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dimanche 23 mars 2014

TippiRod - Louyse Larie - Les couleurs Louysent





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Les couleurs sont de jolies bavardes, le saviez-vous ?

Il existe le langage des fleurs et bien je vais vous écrire sur celui des couleurs. La comparaison s'arrête là, car il ne s'agit pas d'un langage d'associations, ni de significations — ce n'est pas un dictionnaire de la palette. C'est le langage à l'état pur, celui qu'on peut entendre avec les yeux, expressif et communicatif.

Aujourd'hui je vais faire Louyser les couleurs, elles vont généreusement s'offrir à moi, je vais écouter leurs confidences et vous faire entrer dans notre danse.

Un tableau de tableaux, complices entre eux, ils m'attendent, impatients et goguenards, déjà joyeux de tout ce que l'on va se raconter.

Je les caresse, leur souris, je réponds en silence à leurs propositions.

Ces tableaux sont très joueurs et prêts à tout, même à être un peu malmenés. Ils sont comme des acteurs enthousiastes et fébriles à la distribution des rôles. C'est bien cela, ils ont une envie folle d'entrer en scène. Ils sont six et entendent bien ne pas faire tapisserie, chacun veut sa part belle des répliques. On n’est pas tableau pour s'effacer, au contraire, chaque nuance de toile doit jaillir et montrer tout ce qu'elle a à montrer bien au-delà de ce que l'on peut imaginer.

Coup de théâtre, il y a un septième acteur. Un fourbe sans visage qui débarque de nulle part. Il serait « le lien ». Les tableaux sont sceptiques, ils en avaient pléthore de liens, ils étaient de la même fratrie; qu'était-il besoin de ce bouffon sans roi ? Les lois de l'imagination sont des forces contre lesquelles il est difficile de lutter, ils choisirent donc de faire bonne toile face à cet intrus de la dernière minute et comptaient bien ne pas se faire voler l'affiche pour autant.

Jan est son nom. Jeune et fougueux marin-pêcheur, il porte dans ses yeux et sa chevelure des tons à faire pâlir tous les envieux. Il est la force élégante de la nature, plus beau qu'un dieu et plus téméraire qu'un lion des mers.


Il a entendu parler du pont, le fameux  ! Ce pont est le poumon de ce récit.







C'est un pont insaisissable, d'humeur extrêmement capricieuse qui se joue des malins, gros ou petits, qui viennent le défier. Il fait trembler de bien des façons, certaines de ses sensations sont très recherchées et leurs captures se vendraient à prix d'or.
La force de ce pont est d'être imprévisible. Il fait couler les sentiments. Aucune météo ne peut prévoir ni ses tempêtes, ni ses douceurs, il est le bien nommé Pont des Frissons.

Bon nombre d'embarcations y sont passées dessous et s'y sont fracassé les coques. Ses humeurs aléatoires sont aussi subites que surprenantes, elles sont aussi ravageuses qu'elles soient colère ou bien amour. Pauvres pêcheurs y ont laissé des lignes, des rames et des hélices.


Mais le Pont des Frissons  n'est pas seul pour agir. Dans ses parois se cachent « les Gémeaux ». Mi-homme, mi-femme, l'un et l'autre, ils sont les éléments surnaturels. De leur souffle, de leurs propres émotions, ils insufflent vents et courants aux flots de cette écluse en fonction du passager et de sa force de caractère. Ils en jouent comme de la pâte à modeler, optant tour à tour pour l'aide ou le handicap. Les Gémeaux gardent en leurs murs, tel un pantin, le jouet qui leur est confié, tout le temps qu'ils en usent et abusent et ne le délivrent qu'une fois lassés, brisé ou au contraire renforcé à jamais.







De ce combat digne des gladiateurs, le marin éberlué n'est pas encore quitte. Il passe en trois remous au jugement dont peu reviennent indemnes. Pas assez en tout cas pour rapporter une vérité sensée. Le passage sous le pont exacerbe les émotions en trop peu de temps pour que le cerveau humain y résiste et les rescapés sont tous entendus comme des fous. Cette espèce de tribunal terminal demeure très énigmatique. Seul le nom « Beau Regard » transpire des interrogatoires, lâché comme deux perles marines sur les lèvres transies des malheureux hagards.

Ce périple est célèbre et fascine les âmes audacieuses. Mais au fil des ères et des déconvenues, les conquérants se raréfient.
Le passage sous le Pont des Frissons n'est pas obligatoire, un détour permet de l'éviter.
Seulement, ce n'est pas sans conséquence, car moins il est usité, plus il est capricieux et plus il aime jouer longtemps avec sa proie du moment qui devient à chaque fois un trophée de choix.

Le Pont des Frissons n'a aucun scrupule, car il est un lieu de délices autant que de malices et surtout on vient de loin pour passer sur sa voute. Il fait le bonheur des touristes et les habitants sont fiers de lui et de ses anecdotes. Lui aussi est très fier, car ils n'ont pas besoin d'en rajouter, il nourrit lui-même les plus belles histoires !

Jan est calme et réfléchi. Fort de son secret, il sait qu'il a de quoi affronter les tumultes du Pont et des Gémeaux. Il a trop envie de défier leur nature et ainsi de rencontrer « Beau Regard », qui ne serait-ce que par son évocation, ne le laisse pas indifférent. Il sent que sa vie va changer là dans quelques poignées de secondes, de minutes peut-être.

À l'entrée du port rose, il traîne un peu de la godille. Il compte sur le bouche-à-oreille pour attirer quelques spectateurs. Il devine qu'il ne passera pas deux fois et veut que son heure soit mémorable.
Il étudie soigneusement les articles sur ce phénomène depuis quatre années, il a refait ce passage des milliers de fois dans ses rêves, sans trêve il a rejoué le même plan. Il est Jan le chevalier à la toison fougueuse.



La foule grossit peu à peu.







Les gens osent à peine comprendre. Ils arrivent presque fébriles, ils savent ce qu'ils vont ressentir. En effet, au passage de Jan, les rives vont frémir et des pluies d'émotions vont venir les envelopper.
Ils en tremblent d'avance, car si elles sont très atténuées lorsqu'elles leur parviennent elles leur laissent imaginer à quelles affres sont soumis les marins courageux. Ils n'en récoltent qu'une rosée et c'est déjà tellement énorme que personne ne laisserait sa place. Le mouvement est régulier, tel, des automates filiformes ils avancent vers les friselis espérés. Certains sont plus frileux, plus craintifs et tout aussi curieux, se rendent sur la grève, moins perméables, ils s'abritent sous des parapluies. Inconscients sont-ils, car ces ondées-là n'ont que faire d'un tissu à baleines fragiles et la foudre des pulsions pourrait au contraire être très attirée par ce manque d'audace.









Les Gémeaux sont en place, heureux comme jamais. Ils font un léger signe en direction de leur sœur aimée, patiente et sereine, elle esquisse un sourire affirmant ainsi qu'elle va assister avec grande attention à ce passage-là.

Floc Floc Floc Floc Floc Floc Floc Floc Floc --------------------- FLOC FLOC FLOC

Le rideau de couleurs s'ouvre lentement, les flots entrent en scène… TABLEAU !

À peine le bout de sa coque entré dans le rose, Jan ressent le doute l'envahir. La foule a un léger mouvement de recul. Puis le ton monte, prune, pourpre, carmin, la peur, l'angoisse, le regret gonflent la poitrine du jeune homme. Les Gémeaux s'attendrissent et envoient une nuance de bleu, Jan voit violet et incertitude, ils soufflent alors de l’orange puis à nouveau du rose, histoire de déstabiliser le jouet ! Jan attrape un paquet de rage et cherche à capter de la mémoire. Il doit se souvenir, puiser dans ses acquis. Le jaune l'envahit, ça y est, il a récupéré son secret ! Il l'amorce et ses cheveux prennent la couleur du feu et de la puissance. Les Gémeaux sont surpris, mais ravis, enfin un adversaire de taille. Ils rétorquent en marron, Jan esquive le découragement et place un bleu royal, il se sent infaillible.
Beau Regard est troublée et admirative. Elle sait qu'il va passer haut la main cette première épreuve, elle l'attend de tout son être pour qu'il passe la sienne haut le cœur.

Les Gémeaux ne se montrent ni trop cruels ni trop gentils, car ils veulent amener à leur sœur un prétendant digne d'elle. Et il l'est le bougre, il se bat comme un caméléon à la toison éclatante.
Il a de la réplique et les spectateurs en voient de toutes les couleurs. Rumeur, calomnie et curiosité, les grisailles, les beiges sans saveurs, éclaboussent les parapluies, que font-ils encore dessous au lieu de profiter des bénéfices de ces pépites irisées ! La foule courageuse, la vraie, l'impliquée la généreuse, sait goûter les saveurs des perles de bonheur, de partage, de confiance, de simplicité, de soif d'apprendre, tous les trémolos aux tons chaleureux et francs.

Les ondes frissonnent et la joie inonde alentour, les Gémeaux sont aux anges et Jan est un héros ; la foule est en liesse et dégouline de bons sentiments faisant la nique aux parapluies assis dans la morosité, piétinés sans plus la moindre petite pâleur à l'horizon, plus dilué, tu meurs !

Étourdi et valeureux, Jan descend sur le sable et n'entend plus qu'un seul bruit. Un chant mélodieux presque imperceptible. Ses cheveux se sont apaisés, ils ont une douce couleur de caramel aux différents parfums, ce qui en fait un nouveau spectacle délicieux.

Ses pieds s'enfoncent dans le sable humide, la mer s'est fraichement retirée ; il entend encore les bulles minuscules des coquillages éclater à la surface. Quelques froissements de sable ont absorbé les couleurs échangées sous le Pont de Frissons. Quel bonheur !








Des craquements de bois, des sons de grelots au tintements feutrés, ce sont les barques qui murmurent, ici reposées et lascives.
Elle est là, portant si bien son nom, tant son regard est velours, mystère, trouble et attirance.

— Beau Regard ...

Il ne pouvait espérer plus jolie récompense que cette magnifique rencontre.

Il se laisserait engloutir dans le profond de ses yeux, à jamais...

Les Gémeaux, observaient la scène. Contrairement à la foule qui n'était plus invitée à ce spectacle et croyait Jan disparu comme tant d'autres avant lui. Peut-être existait-il une sirène des barques qui rendaient les hommes fous ou bien les gardaient pour elle, nul ne savait.
Les premiers étaient trop incohérents et les seconds n'étaient de toute façon ni pleurés ni réclamés par personne.

Les badauds rentraient donc chez eux, en ayant pris plein les mirettes, c'est vrai, mais tout de même bredouilles de la clé du mystère du Pont des Frissons. Enfin, aujourd'hui ils en avaient eu pour leur gratuit ! Ils étaient passés par toutes les teintes et c'était tellement bon. Un jour assurément, il faudrait faire le grand bond et se jeter soi-même à l'eau, passer sous le Pont et ressentir ces fameux frissons autrement que par procuration !









Beau Regard n'est pas une sirène, non plus une ensorceleuse. Jan doit trouver assez d'émotions en lui, maintenant qu'il a su si vaillamment les affronter pour comprendre et découvrir quel est ce mystère.
Le visage de la femme est illuminé par quelques touches de sable d'or. Ses expressions sont multiples et sont aussi puissantes que les courants soufflés par les Gémeaux. Elle est nourrie des reflets des barques dans l'eau étincelante de soleil. Ils sont des pierres précieuses qui brillent dans ses pupilles et sont des discours silencieux qui en disent pourtant si long.

Jan ressent les questions posées par Beau Regard et ses reflets changeants, mais il ne trouve pas comment y répondre. Chaque paillette de ce kaléidoscope vivant le fait vibrer et l'entraine sur des vagues de désir, de confidence, d'amour et de fusion qui le bouleversent et le traversent en tous ses sens. Il est voluptueusement, délicieusement conquis, acquis, éperdu
Peut-on mourir d'amour pour d'aussi beaux yeux ? Est-ce cela le mystère ?

Tout à coup, Beau Regard passe ses mains dans les cheveux de caramel, elle secoue légèrement les boucles; comme une émulsion, quelques couleurs jaillissent … dans les yeux de Jan.
Beau Regard vient de lui offrir le langage des couleurs.

De leurs yeux un dialogue effréné s'établit. Entre leurs deux corps en émoi apparaît un faisceau ; tel un arc-en-ciel de couleurs complémentaires aux nuances sans cesse en mouvement. Ils ont lié par cette communication irisée l'eau à la terre, le lion des mers à la reine des sables.

Les Gémeaux applaudissent et les sons éclatent en de multiples étincelles orange, jaune, vert, bleu, imagination, opaline, émoi, corail, rêve...

Jan se relève en portant Beau Regard allongée dans ses bras, il la dépose avec amour et précautions dans son embarcation où l'on peut lire Eos incrusté en lettres d'or sur la coque bleu roi. Tous les deux, chose impensable et inédite, remontent le Pont des Frissons dans l'autre sens, celui du large... La fenêtre de l'univers. 

Les Gémeaux font un tapis d'eaux aux couleurs sucrées et parfumées, et voient avec bonheur s'éloigner ce couple aux cheveux et aux yeux couleur Louyse, le gage d'un amour intemporel aux essences d'aquarelles émotionnelles... et de caractère !

Ils vécurent heureux et firent naitre beaucoup de couleurs...





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 Merci à Louyse Larie artiste-peintre sculpteur et auteur, avec toute mon amitié et grand plaisir, j'ai répondu à son invitation dans les annonces du mois de juin d'iPagination



A propos d'un thème d'atelier de mai ! Avis aux Ipaginauteurs, dans le cas où l'un d'entre vous souhaiterait utiliser une de mes toiles publiées dans mon espace, dans le cadre de l'atelier de la semaine en cours " Muses et Musées", c'est avec grand plaisir que ma porte vous est ouverte , il vous suffira de piocher à votre guise .... Louyse Larie




Veuillez trouver ci-dessous les liens de chacune de ses œuvres joliment vêtues de ses propres mots.

Dans l'ordre de la parution des tableaux de Louyse Larie dans mon récit :



Le Pont


Ceux que j'ai appelé les Gémeaux

Puis ma foule

Mes curieux sous parapluies !

Les barques sont un tableau choisi en image de la fenêtre de Louyse Larie sur Facebook où elle est identifiée de la même manière.

Et enfin sa Muse, que j'aime nommer Beau Regard



Les aimant tous, j'ai eu très envie de leur créer une histoire.

Grand merci à Louyse de me l'avoir permis et...

D'avoir répondu à mon invitation de remplacer le masque de terre qu'elle avait façonné pour mon acteur sans visage

en croquant elle-même figure à Jan,  en dix minutes... stylo bille noir et chrono en main ! 

Hum ! Un beau ténébreux ce Jan ! Vous n'avez plus qu'à lui imaginer la chevelure aux foudres du pont !





Texte protégé et déposé
sur iPagination




D'autres iPaginateurs figurant dans ce tableau
ici
ont écrit leur histoire sur les tableaux de Louyse,
mais  aussi un récit  reliant des toiles de Emecka 
et d'autres peintres encore...



4 commentaires:

  1. C'est du pur délice que celui de me replonger dans l'écoute de ce magnifique conte que tu m'as offert un matin d'enchantement et le voir sous forme de vidéo m'ouvre de nouvellesfenêtres.....
    .
    Que voilà une excellente idée que celle d'avoir mis en images flottantes mes tableaux et mon masque de terre car chacun d'entre eux embelli par tes multiples détails, tout aussi colorés les uns que les autres que tu déploies avec une touche de magie leur donne une autre dimension...

    Grand merci, ma chère TipEos pour ce très beau cadeau que je ne me lasse pas d'écouter et longue vie à ton superbe sit qui dévoile de bien jolies textes agrémentés de ta voix particulièrement suave.......

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    1. C'est moi cher Beau Regard qui te remercie de l’œil indulgent que tu poses sur ce montage qui 'a pas la qualité de son que j'aurais espéré. E tout cas c'est toujours un grand plaisir de voir combien tu as apprécié mon initiative.

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    2. C'est moi qui te remercie cher Beau Regard de l’œil indulgent que tu poses sur mon montage dont le son est nettement moins bon que ce que j'aurais espéré. E tout cas c'est toujours avec grand plaisir que je reçois ton accueil à mes initiatives. Merci Louyse.

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  2. Oui tu es une magicienne, multi-facettes ! J'imagine le bonheur de Louyse en découvrant ton superbe récit dont le fil conducteur sont ses merveilleuses toiles !! Tu nous narres ton histoire avec grand brio ! Merciiii ma Magicienne !

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