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mardi 30 septembre 2014

MARCEL FAURE - 0146 à 0150 de La danse des jours et des mots





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Mardi 14 février 2012 

Un banc mouillé de soleil. Un soldat de plomb étendu sur le sable. Un pied l'écrase, l'enfonce plus profondément, le tue encore. Des enfants s'affrontent à l'épée de bois, au pistolet en plastique. Je te tue. Tu es mort. Tous les pigeons ont fui.
Un banc forteresse imprenable. Premier territoire à défendre. Méchant. Salaud. Une première amitié brisée. Maman il m'a fait mal. Et ma mère qui répondait : t'avais qu'à pas jouer avec lui. Aujourd'hui les mamans modernes s'invectivent. Menaces de plaintes. Ça peut rapporter gros un bobo d'enfant.
Sur le banc, les deux garnements réconciliés partagent un gâteau pendant que les mamans continuent de se crêper le chignon. Et moi je vois des images de guerres, d'enfants soldats. J'ai mal.
Pourtant, enfant j'ai joué moi aussi à ces jeux de grands. Général, je manoeuvrais des armées de boutons. Mes troupes passaient du guéridon à la chaise, montaient une embuscade sous la table et se rangeaient sagement dans une boite métallique, à grands coups de balai.
Ces boutons, il m'en reste encore quelques-uns dans la malle à couture. Parfois ils s'aèrent le temps d'une veste. Toujours soigneusement récupérés, c'est mon enfance que je recycle indéfiniment.



Mercredi 15 février 2012 

Photographies prises avec le télescope de Hubble. Comme si l'on regardait au travers d'un caléidoscope. Images que le profane ne sait interpréter. Féeries abstraites pour nous et qui représentent pourtant ce réel qui n'est plus. À l'échelle de l'univers, nous n'intéresserons probablement jamais personne. À l'échelle de la Voie lactée, nous n'aurions même pas le rôle d'un poil à gratter. Et pourtant, cela nous démange toujours d'être le centre du monde.
L'œil du chat nous regarde, tapi au-delà de notre entendement. Il ne paraît pas hostile, seulement attentif à ce que nous sommes. Des équations si nombreuses entre cette représentation du ciel et nous. On croit toucher les étoiles du doigt, avec des mots, avec un tableau. L'art n'est qu'une pâle imitation de la beauté des nébuleuses et de l'implacable violence des soleils qui explosent. Dans la course vers l'infini, de quoi nous rapprochons-nous si ce n'est de nous-mêmes et de l'humilité que nous devrions adopter devant tous les mystères à découvrir.
Photographies de Chris et de ses enfants, beautés des hommes, grandeur des regards innocents. En chaque homme l'immensité des possibles. L'exploration infinie des âmes. Déjà dans le sourire de ses deux filles, un nuage. La terre vue, du ciel, est belle avec ou sans nuages.
Soudain les correspondances fictives deviennent plus réelles. Et Chris si vivant, les mêmes yeux rieurs que ses garçons et ce sourire prêt à croquer l'avenir. Rien que notre bon vieux soleil à nous, et la terre et l'eau.




Jeudi 16 février 2012 

La symphonie des mondes se déroule tranquillement sans se soucier de nos convulsions. Je m'écarte du mieux que je peux du point de fusion où s'agglutinent les passions, les désirs, les regrets. Astéroïde fou, ma trajectoire incontrôlée poursuit sa course d'encre noire.
Dans ce désordre apparent, je rencontre des frères, des sœurs, on se frôle un instant, on échange la couleur de nos yeux, l'adresse d'une île déserte, la date du prochain arc en ciel... et notre amour désespéré des hommes. Au milieu des charniers de la consommation, nous survivons.
À l'âge des cavernes aussi nous aurions survécu, nous avons survécu. Nous sommes les fils des mots essentiels catapultés dans la mémoire collective. Enfance, amour, partage et quelques autres, comme autant d'étoiles dans le gris des jours.



Vendredi 17 février 2012 

Chaque jour, il nous faut convaincre la maman de Camélya de lâcher du lest. L'aînée des poussinettes ne doit pas vivre dans ce brouillard permanent qui m'a englué si longtemps. Il faut qu'elle parte en classe verte. Elle serait d'ailleurs la seule à se morfondre sur les bancs désertés par ses amies.
L'argent ? Non, non, maman se fait un point d'honneur à assumer. Le matériel qu'il faut réunir et emporter ? Nous avons de quoi fournir en sacs de couchage, sacs à dos, trousses de toilette... La religion ? Non, pas vraiment, Camélya sait reconnaître un morceau de porc dans son assiette et les astuces d'évitement pour ne pas l'avaler, et puis, souvent, il suffit de dire.
Alors ? C'est maman qui a peur, qu'il faut rassurer. Non elle ne se perdra pas dans les bois, oui la maîtresse a l'habitude, non ce ne sont pas trois jours de vacances. Mais l'argument qui semble décisif, c'est le retard pris à l'école. Pour coucouner les petiotes, il nous faut coucouner la mère et ne jamais baisser la garde.
Plus d'un mois avant le départ. Affaire à suivre... Armer le propulseur à idées jusqu'aux dents, sans oublier toute la panoplie des sourires, et compter sur Camélya qui va tanner sa mère et jouer sur l'effet d'usure.




Samedi 18 février 2012 

Si j'avais dû penser ce monde, je t'aurais inventée et je t'aurais nommée Lloydia. Alors j'aurais dû aussi inventer les fleurs et les plantes, les rivières et les fleuves, et les mers, et les océans, et les lacs pour refléter la lune et les étoiles. Mais c'était déjà fait, alors je me suis contenté de t'aimer et chaque colline, chaque montagne m'a renvoyé l'écho de ton nom.
Et tu remplis chaque page de ma vie.












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