Premier article d'une série consacrée à la lecture de la peinture abstraite illustrée par les théories plastiques de Kandinsky, artiste du 20ème
La connaissance de l'art nécessite-t-elle d'étudier la biographie, le catalogue raisonné des artistes, l'époque à laquelle ils appartiennent, les influences, les sources, les écrits, la fortune critique ? un travail certes essentiel et incontournable pour un historien mais oh combien rébarbatif pour un visiteur d'exposition.
Pourquoi ne pas lui proposer simplement quelques outils de lecture dont une analyse plastique des œuvres ? L'aider à entrer dans l'œuvre et l'investir, l'inviter au questionnement et à l'appropriation.
Les expositions, les musées sollicitent peu cette démarche, le spectateur utilise la vue, ses autres sens sont au repos et son intelligence ou son esprit critique sont annihilés car, on lui a dit « l'art est sacré…cet artiste est reconnu…c'est un grand peintre…une exposition magnifique…»
Un parcours initiatique
Sa seule sauvegarde est celle que l'on entend le plus souvent : « j'aime ou je n'aime pas » L'œuvre d'art est faite pour celui qui la regarde, sans qui elle ne peut exister ; c'est une œuvre ouverte, interactive que le spectateur peut interpréter et comprendre avec son histoire à lui, ses références personnelles, sa culture, ses émotions esthétiques.
Pour éviter une incompréhension totale du travail de l'artiste et respecter aussi la liberté du spectateur il faut à ce dernier des outils de lecture, une sorte de grammaire plastique, une base méthodologique claire ; ce qu'a très bien explicité Kandinsky dans ses écrits.
Le parcours du peintre et de son spectateur dans la peinture abstraite en particulier, est initiatique. Selon P. Sers quatre niveaux physique, émotionnel, mental et divin jalonnent la lecture du tableau kandinskien, dans une hiérarchie bien séquencée telle une longue et lente ascension.
Dans la tradition indienne le chiffre quatre est le signe de la perfection, il représente la totalité de l'être et du monde, l'âge parfait, l'âge d'or.
"La nécessité intérieure"
Une plénitude et une perfection que pourraient matérialiser les maisons de Vologda, dans la province de Moscou, que Kandinsky visite et assimile à « une peinture dans laquelle j'avais donc pénétré » Elle révèle au peintre les éléments de sa quête future : les meubles, éléments physiques, les murs et leur imagerie populaire, les valeurs sentimentales, les icônes, la connaissance et la prière, la lampe « le signe de la lumière divine » ; les quatre niveaux sont là, il ne les oubliera jamais et beaucoup de ses tableaux sont ainsi structurés. L'un porte un titre et une division en quatre parties distinctes très explicites : Quatre (1934).
Renforçant cette idée de cheminement Kandinsky remarque que les tableaux de Rembrandt « duraient longtemps», la question du temps de lecture de l'espace peint se pose : entrer dans le monde intérieur d'un artiste n'est pas chose aisée. En franchir le seuil nécessite une disposition d'esprit, une ouverture, une réceptivité qui ne doivent pas se contenter des seules apparences, en l'occurrence, celles des formes plastiques.
Là se mêlent poésie et philosophie, là se cachent la sensibilité, l'intériorité, la réalité émotive de l'être, ce que Kandinsky nomme la nécessité intérieure.
« Ce que l'on voile a une énorme puissance en Art, il est un enrichissement des moyens d'expression » précise Kandinsky qui a beaucoup usé de métaphores, ce qui le rend aux yeux de certains totalement hermétique.
Ici se situe la première rencontre entre l'individu et l'universel, entre l'artiste et son spectateur, le premier invitant le second à pénétrer dans sa maison, dans son univers, à se promener dans son tableau, à se fondre en lui en s'oubliant lui-même.
Kandinsky n'a-t-il pas écrit : du Spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier
Les prochains articles proposeront l'analyse de la composition du plan originel
Le plan originel du tableau selon Kandinsky
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