Dimanche 3 juin 2012
Comment trouver la bonne distance ? Si je m'avance ... je m'avance
toujours trop, je sors du bois, je me découvre, après ... j'ai mal.
Si je me recule, je ne peux plus atteindre ... plus personne ne
comprend mon travail. Si j'évite, si j'esquive, si j'élude ... où
est mon travail. Si je transpose, si je métamorphose, si j'imagine,
si je sublime ... je perds le fil. Me voici dans un univers que je
n'avais pas choisi, une forme qui m'échappe. Rester immobile, à
cette place attendre ... jusqu'à ne plus pouvoir résister. Etre
propulsé sur la matière, aspiré jusqu'à m'y fondre.
Ignorer toutes les études préalables, occulter toutes les portes du
cerveau, oublier les influences et se confier à la mémoire des
mains. Alors dans la glaise, ton corps prend forme, celui que je
n'avais pas su voir, celui que dans la nuit, sous les draps, mes
mains connaissaient si bien. Tu te crées au delà du réel, dans ta
totalité. Si je te prends à bras le corps, je n'avance pas, je ne
recule pas, je vis. Et tout devient facile à exprimer.
Lundi 4 juin 2012
Entre deux rails de chemin de fer, toujours la même distance.
Toujours le même sens, l'improbable rencontre, monotonie jusqu'au
prochain aiguillage. Et là, l'impossible qui se produit. Voici qu'un
nœud ferroviaire provoque les rencontres.
Avant cette invitation à voyager, dans ce compartiment, nous étions
si méticuleusement parallèles. Nous avions beau du coin de l'œil,
tenter des diagonales, des perpendiculaires, des obliques, rien.
Chacun avançait de son coté, très proche mais intouchable. Nous
nous connaissions pourtant presque tous mais sans vraiment prêter
attention les uns aux autres. Soudain l'un d'entre nous fait un léger
malaise. Alors nous faisons front, nous nous tendons des perches,
nous lançons des traverses entre les rails.
Si
un théorème affirme que des droites parallèles ne se rencontrent
jamais, il ne tient qu'à la vie pour le faire mentir. La journée a
changé de cap.
Mardi 5 juin 2012
Ce matin, dans la rue, j'ai croisé la Joconde. Elle marchait droit
devant, hautaine, dédaigneuse, et délicieusement transparente. Sa
robe ne cachait rien de ses longues jambes élégantes et fines,
montées sur les ressorts de ses talons. Le soleil soulignait le
galbe de ses hanches. A peine voilés, ses seins tentaient de
s'enfuir de leur harnachement de dentelle. La pulpe de ses lèvres se
confondait avec les fraises des étals du marché.
Elle traînait dans son sillage, toute une horde de freluquets
abondamment crêpés qui promenaient avec eux, toute une acupuncture
de bas étage, saillante à chaque oreille, débordante du menton et
jusqu'au bout de la langue dont ils se servaient malgré tout
bruyamment, pour faire valoir quelques avantages cachés dans leur
fondement. L'un d'eux arborait fièrement sur son bras, le dit
avantage en pleine gloire.
Autrefois, elle aurait de son ombrelle écarté les intrus et un
galant plus subtilement cortiqué, jouant de la rapière, aurait mis
en déroute sa suite mal éduquée. Ce matin, traçant du plus vite
qu'elle pouvait son chemin, elle n'avait de salut que dans la fuite.
C'est vrai qu'elle était belle et que je l'aurais volontiers
contemplé longuement sous le crayon d'un maître du nu et j'aurais
feuilleté avec plaisir les nombreuses esquisses qu'il n'aurait pas
manqué de faire. Mais quelle idée de se promener ainsi, glace
blonde dans son estival cornet, alors que les premières chaleurs
nous invitent à lécher.
Mercredi 6 juin 2012
J’ai
fermé les yeux. J’attendais que remonte à la surface de ma
mémoire le repas de midi, steak frites salade ou la bise quotidienne
échangée avec mes voisins, pour faire face à une nouvelle journée
d'habitudes reconduites. Je forçais les images. Je me les imposais,
comme s’imposait à moi, la faim qui me venait en milieu de journée
ou ces huit heures de labeur, entre deux pointages, cinq jours par
semaine qui ponctuaient ma vie de salarié.
J’ai fermé les yeux. De ces souvenirs, je n’en voulais pas. Je
n’en voulais plus. J’ai poussé la porte du week-end. Celui-ci
s’annonçait bizarre. Peut-être les petits enfants, peut-être
pas. Le temps incertain plongeait ces deux jours dans l’ennui.
J’entendais ricaner des vaches sauvées de l’abattoir par manque
de consommateurs. Jamais, sur un étal, l’étiquetage n’affiche
leur sexe. Combien, pour la funeste occasion, combien d’entre elles
se transmuent en bœuf. Irais-je ce week-end contempler l’herbe
verte et ces doux ruminants. J'étais revenu au temps de la vache
folle et de la peur irraisonnée.
J’ai
fermé les yeux. J’ai vu un prion, agenouillé dans un
confessionnal, pour demander pardon à Creutzfeldt-Jacob. Et un dieu
crucifié, regardait bêtement la connerie humaine, sans réagir.
J’ai
fermé les yeux, toujours à la recherche de ce petit événement
qui pourrait resurgir, là, comme par miracle, sous le regard ébahi
de l’Eternel enveloppé dans sa majuscule. Juste une petite chose à
raconter, qui grossirait sous ma plume inspirée comme … comme
un bœuf. Un petit rien qui, soudain, changerait la face du monde, un
battement d’ailes de papillon … Mais, ceci est une autre
histoire.
J’ai
fermé les yeux. J’étais vachement bien. Et, devant le vide
intersidéral de ma mémoire, je me suis endormi.
Jeudi 7 juin 2012
Surprise
! - vous venez de rendre l'âme. Pas plutôt trépassé, vous voilà
transformé en sangsue. Vous qui étiez non violent et de surcroît
végétarien, vous voila contraint de vous nourrir du sang de vos
amis. Allez, un petit suçon sur le bras de votre fidèle épouse.
Non ? vous n'allez tout de même pas vous laisser mourir de faim. Ah,
ce jeune enfant, comme il a la peau tendre, une belle occasion de
vous faire les dents. Délicieux ! Non ?
Surprise
! - vous venez de rendre l'âme et votre corps tout mou de sangsue
malveillante, siffle comme la vipère que vous êtes devenu.
Saloperie de gamin qui vous a marché sur la queue. Gnac !
L'emportera pas au paradis celui- là.
S'il
vous plait mes amis, rappelez vous un jour que je préfère partir en
fumée et me disperser en poussière. Nous nous éviterons, vous et
moi, bien des désagréments.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire