Beuckelaer
Personnages
simiesques, peinture de mœurs et natures mortes : le XVIe siècle
avant-gardiste introduit dans la peinture les scènes et les gens
ordinaires.
Les
sujets appelés vulgaires apparaissent à l’époque où l’essentiel
de la production artistique est essentiellement religieux, tourné
vers l’Antiquité gréco-romaine qu’il est bon de copier,
d’imiter et de diviniser.
Certains peintres refusent de
n’évoquer que des sujets nobles, malgré la pression exercée sur
eux ; le premier d’entre eux à s’attaquer à des sujets
réalistes dès le XVe siècle : Léonard de Vinci.
Le goût de l’étrange
Les
carnets de Vinci révèlent son attirance pour les légendes
d’animaux fabuleux, les allégories macabres où se confrontent
sorcières, crapauds géants, squelettes, monstres bicéphales
appartenant au domaine du cauchemar. Les caricatures ou Têtes grotesques témoignent
de son intérêt pour les anomalies, les excentricités de la nature
ou les personnages aux traits étranges.
Cette curiosité de
l’homme pour l’horrible s’exprime déjà avec les gargouilles
des cathédrales gothiques qui sont l'expression des passions et des
forces animales afférentes à la nature humaine.
Au début du
XVIe siècle l’œuvre du peintre flamand Jérôme Bosch se veut
moralisatrice et manifeste d’une foi soumise à la terreur de la
damnation et à la lutte menée par l’homme contre ses bas
instincts. Incarnés par des diables, des monstres mi-hommes, mi-
bêtes, ils sont le thème du Jardin des Délices terrestres (1510)
du Musée du Prado. Captivante démonstration et oeuvre emblématique
du monde fantastique, elle expose les tourments de l’enfer.
Les
œuvres d’Albrecht Dürer, de Lucas Cranach et de Matthias
Grünewald sont au confluent de deux époques, s’inspirant de
l’esprit religieux du Moyen Age et de l’humanisme de la
Renaissance. Grünewald va trouver dans la chambre des morts de
l’hôpital des Antonins de terrifiants modèles; l’un d’eux est
peint dans La Tentation de St Antoine ,
atteint du mal des ardents, mystérieuse maladie caractérisée par
des tumeurs et des ulcères. Le Christ outragé, du
même artiste, insiste sur la cruauté des gardes et les outrages
subis par Jésus, thème qui appartient aux mystères de la Passion représentés
et joués sur le parvis des cathédrales.
L’utilisation de
masques par les acteurs de ces représentations sacrées a pu
inspirer à Bosch, dans Le Portement de Croix,
les figures grotesques et déformées des personnages entourant le
Christ. Les générations suivantes avec Pieter Bruegel l’ancien
comprendront la leçon presque surréaliste du peintre.
La peinture de mœurs : Le bien et le mal
Les
peintres du XVIe siècle ne peuvent pas rester indifférents à de
telles représentations de l’humanité et les artistes vont
regarder vers la réalité la plus triviale en portant sur leur
époque un regard satirique et inquisiteur.
Les tableaux de
mœurs avertissent le spectateur des vertus à poursuivre et des
travers dont il faut se méfier: faire confiance aux femmes, les
entremetteuses sont un thème récurrent, fait partie des pires
risques que la morale de l’époque peut encourir.
Pieter
Bruegel l’ancien s'attache aux représentations de la vie paysanne
avec l’intention manifeste de moquer et de moraliser les mœurs des
paysans. Le Pays de Cogagne (1567)
souligne le péché de gourmandise et la paresse qu’il entraîne ;
le plus humoristique est la construction du paysage : la montagne est
une bouillie de farine de sarrasin, l’arbre et le toit de l’abri
portent des galettes, les haies sont constituées de saucisses, les
trois hommes affalés cuvent leur vin…
La nature morte moralisatrice
L’exaltation
de la nourriture spirituelle s’associe à la mise en garde des
péchés de la chair. Les natures mortes hollandaises représentent
les marchés aux légumes, aux poissons ou à la viande et les
personnages qui y sont associés montrent une promiscuité et une
lascivité ambigües. Les Tableaux de
Joachim Beuckelaer font des allusions directes à la débauche.
Ces
« moindreries », ainsi surnommées par Dürer, situées
effectivement au bas de la hiérarchie dans la classification des genres ,
vont acquérir une réelle autonomie au siècle suivant.
Aux
plaisirs des sens s’opposera la fugacité des joies terrestres et
les Natures mortes délivreront des messages philosophiques sur la
vanité de l’homme, lui rappelant sa finitude dans les Memento
mori.
Chronique à retrouver
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