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mardi 12 mai 2015

MARCEL FAURE - 0261 à 0265 de La danse des jours et des mots







Vendredi 8 juin 2012 

Alors, avant tout était en noir et blanc, nos yeux devaient être bien tristes. Mélina, pensive sur une photo en noir et blanc, s'imagine une vie sans couleurs. Comment expliquer toutes les nuances du gris ?
Derrière cet étonnement, ta question revêt une pointe d'angoisse, comme si l'on pouvait revenir en arrière et qu'un jour, toi aussi, tu ne verrais plus qu'au travers de ces deux extrêmes de notre palette visuelle.
Oui, poussinette, un jour nous reviendrons en arrière puisque nous cassons tout et que nous vivons à crédit sur les ressources naturelles. Mais rassure- toi, dans le brouillard permanent de la pollution, les couleurs seront toujours là. Il y a des choses que, malgré notre acharnement, nous ne détruirons jamais.



Samedi 9 juin 2012 

La couleur est là, dans la lumière, dessinée par l’ombre qui l’encadre. Une brassée d’éclats d’or sur des fenêtres, fermées. Dans l’obscurité absolue, l’innommable se cache. Dans l’ombre s’enfouissent les amours interdites. Dans la lumière, il ne se passe rien. Plus rien. Tout est trop visible, repérable. Surtout pas de vague, pas de plage, pas d’air. Ici l’on ne vit pas, Monsieur, on survit en attendant la nuit. Et c’est déjà beaucoup.
La nuit tombée, l’ombre est totale, le noir absolu, une première patrouille part en reconnaissance, presque timidement. Des fois que la lumière nous jouerait des tours, se cacherait un court instant derrière la lune. Mais non, feu le jour abandonne la rue. Et ça s’électrise. Et ça scintille. Voici que de l’ombre jaillit la civilisation. S’ouvrent les fenêtres, s’interpellent des voix. Des regards se dessillent. On rassemble quelques voitures pour un grand brasero. Odeurs de merguez et de frites. Raï, rap ou valse, on danse, on s’amuse, vite, vite avant que l’aube ne nous surprenne et ne jette ses premiers traits mortels.
Déjà les guetteurs crient les premiers avertissements. D’abord sans se hâter puis de plus en plus vite, la foule se précipite vers les couloirs, vers la sécurité. Les rayons assassins frappent en premier le haut des immeubles. Vite, vite, se ferment les volets sur les fenêtres closes hermétiquement. Plus un pouce de peau ne doit être exposé. L’astre, dieu déchu, s’élance à l’assaut de la terre qui a perdu sa couche d’ozone.
Deux traits noirs soulignent l’éclatant désastre de la vie, condamnée à la nuit. Dans la clarté, nos vieux rêves esseulés s’ennuient. Dans l'album de vieilles photos couleurs, synthèse d’une Babel morte. J’entends le jour qui pleure dans les rues désertées.



Dimanche 10 juin 2012 

Le désir ... Comme un bourgeon jamais rassasié ... Une puissante émotion printanière, même en plein hiver ... Bouillonnement qui balaye la réalité ... la raison ... Quelle raison ?
Je suis profondément humain et déraisonnable et si mon corps bien sagement assis, offre l'illusion d'un grand calme, dans mon crâne, quelle tempête !
Non pas l'envie, le désir ... immense, inexplicable ... Inexpliqué. Comme un cheval qui soudain s'élance au galop. Sentir ses muscles jouer, ouvrir à fond la vanne des poumons ... L'air dehors, dedans, partout. L'heure vient caresser mes tempes ... Et le monde à refaire.
Alors je ris de ce qui coule en moi, de ce qui me confond avec ma terre ... et me satisfaire de la menue monnaie de quelques secondes.



Lundi 11 juin 2012 

Au-dessus des nuages, bien au-dessus des nuages, planent des rêveurs au long cours. Bien enracinés dans la terre nous espérons les voir passer, mais nous n'avons pas la patience des tournesols. Toute la journée, ils tendent leur cou vers le soleil. Voici que le regard du rêveur s’attache un instant à eux. De longs filaments de mots s’échappent, tissent une puissante trame. Et recommence la lente migration quotidienne de la lourde tête brune, auréolée d’or.
Au-dessus des nuages, bien au-dessus, un rêveur bien rodé, propose avec humour et douceur, un chevalet, quelques pinceaux et des couleurs.
Avant de peindre, l'homme s'interroge sur ce mouvement immuable de la plante. Avec patience, avec passion, s'élabore un dialogue de gestes. Quel instant saisir. Juste à l'aube où la tige redresse le buste, plein midi, plein soleil et l'ombre écrasée et brûlante, où ( ? ) le soir alors que le cou se tend vers les dernières lueurs.
L'homme empli d'incertitudes et fatigué de chaleur, plie le chevalet, rassemble les pinceaux et dans un grand soupir, s'en va. Sous son bras, une toile vierge.
Avec un grand sourire, là-haut dans le ciel, Van Gogh s'endort.



Mardi 12 juin 2012 

Ici, tout est en place. La colline verdoyante, le soleil par-dessus, l'appartement sans luxe mais confortable et la fenêtre ouverte sur la canopée qui masque les immeubles proches, la fraîcheur matinale qui nous rend plus léger.
Le présent debout, calibre une douce journée. Et je suis, dans mon habit de terre, à labourer mon cœur et le tien. Notre vieux désir de l'autre craque un peu mais n'a rien perdu de son sel. En tutoyant ta langue, j'élargis la fente du bonheur.















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