais la mettre à la poubelle quand
une jeune femme m'a demandé si elle pouvait la prendre. J'ai vu son
sourire quand elle l'a glissé dans son sac. Ce sourire, c'était le
tien.
Ce
soir la lune est ronde et ne veut pas s'endormir.
Jeudi 3 novembre 2011
Qui
m'attend ce matin dans la cuisine ? Déjà le soleil berce ma table,
et dans leur vase mes roses ont fleuri. Mélancolie du jour, mes
belles épanouies, se dorent à l'envie, dans ce bain d'or.
Tout
repose encore. Je m'étire ébloui, balayant des miettes de nuit. Ma
main bleutée d'un songe évanoui.
Mélancolie,
non mélodie, tu chantonnes doucement. Pas d'ombrage aujourd'hui.
Vendredi 4 novembre 2011
Je
ne suis pas soluble dans les tâches quotidiennes. Mon esprit
s'engourdit. J'ai soif de ne rien faire et quand je m'assois, je ne
sais plus que faire.
Le
parquet reluit, la poussière attend un moment avant de se reposer à
nouveau. Les provisions rangées dans les placards, l'ampoule du
vestibule changée, tout le monde est content sauf moi et mes reins
qui demandent grâce.
Enfin
assis, plus de mots pour chanter. Partis avec les saletés dans le
vide ordure. Demain peut-être.
Samedi 5 novembre 2011
Ailleurs,
il ne se passe rien. Même si, en Sicile, dans une vallée perdue le
héron disparu émerge de la brume. Dix ans qu'elle ne l'avait pas
vu. Lilia heureuse, le déclame au monde entier par la magie d'une
lettre publique sur Internet.
Ailleurs
il ne se passe rien. Par le même support, Chris m'envoie
un jovial "bon week-end." J'imagine sa détresse et sa
solitude, pour souhaiter ainsi deux jours de bonheurs
à un presque
inconnu.
Ailleurs
il ne se passe rien. Je n'ai pas bougé. Pourtant le monde frappe à
ma porte. Je lève les yeux. Un nuage dessine un Héron. Bientôt une
larme tombera sur ma main.
Ailleurs
il ne se passe rien. Dire cela est choquant pour celui qui meurt sans
soins dans ce qui ressemble vaguement à un hôpital, choquant pour
celui que l'on torture, choquant pour celui qui a faim. Mais j'ai
beau me triturer la plaie avec un couteau, je ne souffre pas. Ma
conception purement intellectuelle de la douleur, me permet de
survivre.
Ailleurs
il ne se passe rien. Des touristes sur la muraille de chine, la
grande mosquée d'Istanbul et, du haut de ces pyramides je vois des
milliers de pas, pressés d'en finir avec la photo souvenir. Tout
près d'ici, les chiffonniers du Caire, ceux qui dans la misère
continuent de sourire, de s'aimer et de faire des enfants.
Photographie ? Non les touristes ne sont là que pour les bons
souvenirs.
Ici,
l'événement, c'est la lettre de Lilia, le message de Chris, et la
pluie qui ne demande qu'à tomber, mais patiente encore.
Ici,
je compose ma petite musique qui rejoindra bientôt le grand
charivari, l'absurde résonance numérique où seul surnagent le
scandale et la violence.
Ici,
je lève les yeux et le ciel m'offre un coin de ciel bleu, un héron
voyageur, quelques mots d'amitiés. Ici, le monde existe plus fort,
plus palpable, vivant.
Dimanche 6 novembre 2011
L'écriture, comme la lecture, ne sont
faites que de digressions qui nous ramènent toutes au cœur de notre
vie.
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sur le site iPagination
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