Le mot du jour

Qui suis-je?


LA VOIX DE L'ÉCHO

POUR LE PLAISIR DE TOUS: AUTEURS, LECTEURS, AUDITEURS...

mardi 31 mars 2015

MARCEL FAURE - 0231 à 0235 de La danse des jours et des mots




MISE EN VOIX DE MARCEL FAURE DU PREMIER ÉPISODE 




Mercredi 9 mai 2012  

Je ne veux pas parler
De mon dos en compote
De mes hanches en déroute
De ma peau craquelée
De mon nez renifleur
De mes yeux fatigués
Ni de mes insomnies
Je ne veux pas parler
De mon caractère grognon
De mon humeur de chien
De ma peur du lendemain
De mon côté écureuil
De mon goût des épices
Ni de mon ventre rebondi
Je ne veux pas parler
De ma feuille d'impôts
Des fiches à remplir
Pour ceci ou cela
Du balai et de la serpillière
Ni du sol à laver
Je ne veux pas parler
De la pluie du beau temps
De l'ascenseur pourri
De la peinture écaillée
Des odeurs qui remontent
Jusqu'à la salle de bain
Ni du ça va et vous
Non rien de tout cela
Juste écrire ... peut-être
Un jour de plus
Jusqu'à ma dernière heure
Juste un jour avec toi


Jeudi 10 mai 2012 

Sous les lampadaires de l'éclairage public, l'enfant noir de Madagascar apprenait à lire, me dit une amie, autrefois institutrice dans la grande île.
Aujourd'hui, dans nos grandes villes, sous les lampadaires on apprend à mourir. Si le temps se montre clément, la leçon est longue ..., longue ...
Alors à l'aube, devant les boulangeries, on s'en va sagement réciter un poème maudit.
Un jour de plus
Jusqu'à ma dernière heure
Juste un jour de trop



Vendredi 11 mai 2012 

Autour d'un halo de lumière des insectes croient à la révélation divine du jour. Ils tourbillonnent autour de cette île déserte, dans l'attente d'un signe. Dans l'ombre rauque, une déléguée du plaisir agite ses charmes. Là aussi, des bêtes s'impatientent. Chacun leur tour, ils s'échinent sur la peau exotique plus pâle que les draps d'un lit.
Souviens-toi, tout ce qui brille n'est pas lumière et lorsque tu redescends de cette chambre, plus léger de quelques billets, et plus lourd encore de ta solitude, de cet inutile ballet d'élytres.



Samedi 12 mai 2012 

Alors je plonge dans le vide. Froissement des idées sur ma peau. Rien n'est clair. Un labyrinthe de courbes où je rebondis comme l'écho. Plus la vitesse est grande, plus je me sens immobile, enfin ce qui m'entoure est immobile.
Je ne suis pas seul. Tout autour de moi, des corps tombent. À la même vitesse que la mienne. Enfin tout se stabilise, nous tournoyons ... autour d'un lampadaire.
Puis rien, que ce trop plein de mots qui déborde, que ce phare qui clignote, et la mer, au loin, mouvante promesse qui mange mes angoisses. Et je chante la mélopée verte et bleue, la frise blanche sur la vague et le reflet de tes yeux où je m'enfouis.



Dimanche 13 mai 2012 

À qui s'adresser si ce n'est à soi même. Mais notre parole s'use. Alors écouter le chant qui enfle notre poitrine, parce que l'air que l'on respire est musique. Dans ce face à face qui pourrait vite tourner au narcissisme, poser ma bouche ouverte sur l'étonnement de l'aube.

La douce buée de la rosée évapore mes doutes ... jusqu'à demain.















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samedi 28 mars 2015

ANNA LOGON - GROS TEMPS








Claude Monet « Mer Agitée » - Étretat 1869





« Gros Temps » 






Après les forces d’équinoxes,

Arrachées au ressac rocher

La mer ravale flots blancs,

Roule galets de marbre gris,

Les va-et-vient s’abyment.

Point de voiles à la gîte

Sur la houle qui s’épanche.

Le temps turbulent s’éclipse,

Le jour se confond à la nuit,

À l’équilibre horizon d'un globe

Écumeux ne tournant plus rond.



Voler le courage du vent,

Empoigner son souffle,

Portant ailes rieuses,

Et s’évader en courants.




Anna - 21 Mars 2015 ©

Cliquez sur le tableau de Claude Monet pour retrouver ce texte sur
 L'Encrier d'Anna Logon








;-)  ;-)  ;-) 

 :*  *



jeudi 26 mars 2015

ELSA/CATHERINE DUTIGNY - CARNETS SECRETS - SUITE 40







Ambiance comptoir


Suite 40





Le cantonnier était troublé. Il lui fallait des précisions. Sur le point de questionner l’Augustin, il fut devancé par le garde champêtre qui contenait avec difficulté sa colère.


- Figure-toi que je connais notre maire depuis aussi longtemps que toi. Et tout ce que tu viens de déballer devant nous, n’engage que ta parole dont je ne donne pas cher. Quand cesseras-tu d’inventer des histoires pour le seul plaisir de te faire mousser et de répandre ta bile sur les autres, au lieu de faire ton propre examen de conscience ? À ce petit jeu, chacun ici présent pourrait en faire de même et évoquer un passé, le tien, qui n’est pas franchement glorieux. Si je me tais, c’est par égard pour Odette, une brave femme, qui ne mérite vraiment pas de t’avoir comme époux. Laisse Blandin à sa douleur, fous-lui la paix… Quant à ton fils, sans doute est-ce lui qui est dans le sens de l’Histoire. Cette guerre d’Algérie va finir tôt ou tard et renier un enfant, c’est tout sauf une chose dont on peut se vanter et être fier. Finalement, je te plains Augustin… tant de haine accumulée, ça doit sérieusement te ravager de l’intérieur. D’ailleurs t’as plutôt mauvaise mine ces temps-ci… tu ferais bien de te faire soigner… enfin, c’est pas mes oignons...

Il but d’un trait le ballon de rouge resservi par l’Augustin, s’essuya la moustache du revers de la main, puis jeta quelques pièces de nouveaux francs sur le comptoir d’un geste tellement rageur qu’elles glissèrent et tombèrent de l’autre côté du bar.



- J’attends pas la monnaie… j’ai des poules à nourrir…

Puis, se retournant vers Jules :

- Tu m’accompagnes jusque chez le père Baillou ? On ne sera pas trop de deux pour s’occuper de sa volaille…

Jules qui n’avait encore rien consommé hésita à lui répondre, mais il en voulait trop à l’Augustin pour s’attarder plus longtemps. Après la rodomontade du garde champêtre, les chances étaient minces d’obtenir du bistrotier plus de détails. Il huma le parfum des sanciaux, jeta un regard attendri sur l’Odette et rejoignit Anatole sur le pas de la porte. Avant de quitter les lieux, le cantonnier qui rêvait de prendre sa revanche et de clouer le bec à l’Augustin ne put s’empêcher de l’informer de la visite de la Marthe et de son frère chez le notaire. Il avait à l’esprit les imprécations de la grande endeuillée et se souvenait du litige qui les avait opposés pour le bout de terrain qui longeait le Portefeuille. La phrase fit mouche. Le visage d’Augustin vira au blanc de céruse. Il s’accrocha au comptoir et leur intima de foutre le camp en dépit des protestations des joueurs de tarot qui commençaient, eux aussi, à ne plus supporter l’ambiance du bar. Les deux hommes partirent en faisant claquer la porte. À peine avaient-ils marché une dizaine de mètres que la voix de la patronne retentit dans leur dos.

- Attendez, attendez ! criait-elle.

Ils s’arrêtèrent et la laissèrent les rattraper.



- Tiens Jules, c’est pour toi et pour la petite Charlotte…

Elle tendit au cantonnier une assiette recouverte du chiffon qui avait servi à essuyer ses larmes. Deux grosses crêpes aux pommes y tiédissaient sereinement. Jules l’embrassa sur les deux joues et sortit de la poche de son manteau un porte-monnaie.

- Non, Jules, c’est cadeau… Tu diras à la petite que je pense bien à elle… et toi, Anatole, il ne faut pas trop en vouloir à mon homme… Il n’a jamais été très facile à vivre, mais depuis des semaines c’est devenu l’enfer. En réalité cela a commencé bien avant le retour du gamin d’Algérie. C’est un matin… il s’est réveillé de très mauvaise humeur… un vrai fou…. Je crois qu’il avait fait un cauchemar… j’ai pas tout compris… Il parlait de toits, de fumées, de spectres… Il délirait et depuis, il ne se passe pas un jour sans qu’il ne pique une colère. Lui, qui avait un appétit d’ogre, ne mange presque plus rien. Je le vois se détruire à petit feu et ce n’est pas l’alcool qu’il boit qui va le remettre en forme. J’ai peur, Anatole, j’ai peur… Qu’est-ce que je vais devenir s’il lui arrive quelque chose ? Et le gamin dont je n’ai pas de nouvelles…



Elle se remit à sangloter et enfouit sa tête dans le tablier d’un bleu délavé par d’incessants lavages à l’eau de Javel. Son chagrin émut le cœur des deux hommes qui ne savaient quoi dire ou quoi faire pour la consoler. Ils restèrent figés, attendant qu’elle se calme. Le soleil vainqueur de la pluie hivernale faisait briller les feuilles mouillées d’une haie de jeunes lauriers plantés en bordure du bar. Une légère fragrance de chlorophylle s’en échappait. À quelques mètres de là, le chant d’une grive musicienne venue se réfugier dans un sureau pour y grappiller quelques baies épargnées par les récents gels, frissonna dans les airs. La chiqueuse, occupée à se remplir le gésier, portait une attention distraite au petit groupe d’humains. La nature se désintéressait de leur détresse. Fussent ce parfum d’innocence et la chaleur d’un rayon de soleil perdu dans sa chevelure, ou le son clair des phrases musicales lancées par l’oiseau qui adoucirent la peine d’Odette ? Elle releva la tête et sourit aux deux grands couillons qui se dandinaient à présent d’un pied sur l’autre.



- Allez, filez… vous avez mieux à faire qu’à regarder une pauvre gourde pleurer comme une Madeleine. Filez, je vous dis…

Elle s’éclipsa tout en simplicité et discrétion.Le cantonnier et le garde champêtre la suivirent des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse, petite silhouette fragile avalée par la porte de la gargote. En cheminant vers l’élevage de poules du père Baillou, Jules repensa à la malédiction du coq. L’étau se resserrait. Il écarta ces sombres pensées, puis tenta d’interroger Anatole sur l’appartenance du maire à la franc-maçonnerie.



- Tu ne vas pas croire les racontars de cet ivrogne d’Augustin, quand même ? Et même si c’était vrai, ce n’est pas un crime que je sache… et ça m’étonnerait que Joseph se soit confié à l’Augustin… Faut arrêter avec toutes ces conneries… y’a plus important pour l’instant… Je n’ai rien dit à Odette, car j’ai trop peur qu’elle ne puisse garder un secret, surtout ce genre de secret…



- Quel genre de secret ? questionna Jules dont l’intérêt fut aussitôt éveillé.

- Je sais où se terre son fils, Jean-Pierre… et je vais te mettre dans la confidence étant donné que tu risques de le croiser dans pas bien longtemps. Quand ses parents, enfin, je veux dire son père, l’a chassé de chez lui, il est allé frapper à la porte des Baillou. Il comptait juste y passer une nuit ou deux avant de chercher un endroit plus éloigné pour crécher. Vu qu’il n’avait pas un sou en poche et que le père Baillou c’est un vrai coco dur de chez dur et un anticolonialiste forcené, quand le gamin leur a raconté son histoire, ils ont décidé de l’héberger jusqu’à ce qu’il se trouve un petit boulot et puisse se loger. Normalement, c’est lui qui nourrit les poules quand les Baillou vont passer la journée à l’hôpital, mais ce crétin s’est cassé la jambe y’a deux jours en glissant sur des fientes de poules. Rigole pas, je te jure que c’est vrai… Echapper aux tirs des fellagas et se casser la gueule dans une mare de fientes, je vais finir par penser que le gamin est aussi futé que le paternel. Tu gardes ça pour toi, car si l’Augustin l’apprenait ça ferait encore des histoires et tant que la Moune n’est pas tirée d’affaire, je veux protéger ses parents. Tu me promets de ne rien dire ? Je compte sur toi…



Jules n’avait aucune intention de faillir à sa parole. Savoir que le fils d’Augustin vivait à proximité de son abruti de père, suffisait à lui réchauffer le cœur. L’autre qui pensait s’en être débarrassé pour toujours le verrait tôt ou tard déambuler dans le coin. Et ce jour là… un vrai "retour de manivelle"… Jules adorait l’expression qui lui rappelait le titre de son film préféré qu’il avait vu dix fois au Petit Palace, le cinéma du bourg. Pour la suite de son enquête, il lui restait encore une chance… Ce soir, il espérait profiter des connaissances encyclopédiques du docteur Grimaud. Et ce soir, il verrait, à défaut de pouvoir lui parler, Arsène qui commençait bigrement à lui manquer.



à suivre...



©Catherine Dutigny/Elsa, mars 2015
Texte à retrouver sur iPagination


mardi 24 mars 2015

MARCEL FAURE - 0226 à 0230 de La danse des jours et des mots









Vendredi 4 mai 2012 

Lorsque les rues seront tracées par des jardiniers de l’éphémère, le bitume éclaté offrira des saisons insoupçonnées. Le joli mois de mai méritera alors pleinement son adjectif.
Les nombreux "moi" de mai me bousculent. Serais-je aujourd'hui plus volatile que l'air ..., plus papillon que chrysalide ... Avec la grosse artillerie du printemps en bandoulière, je dévore des yeux toutes les nuances du vert. Chacune de mes cellules pétille comme du Champagne.
Passe un ventre resplendissant de promesses. Je souris à l'enfant du futur. D'un léger tremblement il me salue. La maman a porté sa main sur son ventre, ignorant tout de cet improbable dialogue.
C'est dans ce rire futur que renaîtra le soleil d'été.




Samedi 5 mai 2012

Voici que me revient en mémoire l'histoire d'un jardinier dément qui s'était mis en tête de détruire la laideur des villes par les plantes. Alors tous les soirs il plante lianes, ruines de Rome (qui donne son titre au roman) et autres végétaux envahissants. Rien ne doit plus être symétriquement à la botte de Le Notre. Tout se doit à l'exubérance, à la folie créatrice, à la force insensée des "mauvaises herbes". Chacune s'engage dans l'armée secrète du Casse bitume.
On pourrait considérer cet ouvrage de Pierre Senges comme un livre initiatique. Depuis sa parution, nombre de citadins partent à l'assaut de l'espace public pour créer çà et là des jardins provisoires, donner du sens aux innombrables ronds-points, et donner l'exemple en créant de véritables forêts vierges sur leur balcon.
Les troupes sont là, prêtes à bondir au moindre relâchement des employés municipaux. La dame de onze heures comme la belle de nuit viendront bientôt arpenter le trottoir et occuper la rue pour réclamer leur dû.



Dimanche 6 mai 2012 

L'effervescence des élections présidentielles ne me laisse pas indifférent. Je sais la tâche difficile qui attend le nouveau président, à devoir calmer les égoïsmes sans jamais renier notre belle devise.
Le compromis sera son lot quotidien et la puissance de persuasion sa seule arme. Bien peu de choses face aux couteaux qui s'aiguisent déjà.



Lundi 7 mai 2012 

J'essaie d'écrire entre deux orages, entre deux tueries, entre deux catastrophes parce que la vraie vie ne se promène pas sur les pics de terreur et de folie des hommes, mais s'insinue dans chaque faille du bonheur.
Loin de l'événementiel, les milliards de vies jardinées avec amour dans la lumière feutrée et douce des bras de maman et la sécurité de ceux de papa. L'arc en ciel des sourires et la couleur roses des bébés qui remontent aux sources du temps.
Et cette première gorgée d'air, ce cri arraché au néant, ce cri blond et joyeux qui rebondit de génération en génération ... et quoi dire d'autre que je t'aime.



Mardi 8 mai 2012 

Au centre exact de la table ronde un bouquet d'ail des ours. La même fraîcheur blanche que le muguet. La feuille en est plus molle et retombe sur le rebord du vase.
Le soleil a déposé le cadre de la fenêtre tout autour et l'ombre se détache rehaussant le vert sombre sous la dentelle éclatante des pétales. Un insecte sans vergogne se délecte du nectar et s'enfuit par l'interstice ouvert sur l'extérieur.
Et je suis là, assis sans bouger, comme hypnotisé par cette odeur d'ail fraîchement coupée à rêver au sous-bois d'une charmaie chênaie au Bois de la Comté.

Lloydia étonnée de pouvoir encore nommer chaque brin d'herbe dans la langue de Pline l'Ancien, plus copiste que botaniste. Et nos amis méfiants à juste titre de son savoir atrophié mais souvent obligés de s'aligner sur sa proposition.

Il en irait bien évidemment tout autrement dans des milieux qu'elle connaît mal, avec des plantes qu'elle n'a jamais rencontrées.
Au centre exact de mes pensées, Lloydia.
















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0226

0227

0228/229

0230





dimanche 22 mars 2015

JAVA - PROSE OU POÉSIE - QUATRE MAINS CAT & JAVA - 6/6




MISE EN VOIX JAVA











Sixième partie Prose


Madame… Mais vous me faites sourire, Diable, me voilà bien attrapé. Dois-je monter en tribune, Madame, ou même sur un simple tonneau pour vous faire reconnaître comme l’une des nôtres.
Je rêvais, ma douce amie, de vous faire retourner dans vos palais et voilà que vous abandonnez ici vos adjectifs ampoulés ou passés par la censure de je ne sais quel maître en poésie pour prendre du peuple, l’accent des faubourgs.
Je rêvais, je l’avoue de vous faire reconnaitre que c’était bien dans vos salons que l’on se gaussait de nos verbes, ceux-là mêmes que vous revendiquez maintenant.
Oyez, faites le savoir à vos armées, la poésie rimée se met au service de tous.  Le mot au service de l’image et de l’idée, je veux être le témoin  de ces changements. Je ne doute pas Madame de la franchise de vos propos et si vous saviez comme mon cœur se réjouit à vous lire. Mais saurais-je oublier les récitations creuses et vides que des instituteurs aussi formatés que vos poésies rimées m’ont imposées comme symbole d’excellence de la  langue française ?
Madame, le ver est dans le fruit.
Pour des rimes, on fait pour le beau, pas pour l’esprit.
Vous me poussez sur les terres de la culpabilité où je ne vois qu’épines et roches anguleuses, un territoire enlevé aux hommes où souffle un vent mauvais et putride où le ciel n’est fait que de voiles opaques et sales et où sont inscrits au sang leurs pires agissements. Est-ce donc de là madame que je dois vous répondre ? Dois je pousser ma voix jusqu’à vous restée sur les terres de la compréhension ?
Vous raccourcir, Madame ? Vous l’êtes déjà suffisamment dans votre nombre de mots, je ne mettrais point votre perruque et votre tête sur le billot, la poésie n’en possède point. Si je ris, souffrez que je m’offusque également de vos propos. Le bourreau exécute la sentence. La trace de celle-ci, Madame, je ne l’ai pas vue, pas plus les minutes d’un procès. Imaginez-vous que je ferais de ce banc où nous nous entretenons, une salle de justice ? Madame, de nos mots sont sortis l’abolition de l’esclavage et en des temps moins anciens celui de la peine de mort. Oui je sais Victor Hugo, en rimes, avait déjà fait souffler un vent de révolte sur cette dernière, sous son texte « l’échafaud » et je lui rends ici cet hommage…
Jusqu’à il y a peu, Madame,
vos rimes occupaient palais épiscopaux,
maisons de maîtres.
Mais jamais vos poètes de salon
ne s’étaient attardés sur le sinistre couperet.
Mais brisons-la, Madame,
la révolution n’en abolit point,
je le sais,
le sinistre usage.
Mon propos, vous auriez tort de le croire, ne porte pas sur vos origines, appelons un chat un chat, madame, les rimes m’ennuient pour la plupart.
J’ai beau me sermonner,
rien n’y fait,
j’ai beau me pincer,
je m’endors.
Pourtant je l’avoue quelques-unes me rappellent parfois un caramel savoureux et volé ou une maitresse exquise, mais au final la plupart du temps, le goût n’est guère délectable et la caresse est légère. En tous cas mon bonheur est éphémère. C’est me direz-vous ce qui en fait sa caractéristique, mais j’ai besoin de plus de quatre lignes  et de rimes pour me rappeler le goût de la friandise et les courbes de la belle coquine.
Vous avez raison, les poètes de tout temps se sont emparés de vos effets, mais ils ne s’en servaient pour certains, que pour être entendu de leurs maîtres. Pour n’être point traités de « populace », ils s’habillaient alors de rimes pour passer les murs de vos prisons, mais ce n’étaient là qu’habits, Madame, que vos siècles imposaient, ce n’étaient là qu’attributs pour que la parole soit entendue. Débarrassée de ceux-ci, la belle s’est envolée et si on l’emprisonne encore, c’est pour sa liberté car celle-ci a rompu ses chaines quand elle le peut.  
Mais je vous l’avais promis, Madame, si gagné à votre cause ne suis, ne voyez pas en moi un ennemi. Nous avons en quelques phrases choisies, défendu chacune nos positions. Et ne puis que me rendre à l’évidence, si les deux sont faits du mot, c’est la main qui tient la plume qui fait la différence en poésie rimée comme en prose.
Ne voyez pas en moi le glaive implacable, car juste le mot, j’ai du mal à l’écrire.
J’aime la poésie, Madame, n’en doutez point.
J’aime voir le soleil se lever sur la nuque d’une femme,
sur ses cheveux détachés,
m’éblouir des rayons de ce dernier sur sa peau cuivrée,
de leur course jusqu’aux carreaux de la fenêtre de la maison voisine où un chat endormi sur son rebord rêve de la souris sous sa griffe.
J’aime ces petits voyages où les mots m’emmènent, j’aime ces rivages inconnus où ils me laissent, empli de rêves ou de solitudes, de peines ou de gaieté, à chercher dans mon âme leur résonnance qui leur donnera encore plus d’existence et de vacuité. Si ces paysages foulés sont de rimes faites j’y courrais de bruyère en bruyère sans me demander combien j’ai de pieds pour le faire et si c’est en prose je le ferais aussi et s’il le faut j’y ramperais. J’aime bien voler du temps à l’oubli pour respirer encore des parfums interdits, m’enivrer d’absinthe, rouler dans le fossé et pisser contre la jambe d’un réverbère. 

 Vous voir ici pétrifiée, Madame, même sous le chant des oiseaux m’amènerait un chagrin que je ne supporterais jamais… Nous sommes sœurs du verbe, vous voir mourir serait me voir mourir moi-même. Allez, Madame, je vous avais promis un tripot il est à deux pas de là, allons lever nos verres à la santé des poètes et roter sur ceux qui les oppriment.


Tous droits réservés

Dernier volet de ce quatre mains

Prose ou Poésie



Paré de l'une ou l'autre,



Que le printemps soit !








samedi 21 mars 2015

CAT À STROPHES - PROSE OU POÉSIE - QUATRE MAINS CAT & JAVA - 5/6













Cinquième partie vers

Votre verbe haut m’attriste plus qu’il ne m’indigne !
Pourtant mon blanc poudré rougit aux phrases malignes,
Apprenez Monsieur que j’aime le goût du miel,
Et qu’aux plaisirs je suis souvent statue de sel.

Vous me pensez prisonnière de mes quatrains,
Mais mes gardiens sont aussi bien sizains, dizains.

Barreaux sciés,
Aux libertés,
Je peux jouer,
Et m’évader.

Vous m’obligez par tous vos mots provocateurs,
À mettre à nu ce qui chez moi n’est plus douceurs,
Mais cachez donc votre sourire d’allégresses,
Cette confidence n’est point une confesse.

Si jusqu’ici je me suis tue sur certains faits,
Ce n’était pas pour vous cacher un vieux secret,
Mais par respect pour les valeurs de mes aînés,
Qu’à ma naissance ils m’ont offert en doux baiser.

Vous bousculez ma tête dans le même panier,
Que cette bourgeoisie poudrée d’églises sacrées,
Mais mon encre est noire comme celle des « prosiens »,
Et s’active au rouge du sang des citoyens.

Vous n’êtes qu’un bourreau, vous condamnez mes rimes,
Pour vous, compter ses pieds est cordonnier du crime,
Mais avez-vous pensé que soulier bien chaussé,
Peut voyager plus loin que vos pieds nus blessés ?

J’ai brandi mots sur l’étendard révolutionnaire,
Et même rendu gorge sur les livres de prières,
Sur l’échafaud des mots des écrivains passés,
Ma tête perruquée n’a pourtant pas été tranchée.

Je peux comme vous vomir ou bien cracher mes mots,
Sur un comptoir qui pue l’alcool et les mégots,
Et renie point qu’hélas bien trop souvent aussi,
Vous m’y trouvez noyée au fond d’un bon whisky.

Sous les parfums d’une noblesse libertine,
Je suis putain et me régale d’orgies divines,
Les coups de reins de ces messieurs me font grimper,
Jambes écartées au bout d’un ciel de voluptés.

Langues farouches,
Sainte-Nitouche,
Caresses en bouche,
Viens sur ma couche.

Voyez ce sein… outre qu’il a nourri la vie,
Il a donné plaisirs à langues plus hardies,
Et sous ma plume caressante et chatouilleuse,
Bien des cris de jouissances aux verges délicieuses.

À Théophile de Viau délices d’érotisme,
Je dois ma liberté dans le puritanisme,
Une goutte de vin perle sur mon corps de texte,
Pour me droguer aux mots nul besoin de prétexte.

Du fait que vous ayez un jour goûté au sang,
Ne vous rend-il pas aveugle de ces tourments ?
Et la douleur hurlée dans vos vulgarités,
Serait-elle plus entendue que mon cri rimé ?

Nombreux sont mes écrits nés aux mains d’ouvriers,
Et aux ados meurtris leurs maux sur le papier,
S’apaisent en délivrance aux injustices de vie,
S’empêchant de sauter du pont de leur ennui.

Votre « pas de règles » que vous vous complaisez,
À sans cesse m’en chatouiller le bout du nez,
N’est-il pas somme toute une simple obligation,
Que vous vous obligez à suivre sans condition ?

Diantre ! J’en oublierais presque mes bonnes manières,
Me voici honteuse de vous paraitre vulgaire,
Mais après tout, au diable tous ces préjugés,
Ne sommes-nous pas aux portes de l’éternité ?

À bien y réfléchir, mon ami prose, ne sommes-nous pas, par nos différences, quelque peu complémentaires ? Nous agissons comme de parfaits idiots, à nous défendre de nos mots. Vous me parlez de Narcisse. Mais qui était-il vraiment ? Un être fier de sa personne ? Ne le sommes-nous pas nous aussi par notre comportement enfantin. Nous cherchons querelle là où nous devrions rechercher complicité. Je ne vous demande pas de vous renier de vos racines, je réclame juste un peu d’indulgence, et de croire, juste un instant, que nous pouvons pourquoi pas, être de bons amis. À provoquer les foudres du ciel, autant me laisser pétrifier sur le champ, là, sur ce banc, aux doux chants des oiseaux. Mais je ne saurais mourir sans vous avoir poétisé un dernier « je vous aime » d’amitié.


Tous droits réservés

à suivre...







vendredi 20 mars 2015

TippiRod - VISITE À MELENCOLIA









Melencolia 500 - Emecka MK





Viens,
Viens !
Approche-toi, n'aie pas peur !
J'ai fait le plein de solitude, je suis rassasié pour un petit moment de cette nourriture qui, tu le sais m'est indispensable. Mais ne sois pas timide, entre, c'est grand ouvert !

Oh je te sens impressionnée Petite ! Surtout ne le sois pas ! Ne te fie pas à ma grandeur apparente. Justement je suis infiniment petit. Tu vois ce gros bonhomme bien rond, il est le grain de sable que ma vie représente. Oui ! Toute sa bonhommie m'enveloppe, l'érosion des jours en douceurs personnifiée. Et pas que ! Alors viens ! Donne-moi ton œil et laisse-moi te guider pour ne pas que tu trébuches dans tout mon fatras, et raconte-moi, oui, raconte-moi...

Laisse-tout dehors Petite, viens sans rien, juste toi et ton regard naïf...Espiègle... Complice...

Oh je t'ai fait peur, je le vois à ta moue ! Eh bien emporte tout alors, je te fais confiance, je sais que ton imagination saura se débarrasser du superflu !

Hop te voilà ! Ah directement tu choisis la balance ! Coquine ! Il faut que tu te sentes chez toi tout de suite ! Bon et bien, assieds-toi au moins... Le plateau droit, soit ! Je pose un doigt sur le gauche pour maintenir ton équilibre.

Allez, je suis impatient ! Raconte-moi...

Oui ! J'ai des lacets à mes souliers ! Que tu es drôle ! Tu crois vraiment que c'est primordial ! Ah ok je te rappelle ces grosses peluches habillées avec ce genre de chaussures ! Tu vois, c'est l'expression même de ma bonhommie, je suis roudoudou pour toi ! Laisse-toi aller ! Vas-y, vas-y, c'est bien par là que j'aime que tu m'emmènes !

Comment ça trop de choses ! Eh ! Paresseuse ! Allez secoue-toi la plume, enfin !

Ma tête ? Le yin et le yang ? La lune et le soleil...Bleu le soleil, ah bon ! Une tête de canard sur un air de penseur ? Oui !!! Si tu veux !
Un canard coquin ? Un canard qui sait tout qui sait rien ? Un canard heureux, un canard plongeant, un canard gourmand... Bon ! Allez laisse ma tête tranquille et va voir plus loin si j'y suis toujours !

Ah je savais que ça t'intriguerait ! Des armoiries ? Tu crois ? Tu optes pour un bouclier-écusson. Tu vois des serrures, des silhouettes ? Ah ? Je suis préservé et ne laisse entrer les choses, les gens, les informations, qu'avec prudence. Et parfois je mets le bouclier de côté, comme maintenant, pour me laisser ouvert... Vite, faut peut-être qu'on se protège ! Que personne ne vienne interrompre ton chemin ! Ah ce n'est pas grave ? C'est fait pour ? « Interractivité » que tu appelles cela, d'accord.


Un œil ? Encore ! Tu me fais le coup à chaque fois ! Un tube de peinture déguisé en palette, d'accord. Juste du noir et blanc... L'expression pure.
Tu relies tes premiers fils de lecture... La balance, ma figure, cette palette... Le pour le contre, la justice et le doute, la certitude et l'inexpérience infinie...

C'est au tour de la cloche d'accrocher ton imagination. Hé ! Te voilà te balançant à son battant, tes minuscules genoux remontés et agrippés autour de lui ! Attention, tu vas tomber ou bien te cogner de chaque côté de la paroi. Comment ça « Chutt ! » ? Tu entends une musique ? Non ? Quoi « ballot, elle sort de la palette, la musique ! » Un peu de respect dit donc!Te voilà bien cavalière sur ta clochette ! ça te raconte... ça te raconte quoi ? Des secrets ! Des secrets ? Je sais très bien ? Mais non je ne sais pas ! J'ai qu'à savoir ! Eh bien dis donc je ne sais pas si je te réinviterai ! Que j'enlève mon poing de ma joue ? Mais je ne peux pas, j'ai pas fini de penser !

Tu m'énerves ! Pourquoi tu ne me parles pas du temps ? Tu veux faire ta rebelle ? Ne me dis pas que tu n'as pas vu le cadran avec les chiffres romains ? Je suis certain que c'est ce que tu as vu en premier ! Ah ben non je suis bête, je prends la plus grande place ! Je tape à l'oeil dès l'arrivée de mon visiteur ! Tu n'es pas une visiteuse. Tu es ma contemplatrice, tu es ma conteuse de rêves. Tu n'as pas le droit de ne pas voir le temps qui s'écoule tout autour de moi. Tu as tous les droits ? Pff !


Ah noooooon !!! Pas sur les aiguilles, tu vois bien qu'elles sont fragiles! Tu vas les CASSER... TU VAS LES ABIMER...

...Tu vas tomber ! Oui ben tu n'es pas vraie de vraie, tandis que mes aiguilles elles sont réelles et j'y tiens comme à la prunelle de mon œil. Ben oui, on va pas se mentir, je n'ai qu'un œil ! Mais t'inquiètes, c'est le bon ! Ben voyons, t'avais pas remarqué ! Tu crois que le second est caché ? Tu vois la poutre d'une plànète qui s'en échappe ? Pourquoi cet œil de peinture noire et blanche que tu crois deviner ne serait-il pas le mien ? C'est un regard extérieur de moi sur moi. Repose-toi ! Tu t'égares sur des chemins qui ne sont pas les tiens. Ne cherche pas à m'épater, reste-toi, ça me suffit tellement !

Je t'ai vexée. T'es où ?

Reviens !

Partie lire ? Partie lire quoi ? Il y a des livres ici, des fois que ça non plus tu ne l'aurais pas remarqué !



Melencolia -  Albrecht Dürer


T'es déçue ? Faut pas ! Rien ne s'invente vraiment Petite, tout s'interprète, que fais-tu toi en ce moment. Tu me cherches des ailes sur la tête ! Je suis un bon gros grain de sable, je te l'ai dit !

Tu aimes l'automne ! Ça te redonne le sourire ! Te voilà comme j'aime ! Un peu démunie, toujours tendre, naïve, espiègle...

Eh ! Ne t'en va pas, t'as pas fini !

T'as rien vu encore !

Tu reviendras, dis ?

Elle est partie

Dans un sourire par un trou de mes serrures, là derrière, à travers ce qu'elle appelle mon bouclier





Surtout, vous, ne partez pas sans cliquer sur le tableau de Emecka !
Vous y attend tout autre chose. L'univers de l'artiste et son inspiration, quelques citations également du peintre Albrecht Dürer



C'était ma façon de saluer ce printemps nouveau, en célébrant une fois encore le Poète aux pinceaux musiciens.