MISE EN VOIX JAVA
Quatrième partie prose
Vous
agacer, Madame ? Rêvez-vous ? Mépris dites-vous ? Je
n’ai pas, il me semble usé de ce qualificatif à votre égard…
Vous m’insupportez parfois certes, mais pourrais-je mépriser
quelqu’un fait du même verbe que moi. Nous sommes deux branches de
la même famille, celle des mots… À la différence, Madame, que je
suis aussi fait de chair et de sang alors que vous n’êtes faite
que de rimes cristallines.
Vous
n’étiez pas gourgandine, cela non.
Suis je bien dans la
rime ?…
Mais je dirais bien
courtisane
si
je n’avais peur que l’on ne m’en blâme
Mais
voilà où vous me menez, à vous attaquer ainsi je me vois dans une
impasse,
je
m’empare de la dague
alors que je ne veux que
la plume.
Vous
parlez de vent, de fleur et de papillon, une conscience élevée
entendrait dans ces mots « liberté », mais comment
utiliser cela quand vous attachez la parole à des règles désuètes
et serviles, l’obligez à passer par le chat de l’aiguille qui
sert à la couture de vos quatrains.
Vos poésies, Madame,
ne
sont pas faites pour le dire,
elles
sont faites pour la révérence.
Le
mot n’est plus dans vos effets celui qui porte le regard, mais
celui qui se regarde, il ne fait pas briller la lune par une nuit de
ténèbres, non il se veut briller plus qu’elle. Vos phrases ne
sont pas faites pour exalter, elles n’existent que pour elles,
elles se mirent en elles-mêmes. Je me mets madame au service des
hommes, vous au service d’un seul du nom de Narcisse. Votre miroir,
dites-vous a maintenant plusieurs faces et le monde n’aurait plus
de secret pour vous, je ne vois pas dans celui que vous me présentez
le reflet de la réalité. Vos vérités n’en sont pas et aucune
image ne s’envole plus de vos chapitres. Votre plume n’est
qu’arabesques et circonvolutions elle ne raconte pas, elle
n’ambitionne qu’à plier le vrai pour le mettre à sa mesure…
Alexandrins et autres.
Mais
encore une fois, Madame, cette joute est stérile, vous m’attaquez
en termes choisis et je n’utilise la prose qu’à fourbir des
armes dont je ne veux pas avoir besoin.
Je
sais dire, Madame,
la
misère et les voiles sombres qui obscurcissent l’horizon de
hommes.
je
sais dire
la
colère et la haine, le glaive et le fusil et leurs raisons.
Pourtant
comme vous, Madame je sais aussi parler d’amour.
Mais le mien, ne
ressemble en rien au votre, si je sais effleurer la peau et faire
courir sur un corps dénudé des doigts agiles et voluptueux, je sais
aussi fouiller un sexe lui donner l’outrage qu’il réclame.
L’intensité, Madame, n’est pas alors dans les mots mais dans le
corps qui se cambre et dans les cris que la bouche prononce et ces
cris là, madame, votre poésie ne les entend pas. Les mots que la
bouche prononce à ces moments n’ont pas place dans vos recueils.
Endoctriner,
Madame ?
C’est
mal me connaître mes mots sont utilisés par tous et je m’y
reconnais si l’on en fait sauter les chaines. Mon combat n’est
pas porté par une bannière mais par la parole.
Les
mots sont une chose Madame,
mais si on ne les utilise
que pour eux-mêmes,
ils ne servent de rien à
l’esprit,
ils ne sont que feux
follets qui s ‘éteindront vite
sous des uniformes que
l’on a déjà trop vus.
J’ai
aperçu sur la grève, Madame,
errer des chiens fous,
dévorer poésies rimées
et
s’attaquer ensuite
à
plus loqueteux qu’eux-mêmes.
C’est de La Fontaine et
de Racine, Madame qu’ils venaient de se repaître.
J’ai
vu dans les jardins du monde des papillons aux ailes veloutées et
chatoyantes se poser sur des fleurs qui n’ont pas non plus de
secrets pour moi. Je peux
vous parler des couleurs
de la rose d’équateur incomparable parmi les incomparables, des
magnolias aux grandes feuilles solitaires. Mais je saurais vous
chanter une simple marguerite dont vous riez des mots qui lui sont
associés, j’en saurais faire s’il le fallait, une ode, une
ballade alors que vous n’en feriez qu’un quatrain par peur de
lasser. Combien, madame utilisez vous de mots pour nous conter
l’injustice ? Sous votre plume le vrai se dérobe pour ne
prendre que la lumière de vos rimes. Je veux être plus prolixe pour
dire les choses, la pensée dirige ma plume et si j’ai comme vous
le goût du sensible, je ne suis pas obligé de m’en tenir à ce
que la règle m’impose. Mais allez je ne suis pas aussi fermé que
je semble le dire, Mallarmé, Madame m’a fait pleurer, Baudelaire
dans les Fleurs du mal a ouvert des portes que d’autres poètes
avaient fermées.
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à suivre...
Et bien, que de belles choses en réponse, Monsieur, je vous l'accorde ! J'ai dû repartir en arrière pour relire le cristal de Cat, qui a fort à faire à jouter avec un tel adversaire. Le défi n'en devient que plus goûteux, nul doute que la belle saura, de griffes ou velours, donner de la cinquième en toute symphonie, et de fleurs parfumées, ouvrir d'autres croisées !
RépondreSupprimerQuelle superbe joute !! Des mots plein de justesse, foi de Gavroche ! CHAPEAU BIEN BAS !! C'est un délice, que dis-je ? Un nectar ! Je cours lire la réponse de la minette ! Merciiii à toi aussi la magicienne !! gros bisous à vous et douce soirée loin de la morosité !!
RépondreSupprimerMerci beaucoup Zibelyne et Eponine de vos fidèles passages si gentiment commentés et de vos compliments aux plumes Prose et Poésie. Bisous
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