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Vendredi 23 septembre 2011
Décider
de commencer un journal à plus de 66 ans peut paraître surprenant.
J'ai gardé précieusement, au fond de moi, cette âme d'adolescent
romantique prompt à s'émouvoir comme à se révolter, mais surtout
cette aptitude à m'absenter. – Tu étais où ? Est-ce que je sais
où j'étais ...
Je
voudrais surtout parler ici de l'air du temps, de l'arbre, de
l'oiseau et du bouquet qui se fane sur la table de la cuisine, un peu
comme Christian Bobin lorsqu'il écrit " Je
pense à quelque chose, mais je sais pas à quoi ".
Suivre la trace du jour qui s'en va. Un roman plus qu'un journal
puisque ce n'est pas de la réalité dont il sera question ici. Un
journal plus qu'un roman, puisque chaque petite séquence reste le
plus souvent sans suite. Un face à face, un corps à corps avec les
mots, poème, proème, à chaque lecteur d'en trouver sa propre
définition.
Cependant le quotidien ne saurait être absent totalement. Ainsi
aujourd'hui, nous avons profité du beau temps, Lloydia et moi, pour
aller marcher près de chez nous. Au retour, l'esprit libre et
désembué par l'effort, je pianote sur le clavier et les mots me
viennent facilement, comme me viennent parfois certaines phrases qui
se mettent à danser dans ma tête, et qui s'en vont.
J'aurais donc pu appeler ce journal " Le journal des petites
phrases qui dansent". Après plusieurs semaines, j'ai abandonné
le titre initial "Journal du temps qui passe" pour "La
danse des jours et des mots", qui reprend les deux premières
formulations.
Dans leur vase, mes zinnias s'en foutent. Tout ce qu'ils veulent
c'est un peu d'eau. Survivre jusqu'à demain.
Samedi 24 septembre 2011
Tous
ces mots échoués dans les poèmes, comme des graines que le hasard
dépose sur une île déserte, germeront-ils un jour dans quelque
cœur en friche ? Ceux qui s'égrènent ici, quitteront-ils la serre
où je les pose ?
Mes mains sont pleines de ce que j'ai vécu et ne traduisent pourtant
que l'instant. Mes zinnias ne passeront pas une nouvelle nuit, mais
resteront vivants au creux de ma phrase.
Tous ces mots … ici … que je voudrais comme autant de fleurs ...
vivantes.
Cet après-midi, lloydia et moi, nous irons cueillir quelques
fougères pour une exposition. Toujours cette opposition entre servir
la connaissance, et prélever ce que la nature nous offre à
regarder.
Tous ces mots ici, pour l'éphémère comme pour ces fougères qui
nous viennent de la nuit des temps.
Dimanche 25 septembre
2011
Dans
toute leur splendeur, les fougères. Autrefois, dans les matelas
elles avaient la réputation d'éloigner les parasites. Aujourd'hui,
dans cette salle, elles pavanent derrière leurs étiquettes
d'identification. Martine et Nathalie nous ont vraiment concocté une
belle exposition.
La
salle est généreuse et vaste, comme Henri et Françoise qui nous
reçoivent avec le café.
Les amis virevoltent, plongeant du nez et des yeux au plus près des
spores. Ils griffonnent, dessinent, questionnent les spécialistes
pour mieux cerner encore ces frondes que l'automne commence à
assiéger.
J'ai honte. De leur nom je n'ai rien retenu. Mais était-ce si
important.
Au-delà de l'exposition, les amis sont là. Chacun se dit heureux de
l'autre. L'unique bouteille de vin que l'on partage ... Quelques
gouttes par verre ... Un délice qui n'a
pas de prix.
Lundi 26 septembre 2011
Matins solaires, trois petits oiseaux s'en vont à l'école. Tout le
palier pépie. L'instant d'un ascenseur ... C'est fini ...
… Jusqu'à midi.
L'irruption de l'avenir, quatre fois par jour.
Mardi 27 septembre 2011
Capitale
de l'instant. Ce que mon regard découvre est roi. Souvent une
plongée au plus profond du vert. L'harmonie végétale me comble.
Les grandes religions n'en retiennent que des symboles qu'elles
déploient aux frontons de leurs édifices.
J'y
vois le sanctuaire nourricier et artistique de l'homme, les racines
qui lui font défaut. Communiquer sans intermédiaire avec
l'essentiel ... souvent nous n'entendons rien ... Nos pauvres
oreilles atrophiées ... Nous manquons de patience ... Soudain cette
lumière que je ne sais trop dire.
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