L'autre jour au marché J'ai voulu acheter Un cœur, qui bat, bat... Battrait rien que pour moi
Un des marchands m'a dit : « Repassez vendredi J'aurai ce qu'il vous faut : Un tendre cœur de veau.
Un régal, une douceur Vous l'aimerez ce cœur Cuit aux petits oignons, Jusqu'à la passion. »
La marchande de fleurs Avait un bien beau cœur Mais ce cœur doux et tendre Las, n'était pas à vendre.
Une autre m'a répondu « J'ai déjà tout vendu Mais je cède à bas prix Le cœur de mon mari
Un cœur de tortionnaire D'ancien beau légionnaire Sur lequel sont inscrits Les mots : Pas vu pas pris. »
Dans les grandes surfaces Y'avait qu'des cœurs de glace Froids et sans sentiments Mais garantis un an.
Ces belles mécaniques Faites pour la gymnastique Chronométraient le temps Qui passe dans le sang.
J'en ai acheté une L'ai offerte à la lune Et la lune ravie M'a dit : « J'taime pour la vie. »
Mais un mois plus tard Son cœur prenait du r'tard Puis s'arrêtait tout net Comme cette chansonnette.
S'il y a une morale À ma chanson banale C'est qu'un cœur qui vous aime Est le plus beau diadème.
Qu'un cœur de vous épris C'est un cadeau sans prix. Et que c'est bien pour ça Qu' l'amour fait un tel tabac !
Cela vous a plu ? Votre oreille est séduite ?
Alors cliquez vite sur la photographie de Philippe et sa cigarette.
Vous y serez invités à voter pour cette chanson et ainsi grâce à vous, Philippe aura t-il sa chance de devenir lauréat du concours auquel il participe !
Merci à vous pour Philippe !
(attention il faut que ce soit bien marqué "merci d'avoir voté" pour être pris en compte)
Des jeux de mots, de rires et de soupirs qui ont des fourmis dans la valise ! Des idées qui s'envolent de là en ailleurs pour atterrir ici en nouvel ami de plume
Tout qui rit ! Merci Philippe !
Je suis né à Paris en je ne sais plus trop quelle année mais ça devait être un peu avant Jésus-Christ. Études à l'Académie de Platon, à Athènes, puis études de l'histoire de la littérature à l'École Pratique des Hautes Études, Sorbonne, avec quelques mois d'école buissonnière en mai 1968 (après Jésus-Christ).
Cinq ans plus tard, émigration en Suède pour étudier l'anatomie des jolies filles blondes. Puis études de langues fourrées et mélangées aux universités de Linköping, Göteborg, Brighton en république populaire d'Europe, juste à droite au fond de la cour. Puis j'enseigne le français, l'espagnol, le suédois mais à force d'en saigner à en perdre mon sang froid, je me mets à traduire les pensées des autres, à défaut des miennes. D'abord pour le compte d'un grand groupe international suédois, puis comme travailleur indépendant, pour ne plus avoir ni horaires, ni patrons.
J'écris des nouvelles et des romans mais aussi parfois, quand ma douce muse m'y pousse, des poèmes et des chansons. Publication de divers contes, nouvelles et poèmes dans des revues suédoises et françaises.
Publication par iPagination d'un recueil de textes philosophico-humoristiques.*
Un recueil de nouvelles en préparation sur le feu.
Deux ou trois romans en cours, dont j'aimerais bien connaître la fin. Ce serait déjà fait si je n'étais pas aussi feignant. Mais patience !
Arsène ne cilla pas. Son regard fixait au-delà de Jules, dans l’encadrement de la porte de la cuisine, une forme fantomale immobile qui les observait. Le silence et l’attitude du chat troublèrent la colère de Jules. Il tourna la tête en direction de ce que le matou, littéralement hypnotisé, continuait à regarder. Charlotte était là, debout dans sa chemise de nuit en coton blanc, le visage barré d’un plissement soucieux et les lèvres formant un « o » interrogateur. Depuis combien de temps les épiait-elle, qu’avait-elle vu, qu’avait-elle entendu ? Les questions se bousculaient dans la tête du cantonnier et son cœur se brisa. Il aurait tant voulu la tenir à l’écart de tout cela. La photo de mariage que la petite avait jetée au feu lui revint en mémoire. Il ne lui parlait jamais de sa mère, l’avait effacée de son vocabulaire et pourtant en tentant de faire disparaître cette trace d’un bonheur passé, quel message avait-elle tenté de lui transmettre ? Il avança doucement en direction de sa fille, comme s’il s’agissait d’une somnambule et qu’il craignait de lui infliger un choc brutal en la sortant de ses rêves. Mais Charlotte ne dormait pas et lorsque son père s’approcha, elle vint spontanément se blottir dans ses bras. Un large sourire remplaça l’expression pétrifiée de l’interrogation muette. Il la souleva, l’embrassa sur le front et caressa les longs cheveux crépus qui, mieux que sa peau dorée, trahissaient son origine métisse.
- Chétait qui la dame ? chuinta-t-elle à l’oreille de Jules.
Il la reposa doucement au sol, lui prit la main et l’entraîna jusqu’à la chaise où le parfum de Michèle restait perceptible. D’un geste machinal il éventa ces reliefs olfactifs plus intimes que la carte de visite, restée en évidence sur la table. Il assit sa fille sur ses genoux et se mit à la bercer en fredonnant une comptine.
- Chétait qui la dame ? insista Charlotte, en balançant la tête de droite à gauche au rythme de la chansonnette.
Le dos appuyé à la poitrine de son père, elle ne vit pas ses yeux s’embuer de larmes. Il continua à la bercer, mélangeant les strophes, se trompant de mots, remplaçant parfois les paroles par des « la, la, la…» auxquels il donnait tout l’entrain que sa voix trahie par l’émotion pouvait encore exprimer. Il continuait et elle persévérait… Charlotte haussait le ton. Jules forçait le sien.
Arsène qui jusqu’à présent ne s’était pas permis d’intervenir sauta de sa chaise et se planta face au père et à sa fille. Après tout, en dehors du cantonnier, Charlotte était la seule à connaître son secret. Elle ne serait pas ni surprise, ni effrayée, de l’entendre parler.
- Cette dame, Charlotte, c’était ta maman…
Jules stoppa net sa chanson. Ses bras se resserrèrent autour de la taille de sa fille au risque de lui couper le souffle. Charlotte tenta d’échapper à l’étau en se débattant en tous sens. Quand son père relâcha son étreinte, elle quitta ses genoux et se précipita sur Arsène qui raidit alors son corps pour parer aux effusions dont seuls les enfants sont capables. Elle planta son nez à quelques centimètres du museau du chat, puis elle entreprit tout un jeu de mimiques que les adultes peinaient à déchiffrer, mais qu’Arène interpréta de suite comme une invitation à l’amitié et à la sincérité. Lorsqu’il cligna des yeux en signe de complicité, un sourire radieux illumina le visage de Charlotte. Enfin, une cascade de rires éclaboussa la pièce de ses notes ensoleillées.
- Alors, maman est belle ! glissa-t-elle, avant d’éclater de rire à nouveau.
Aussi soudainement que le rire avait jailli, il s’interrompit et son visage se ferma.
- Maman est morte ?
Elle s’adressait au chat. Sans attendre de réponse, elle bâilla bruyamment.
- Sommeil ! dit-elle, en se frottant les yeux du dos des deux mains.
Puis elle gronda « Je veux dormir ! », les poings serrés.
Jules, pourtant habitué aux revirements de comportements de son enfant, à ses sautes d’humeur et à ses questions incongrues, se sentit pris au dépourvu. Un instant il se demanda si dans l’esprit de sa fille la cérémonie d’enterrement à laquelle elle avait assisté dans l’après-midi et la subite apparition d’une femme qu’elle ne connaissait pas, mais qu’Arsène venait de désigner comme sa mère ne se mélangeaient pas, ne fusionnaient pas en une seule et même histoire dont elle seule aurait la clé. Il était indispensable de la protéger d’un trop-plein d’émotions qui déstabilisait un équilibre toujours fragile et sans cesse remis en question. Ce type de situation le mettait face à ses insuffisances et le peinait au plus haut point. Il s’en voulut d’être tellement démuni face à la sensibilité de sa fille et son ressentiment à l’égard de Michèle, qu’il rendit responsable de son propre désarroi et de celui de Charlotte, s’accrut dans de notables proportions. Un sentiment de haine commençait à germer dans son cœur. Dans un ultime sursaut, il tenta de l’enfouir pour ne penser qu’au bien-être de la petite. Il reprit la comptine là, où il l’avait abandonnée, saisit son enfant par la main et la guida vers sa chambre en chantonnant de plus en plus bas.
Pendant que Jules recouchait Charlotte et s’assurait qu’elle s’était endormie, Arsène sauta sur la chaise, puis sur la table où Michèle avait déposé sa carte de visite. Il se méfiait des réactions de l'irascible vieux bougon et redoutait qu’une fois revenu, celui-ci ne déchire le carton de bristol dans un accès de colère. Ce qu’il avait lu dans les mimiques de Charlotte l’encourageait à sauvegarder ce lien ténu entre elle et sa mère. La fillette comprenait bien des choses en dépit d’une difficulté à les traduire en un langage clair. Il observa l’objet rectangulaire qui ne présentait aucune aspérité. Il dut s’y reprendre à plusieurs reprises pour attraper entre ses crocs la surface glissante du papier tout en essayant de ne pas l’abîmer. En d’autres circonstances, cela lui aurait semblé un jeu et il en aurait fait durer le plaisir. Là, au contraire, la crainte de voir surgir Jules, le rendait maladroit. La carte enfin coincée entre les babines, il chercha dans la pièce une possible cachette, un endroit où Jules n’irait pas la chercher. Il y avait accolé au mur du fond une maie de chêne massif aux pieds sciés que le cantonnier n’ouvrait jamais. Le buffet à deux corps semblait bénéficier de ses préférences pour ranger ses couverts, quelques réserves alimentaires ainsi que ses bouteilles de vin et de gnôle. Le choix de la maie s’imposait, tout en présentant une difficulté d’importance. Soulever un couvercle pesant plusieurs kilos demandait que l’on y réfléchisse à deux fois et justement pour Arsène, le temps de la réflexion manquait. Poussé par l’urgence, il se précipita vers le meuble, essaya en vain de glisser sa patte entre le rebord et le couvercle, puis voyant que ses efforts ne le menaient à rien, c’est du museau, en s’arc-boutant sur ses pattes arrière, qu’il poussa de toutes ses forces sur l’extrémité du bord du couvercle. Au second essai, un léger interstice lui laissa entrevoir que la tactique était bonne ce qui renforça sa détermination. Il réitéra ses efforts et put passer enfin la tête à l’intérieur de la maie. Ses crocs se relâchèrent et la carte de visite passablement trouée, ensalivée et écornée par la manœuvre tomba au fond du coffre. Hélas, le poids du couvercle appuyant sur sa tête, ses griffes des pattes arrière glissant sur le carrelage, Arsène se retrouva bel et bien coincé. Impossible d’envisager la moindre retraite. C’est dans cette position grotesque, la tête enfoncée dans la maie et le cul indécemment exposé aux regards que Jules le découvrit en entrant dans la cuisine. Le spectacle cocasse libéra le bonhomme de ses sombres pensées.
- Ben, qu’est-ce tu fais dans cette position ? C’est-y une souris que tu es en train de chasser ? Mon pauvre Arsène, y a vraiment que toi pour te foutre dans le pétrin comme ça. Attends, arrête de gigoter, je viens te libérer…
Il souleva le couvercle pour permettre au chat de se dégager puis entreprit une inspection du contenu de la maie.
- Qu’est-ce qu’elle fait là cette carte ?
Il brandissait à l’intention d’Arsène le bristol portant les traces baveuses de l’intervention féline. Il en vérifia l’état avec une moue dégoûtée et en lut les élégantes inscriptions gaufrées. Un sifflement s’échappa de ses lèvres.
- Mazette ! Monsieur et Madame Hubert de Grivery ! Tin, elle s’emmerde pas la Michèle… vl’à qu’elle a épousé un noble par-dessus le marché… C’est pas bien malin ta petite entourloupe le chat. J’suis pas idiot, j’ai compris ce que t’as voulu faire, mais c’est aussi plutôt mal me connaître… Tu me déçois sur ce coup-là… et puis t’as juste réussi à faire un trou sur le numéro de téléphone… c’qui fait que maintenant, il est incomplet… Faudra que je demande aux renseignements pour le reconstituer, comme si j’avais que ça à faire. Ce que je veux pas, c’est qu’elle me l’enlève… Pas dit que je refusais que Charlotte connaisse sa mère… Tu te rentres ça dans ta petite caboche et t’évites de te mêler de mes affaires… On a déjà du pain sur la planche pour retrouver celui qui a dénoncé le Ronald… Tu te souviens ou t’as déjà oublié?
Arsène n’oubliait rien. Rien de l’enquête, rien de ses péripéties, de ses énigmes, rien non plus de la douleur lancinante juste derrière la tête, à l’endroit exact où le couvercle l’avait meurtri. Un endroit pour lui inaccessible et qu’il aurait aimé, en cet instant précis, plus que tout au monde, lécher.
C'est au mois d'août 2003 que je suis retournée sur les traces de mon enfance. J'ai marché dans cette cité, celle des trois bornes, Paris onzième, qui a changé et qui est restée la même. J'ai marché, tête baissée, cherchant vainement les pavés anciens où j'ai sauté à cloche-pied des centaines de fois, enfouis dans ma mémoire et sous le nouvel asphalte. Tout au fond de la cité, le dernier immeuble à gauche, le numéro 11, n'a pas changé; il est toujours là, intact. Ma maison, mon passé, mes racines chancelantes perdues dans le temps.
J'ai quitté cette cité il y a soixante ans. Le petit matin sombre de notre départ est encore ancré dans mon souvenir. Ce n'est pas un départ mais une fuite, la tête rentrée dans les épaules, les yeux baissés, je ne vois que des bottes de cuir et quelques paires de souliers noirs qui montent vers nous, ma mère et moi. Je tremble de peur sans savoir exactement pourquoi, je serre très fort la main de ma maman. Je suis une naufragée, une rescapée de la rafle de juillet 1942. Inscrits dans mon corps de petite fille, les tremblements sont toujours là, à fleur de peau, dans une mémoire qui est hors de la logique.
Depuis l'année 1942, je suis revenue en ces lieux trois ou quatre fois, mais c'est la première fois que je m'y retrouve entourée de mes fils, leurs femmes et enfants; ma descendance, mes nouvelles racines. Ils sont là, curieux et silencieux, intéressés par tout ce qu'ils voient, par tout ce qu'ils pressentent.
La cité des trois bornes n'est pas un endroit de passage, elle n'a qu'une issue qui donne sur la rue du même nom; située entre l'avenue Parmentier et l'avenue de la République, c'est un cul-de-sac. Tout est calme, pas de circulation, très peu de passants en ce début d'après-midi, qui observent notre petite troupe avec curiosité.
Je m'adosse au mur en face du numéro 11, à l'endroit même où j'ai joué à la marelle tant de fois. Je lève la tête, montre du doigt, au quatrième étage, les deux dernières fenêtres sur la droite : la chambre à coucher de mes parents et l'atelier de mon père. Mes enfants sont près de moi, je vais d'un regard à l'autre, je détecte le trouble, les questions qui, sans doute, sont là depuis toujours, cachées au fond de leurs prunelles. Tout à coup cela devient très facile de parler, de leur conter une partie de leurs antécédents, puisqu'ils sont venus " après " et qu'ils ont appris, comme tous les enfants en Israël, la Shoah à l'école.
Je leur chantais, lorsqu'ils étaient petits, et plus tard à leurs enfants, les comptines que me fredonnait ma mère. Je disais l'odeur du tabac, mêlée à celle de la savonnette, aussi présente que les bras de mon père autour de moi. Je plaisantais à propos des moqueries de mes sœurs aînées. Je décrivais les repas de famille, les fous rires, les câlins, les petits secrets chuchotés au-dessus de ma tête, puisque j'étais la plus jeune, leur petite Claudine, Didine. Je disais aussi les difficultés de la vie mais jamais ceux de la guerre.
Leur père, mon mari-ami, faisait de même, lui qui, dans un pays encore plus dément que le mien, avait traversé une guerre si pénible... nous pensions les préserver, ces enfants réparateurs. Et surtout, nous étions occupés à vivre, projetés dans le futur, animés par un désir de reconstruction, essayant d'occulter l'impensable.
Devant cette maison, où je n'ai plus jamais habité depuis l'âge de neuf ans, je trouve des mots simples pour dire les petites choses de la vie, qui sont parfois essentielles, mais aussi les départs, les séparations, les angoisses, les attentes, les pleurs, les faux noms, les caches. La clandestinité précoce. Et le désarroi d'une petite fille qui ne comprend pas pourquoi être juif est si mal et pourquoi il faut s'en cacher.
11 Cité des trois bornes. Devant cette maison, dans la cour de cet immeuble, je me sens à l'aise, presque heureuse, réconciliée avec ces murs, satisfaite de mon cheminement. Mes enfants, près de moi, sont ma vengeance contre le racisme de tout ordre et de toute forme. Ils sont ma réparation, un baume sur mes déchirures, blessures cicatrisées mais encore douloureuses les jours d'orage.
J'écris ces dernières lignes… à la radio un speaker à la voix chevrotante, annonce les noms des dix-neuf morts de l'attentat qui a eu lieu hier à Haïfa.
Dix-neuf noms avec les âges, cela fait une longue liste…
Ça ne finira donc jamais ? Nous sommes le 5 octobre 2003, il est 11h40, dehors il fait un temps splendide, le soleil brille, haut dans le ciel. Quel jour d'orage !
Un texte sincère, profond et très émouvant, qu'aujourd'hui 27 janvier 2015 - 70 ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, ma très chère amie Aliza offre généreusement à ma voix. Merci d'être mon amie.
Le dernier paragraphe sonne bien cruellement en ce début d'année meurtrier.
Elle s'interrompt sans raison, le doigt posé sur un mot si simple que je ne comprends pas son hésitation. J'insiste.
- Mais tu le connais ce mot !
- j'y arrive pas ... tu peux me le lire ?
Son regard surpris, comme si elle n'osait pas, comme si elle me tendait un piège.
- c'est pourtant facile !
- Dis-le-toi !
- Ferme
- Tu viens de dire un gros mot !
- ... ... Puis je comprends
Chez elle, les adultes leur intiment l'ordre de se taire par "la ferme" ou "ferme-la" mais ne veulent évidemment pas que les enfants leur retournent cette injonction d'impolitesse et d'énervement.
- Tu ne sais pas ce que c'est qu'une ferme ?
- ...
Bon, je vous passe l'explication enfants des campagnes. La pauvreté grandissante du vocabulaire me surprend toujours et me désarme et, de plus, dans ces cas-là, je perds mes moyens, je bafouille, je m'embrouille. Adieu veaux, vaches cochons ...
- Les vaches qui font du lait ?
- Oui c'est cela Poussinette.
Cette manie de faire des énumérations chez certains écrivains, ne serait peut-être que des restes d'apprentissage à la lecture.
Dans la nuit, ton souffle régulier. Tu ne dors pas, je le sais. Tu
es dans cette prairie, chaque fleur comme un ver luisant, ton visage
baigné dans un halo pâle qui n'a pourtant rien de terne. Une légère
luminescence qui m'aspire.
Dehors de longs hurlements et les arbres debout, grincent des dents,
résistent. Tôles froissées, déchiquetées, des phares
s'éteignent. Lueurs des obus et tous ces cris qui me parviennent.
Debout ... les arbres ... inexorablement.
Dans la nuit, ce doux murmure, oui la tempête, les bruits du monde,
la route qui tue, je les oublie. Comme s'il ne s'était rien passé,
nos routes secrètes, que seule la lune éclaire, nous ramène vers
l'aube éblouissante.
Mardi
27 mars 2012
Laisser des blancs ou des points de suspension ... toujours en
devenir ... quelque part ...
Ce moi qui se prolonge ...
Tous ces mots que j'étends sur le fil de vos yeux. Ils sèchent à
votre souffle. Et me voici vêtu de neuf dans l'haleine de vos jours.
Joncs et nuages ... bourdonnement des fleurs ... miroir de l'étang
sous le soleil.
Ce fil entre vous et moi tendu vibre au moindre bruissement de
vos lèvres.
Jamais l'heure ne s'épuise à nous compter le temps lorsque s'élève
le chant sur la portée des mots.
Oui, vraiment, amis lointains, vous me donnez du panache.
Et le temps s'efface.
Mercredi
28 mars 2012
Halte singulière de la nuit. Le corps allongé semble dormir.
Brusque soubresaut. L'essaim dans mon crâne s'agite et me réveille.
L'obscurité s'anime. Des idées s'entrechoquent tournent en rond et
soudain m'illumine. Je tiens quelque chose ... et je me rendors.
Au réveil, j'ai comme un manque. Pourtant ce matin :
Quand le printemps ouvre sa paume
Que le blé n'est pas encor chaume
Que tu remets ta robe mauve
La suite ..., la suite ? Peut-être jamais.
Jeudi
29 mars 2012
Jamais il ne me viendrait à l'idée de solliciter un auteur pour
obtenir un autographe. Son livre oui, sa signature en dessous de mon
prénom quelle vanité de croire à cette pseudo promiscuité
commerciale. Pourtant les auteurs s'y plient avec beaucoup de
gentillesse dans les " fêtes du livre."
Aujourd'hui, je l'avoue, j'ai signé à la place de Brigitte Smadja
auteur de livres pour enfants. J'aidais une amie libraire à tenir le
stand enfants sous le grand chapiteau installé face à la mairie.
Une maman et sa fille achètent le bouquin de Madame Smadja.
- Si vous pouviez le lui dédicacer réclame la maman.
- Désolé Madame, l'auteur ne sera pas présente cette année.
- S'il vous plait !
- Vraiment désolé.
Je croyais cet incident clos, lorsque je les vois revenir. L'enfant
est en pleurs. La maman revient à la charge. Je n'ai pu résister à
cette détresse et j'ai dû écrire quelque chose comme ça:
Brigitte te remercie par l'intermédiaire du libraire, d'avoir
acheté son livre et j'ai signé Marcel.
Grands sourires. Soudain ce livre prenait une valeur sentimentale
inestimable. Si la fillette, maintenant adulte, consulte encore cette
dédicace, elle doit bien rire de son innocente insistance.
Mille excuses Madame Smadja, c'était pour la bonne cause.
Je vois ta détresse mais je vois aussi les progrès considérables que tu as faits et si tu entends une petite voix qui résonne à l'intérieur de ta tête, c'est la mienne!
Eh oui ma petite sœur chérie, je suis toujours là bien haut, bien ailleurs, mais toujours là pour t'admirer!
Tu as manqué de ces regards qui vous donnent confiance mais le mien est sincère, cruel ou aimable, mais vrai. C'est celui de ta grande sœur.
J'ai commencé là haut une sorte de thérapie car Ils veulent que je sois totalement apte et désintéressée lorsque je rentrerai en mission.
C'est intéressant à plein d'égards et j'apprends beaucoup sur les erreurs que j'ai faites sur terre.
Et qui donc n'en fait pas? Les Anges, et ceux que nous devenons doivent grandir aussi dans ce monde spirituel .
Oups.. Je crois qu'il faut que je me taise!
Tu dois sentir par moments la protection divine et je peux t'assurer que c'est vrai, même si tu as l'impression pour l'instant qu'avec tous tes problèmes de santé, rien ne s'améliorera jamais. Mais si!
Ma
mère se levait de bonne heure pour traire les vaches, ensuite elle
allait à la messe. Mon père s’occupait de la ferme le matin et
tous les après-midi,
il était
parti jouer aux cartes à St Joseph, au bistrot situé en face de
l’église, c’est dans cette paroisse que se réunissaient les
bet’azels (c’est ainsi que l’on appelle les joueurs de belote
par chez nous).
Il
m’arrivait
d’aller le chercher quand il faisait semblant de ne pas entendre
les sept coups au clocher de l’église. Parfois, il ne revenait pas
d’ailleurs, il passait la nuit enfermé dans l’arrière-salle
aveugle du bistrot à taper le carton. Je crois qu’il ne savait
même plus l’heure qu’il était, il n’avait pas de montre, il
n’avait d’autre horloge que le soleil, du moins le matin, parce
que l’après-midi, la notion du temps lui échappait. Il vivait
avec les bet’azels dans une joyeuse camaraderie.
Un
soir, ma mère m’envoya à
St Joseph chercher mon père. J’arrivai au mauvais moment car Marie
apportait des verres de bière aux joueurs. Machinalement je me suis
retourné lorsqu’elle s’éloignait avec les verres vides. Cela
sentait bon la soupe à St Joseph, c’était samedi, je pressentais
que mon père ne reviendrait pas manger chez nous. Les plis de la
robe de Marie s’agitaient dans un mouvement de balancier, un
balancier comme celui de l’horloge
de ma grand-mère.
Georges, qui était le plus glauque de
la troupe, essaya d’imiter les ondulations de Marie pour se moquer
de moi. Pas bien malin mais pas un mauvais bougre dans le fond. Quand
je sortis de l’antre
des Bet’azels,
il me cria à la
cantonade :
« Fais de beaux rêves ». Mon père le fustigea du regard
et lui dit de fermer sa grande gueule. Cela me rassura d’être
soutenu par la voix de mon père. S’il ne l’avait fait, je
n’aurais peut-être plus osé franchir la porte du St Joseph.
Je
ne savais pas que l’ondulation de la robe de Marie allait me
poursuivre toute ma vie. Je me suis longtemps demandé si les filles
faisaient exprès
de s’agiter
comme le balancier de l’horloge
de ma grand-mère.
J’essayai plusieurs fois, lorsque j’étais seul, de me balancer
ainsi que je les voyais faire. L’exercice me parut d’autant plus
difficile que je ne savais pas si je le faisais correctement. Faute
d’avoir les yeux derrière la tête, le miroir ne m’apportait pas
un grand secours.
Un
jour, j’entendis dans la bouche de Brassens une mélopée qui
me laissa perplexe: « J' lui enseignai le moyen d'bientôt faire fortune en bougeant l’endroit
où le
dos r'ssemble à
la lune ». Il expliquait lato
senso que
pour marcher de la sorte, un apprentissage était nécessaire.
Peut-être les filles apprenaient-elles à marcher comme elles
apprenaient à sauter à la corde ou à jouer à la marelle ?
Je
continuais mes observations, je suivais les filles qui portaient des
hauts-talons. Était-ce un truc pour amplifier le mouvement. Je
profitai de
l’absence
de ma mère pour essayer ses chaussures à talons.
C’était
diablement casse-gueule ce machin-là, je compris pourquoi ma mère
les mettait si peu souvent mais je me demandais pourquoi les femmes
se donnaient tant de mal pour ondoyer de la sorte ? Pour moi, cela
relevait de la coquetterie. Elles se maquillaient, portaient des
cheveux longs… Elles utilisaient tous les subterfuges pour se
différencier.
Pendant
les vacances de Pâques,
ma tante m’invita
quelques jours chez elle, elle habitait près
de la Préfecture.
Ma mère
était contente que j’aille chez sa sœur « à la ville »,
elle disait que cela me sortait, qu’il fallait que je m’habitue
parce que je ne vivrais pas toute ma vie dans une ferme… Je me
demandais ce qu’elle voulait dire quand-même. Qui allait s’occuper
de mes lapins si je n’étais plus là ? Un matin, je pris
l’autocar et Fabien, mon cousin vint me chercher au terminus.
Lorsque
mon cousin prenait ses cours de piano, ma tante allait faire ses
courses et m’emmenait avec elle. J’aimais bien l’accompagner,
il y avait du monde, cela bougeait, on rencontrait des gens qu’on
n’avait pas vus la veille. Je demandais sans cesse à ma tante qui
étaient ces gens, elle me répondait qu’elle n’en savait rien.
J’ai cru un moment qu’elle me mentait, qu’elle ne voulait pas
leur avouer que j’étais son neveu, elle avait honte de moi. Dans
mon village, je connaissais tout le monde, je ne faisais pas tant de
manières.
Lorsque
ma tante entrait dans un magasin, je restais devant la vitrine et je
regardais les gens passer. Enfin, surtout les femmes, je les voyais
s’éloigner et j’observais le regard des hommes. Certains d’entre
eux se retournaient pour suivre d’un regard concupiscent la
femme qu’ils venaient de croiser. Je crus vraiment ce jour-là que
les femmes ondulaient pour se faire remarquer. Mais cet étrange
mouvement ne se voyait que lorsque les coquettes montraient
leur dos. Peut-être
s’agitaient-elles ainsi pour dire au revoir ?
Ma
tante prit l’habitude de me laisser sur la grand-place pendant
qu’elle faisait ses emplettes, moi j’adorais
cela, je me régalais
de voir autant d’animation autour de moi. Je restai sans bouger
à mon
poste d’observation
comme une buse sur un poteau télégraphique. Ma tante s’en étonna
d’ailleurs auprès
de ma mère.
Mon
cousin jouait
avec son épée dans une salle d’armes tandis que ma cousine
faisait des cabrioles dans un gymnase. La ville avait ceci de
magique, non seulement il y avait des magasins où vous
trouviez toutes sortes de choses que vous ne voyez jamais chez nous
mais vous pouviez pratiquer des sports que l’on ne voyait qu’à
la télé. À la campagne, nous jouions aux flibustiers avec
nos épées en bois sur le parvis de l’église quand Monsieur le
Curé avait le dos tourné. Fabien,
engoncé
dans son casque et son brocart blanc
maniait le fleuret sur la piste.
Dans
le jardin, nous nous amusions parfois avec nos bâtons en bois. Bien
sûr, il savait manier l’épée et il voulait absolument que nous
respections les règles car à ce jeu-là,
il me
dominait mais moi je voulais me battre, rouler dans l’herbe, le
plaquer au sol, jouer de tout mon corps, avoir mal… Mon
cousin n’aimait
pas jouer à la
bagarre.
Un
jour, alors que Fabien prenait son cours de piano, j’accompagnai ma
tante à une compétition de gymnastique à laquelle participait ma
cousine. J’espérai que ces jolies gymnastes, habillées
en baigneuses, me révèlent le secret du balancier ? Elles
marchaient d’un pas décidé
et n’ondulaient pas comme les femmes que je voyais dans la rue.
Quand elles couraient, je me concentrais sur leurs silhouettes
mais tout cela allait trop vite pour que je comprenne l’explication
du phénomène qui me tracassait. Après cette compétition, je
pensai que ce mouvement de pendule qui animait les femmes n’était
pas naturel mais qu’elles usaient de ce stratagème pour faire leur
intéressante et attirer le regard des hommes. D’ailleurs, les
robes à crinoline du
Grand Siècle, aperçues dans mon livre d’Histoire,
prouvaient par leur extravagance que les cocottes aimaient accentuer
l’amplitude
du balancier.
Le
mystère restait entier. Un jour, une femme sanglée dans des
pantalons étroits (à cette époque, la mode ne parvenait pas à
s’implanter dans nos bourgs) passa devant moi, je la suivis pour
comprendre le mécanisme d’un tel chambardement. Cela bougeait dans
tous les sens, je n’y comprenais plus rien au point que je me
demandais si elle n’allait pas se retourner hilare et me
dire : « je le fais bien ».
Plus
tard, j’ai
eu l’occasion
d’aller à
la plage mais le mystère
de l’horloge
de ma grand-mère
ne me préoccupait plus autant, j’avais passé l’âge, je
cherchais à percer d’autres mystères.
Et
puis il valait mieux ne pas s’arrêter à cela, il fallait parler
aux donzelles de manière diserte,
d’un
air détaché, comme
si tout allait de soi et que le monde nous avait révélé tous ses
secrets. Mes obsessions de jeunesse s’effritèrent,
d’autres
les remplacèrent.
Au
décès
de ma grand-mère,
j’ai
insisté
pour récupérer son horloge. Le copain de Fabien n’a pas compris
pourquoi je revendiquai cet objet avec autant de véhémence.
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Un petit tour de lune avec Brassens, ça vous dit !