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Samedi 21 janvier 2012
Que
dire de cette rose qui ne veut pas mourir sur le rebord de la
fenêtre... offerte avant Noël elle semble figée dans une posture
rigide avec ses feuilles vert sombre repliées sur la tige. Elle se
rapproche plus d'une imitation plastique, que d'une rose séchée
comme il se doit, et qui aurait gardé tout son charme.
Contrairement
à l'avis de la notice, Lloydia prenant pitié de cette beauté
froide, a décidé de lui donner de l'eau. Rien ne s'est passé.
Toujours élégamment distante et impersonnelle notre rose, sauf...
L'eau
a pris une belle couleur d'un vert profond, comme si toute la
chlorophylle s'échappait de ce cadavre exquis. L'opération
renouvelée plusieurs fois donne plus de légèreté à ce vert.
Quels monstrueux traitements as-tu donc subis pour te contraindre à
ce sublime coma.
À
te voir ainsi, morte et vivante dans cette posture où tes pétales
blancs ressemblent à la peau d'un cadavre, mais dessinent aussi
l'arabesque épanouie d'un bouton à maturité, j'hésite entre
colère et pitié. Colère contre toute la pollution que tu
représentes et la maltraitance des ouvriers qui t'ont torturée
ainsi et pitié pour ce que tu es devenue, éternel symbole que le
merchandising a réduit en objet.
Dimanche 22 janvier 2012
Lloydia
a ratiboisé la tige de notre rose à une courte encablure du
capitule ne laissant qu'une paire de feuilles. Puis, avec des fanes
de céleri, elle a construit dans un minuscule pot en grès, un écrin
échevelé dont le vert éclatant souligne maintenant le bouton
floral. Ainsi parée, sa beauté souligne d'un sourire le jour triste
et brumeux.
Les
fleurs s'ennuient de toi mon amour, et lorsque tu les touches, elles
explosent de bonheur et de grâce. Un coup de vaporisateur, et voici
notre rose toute salivante de rosée, rien que pour tes yeux aux
cent mille pétales.
Lundi 23 janvier 2012
—
Je voudrais monter dans le cheval.
—
Ma petite grabotte, tu veux ouvrir le ventre du cheval ? Ça va lui
faire mal !
—
Non, faire comme le Monsieur.
—
Alors tu veux dire monter sur le cheval ou faire du cheval.
—
N'empêche, moi je voudrais bien monter dans le cheval,
s'entête-t-elle têtue.
—
Sur le cheval.
—
Sur le cheval concède-t-elle enfin.
Je crois que je n'ai pas fini de ramer avec ce cheval. Et que dire de
ces chevals, pardon, ces chevaux. Dans le manège, ils tournent sans
fin, dociles aux ordres de leurs cavaliers. Ces derniers font
travailler leur monture qui, paraît-il, apprécie l'exercice. Moi je
n'en sais rien, je n'ai jamais appris la langue chevaline. J'y
viendrai plus tard, quand j'en aurai fini avec les subtilités de
notre vocabulaire.
Mardi 24 janvier 2012
Je
n'ai pas de domicile fixe. Je vagabonde de poème en poème. Je
m'arrête dans l'échancrure d'une page. Jeux de la séduction. Plus
avant, un paysage me happe. Feuilles mortes – automne roux – à
l'angle d'une maison surgit le rire d'un enfant.
Ailleurs,
des drames, des guerres. Le mur d'en face est gris. La désespérance
m'assiège.
Dans
le jardin, des cosmos confient leur descendance à la brise. Un
oiseau s'envole. L'enfant court, éparpillant son rire dans les
allées, gagne les champs où la terre se repose.
Je
relève la tête. Le mur d'en face a disparu. Ce soir, je dormirai
dans les étoiles.
Mercredi 25 janvier 2012
Nat
au téléphone, de grands silences, elle attend qu'on l'interroge,
répond brièvement, je perds mes moyens. Lloydia s'en sort mieux.
Nat est en forme, se débat pour faire isoler son toit et envisage de
ne travailler qu'à 80 % refusant de travailler plus, pour payer plus
d'impôts.
Il
est parfois difficile d'expliquer pourquoi nous partageons l'amitié
avec certaines personnes, un peu comme en amour, le courant passe et
même les plus grosses tempêtes n'arrivent pas à couper le contact.
Des
points communs, bien sûr, la botanique évidemment et peut-être
notre première rencontre dans les Pyrénées.
Nous
participions, avec d'autres, à des journées autour des fleurs
organisées par une grosse association du sud-ouest. Elle ne
connaissait personne; nous très peu. Souvent nous avons cheminé
ensemble, échangeant nos connaissances.
Vint
l'instant de la séparation. Nat complètement affolée se précipite
vers nous. Elle avait perdu ses clés de voiture. Les quelques
personnes encore présentes se mobilisent pour trouver une solution.
Dans le village pas de garage. On s'improvise cambrioleur pour forcer
la portière. Rien.
—
Tes clés... Tu es sûre ?
—
Oui, j'ai fouillé partout.
—
Ton sac à dos ?
—
Oui aussi.
—
Tu permets ?
Je
vide complètement le sac à dos sur le sol, les clés étaient là,
tombant par terre avec le reste. Depuis, nos deux portes sont
toujours ouvertes l'un pour l'autre.
Nat,
pourquoi donc sommes nous amis ? Une histoire de circonstances ? Pas
seulement. Toujours très attentive aux gens qui t'entourent, ta
présence discrète mais efficace, ta curiosité toujours en éveil
pour la nature... quelques raisons en vrac, et ton sourire en prime.
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