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Samedi 10 mars 2012
J'espère me
tromper
Sur la mort qui
s'approche
Sur l'ignominie
des hommes
Sur la tempête
annoncée
Sur l'avidité de
mon voisin
Sur l'ombre qui
rôde
En
fait, j'espère me tromper sur beaucoup de choses, mais certainement
pas sur l'espoir gonflé de promesses bourgeonnantes. Regarder toutes
ces convulsions qui tordent la planète, comme le soc d'une charrue
labourant le sol, pour la prochaine moisson.
Et
toute la flottille des oiseaux qui s'abat sur la terre neuve et
fraîche. Déjà, dans les branches, la prochaine couvaison prête à
éclore. Indolence des épouvantails. Au loin, le retour des
colombes. Et danse la tribu joyeuse des enfants. Vite, je remise mes
lamentations. Adieu les jours flasques.
Dimanche 11 mars 2012
Est-ce
une maladie ? Je suis souvent saisi de ce glissement progressif de
l'ombre vers la lumière. Briser une à une toutes mes entraves.
Éviter les pentes savonneuses, les remous qui brouillent mes
sentiments et marcher à visage découvert.
Je
ne suis attendu nulle part. Ma peau frissonne. Mes pores s'ouvrent.
Mes bras se ramifient. Un frémissement et je suis dans ce courant
ténu qui fleurit mon âme. Hors de moi-même, je n'entends plus
rien.
Les
murs de mon bureau s'effondrent. Je suis là-bas dans le sillage de
l'alouette à écouter son chant.
Lundi 12 mars 2012
À
ce stade de mon journal, comment éviter de citer Baudelaire:
"
-
J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas...
les merveilleux nuages!"
Mardi 13 mars 2012
L'intensité
des jours me poursuit. J'entends par là, la densité de la vie, ce
flux impétueux qui palpite dans mes chairs. Mélodie des bruits
quotidiens qui flottent en surface. Et lorsque ce bonheur de vivre
devient trop intense, je lâche des mots comme on lâche du lest.
Cette
volupté existentielle, sans cesse confrontée aux soubresauts de
l'extérieur, pourtant jamais ne se dément, comme une île épargnée
au centre d'un tsunami. Sont-ce mes délires qui me protègent ainsi
? Ou d'être si souvent invisible au milieu d'un groupe.
Dehors,
les feuillus rêvent encore de l'aube, un rêve que viendra briser la
hausse des températures et l'allongement des jours. Dans nos
douillets conforts occidentaux, nous commandons à la lumière comme
à la chaleur. J'ai besoin de cette régularité où je me confine,
comme j'ai besoin de l'exubérance et des extrêmes.
Je
me sens tortueusement simple, toujours bouleversé par le silence et
l'immobilité. Je savoure l'instant suspendu comme un délice
d'éternité et de paradis.
Mercredi 14 mars 2012
En
abandonnant l'essentiel, dès que j'ouvre la porte, je suis dans un
labyrinthe. Alors, toutes mes hésitations m'assaillent. Faire un
pas, mais quel pied avancer en premier ! Quelle direction, à droite,
à gauche, tout droit ! Toute énergie m'a abandonné.
Alors
il ne me reste plus qu'à mettre un couvercle sur les idées qui
bouillonnent, avec un poids dessus, très lourd le poids.
Hermétiquement sous contrôle, je suis "un" dans la foule,
si tant est que l'on puisse être "un" dans une foule.
Mais
j'ai les yeux en ordre de bataille, une fournaise en mouvement
doublée d'une caméra de surveillance. J'ai mal de m'exorbiter
ainsi. Ne craignez rien pour vos secrets intimes. Je ne recherche que
votre beauté secrète, celle-là même dont vous ignorez parfois
l'existence. Et je m'en délecte comme d'une œuvre d'art.
Oui,
brinquebalant, ridé, souffreteux ou flambant neuf, vous êtes une
œuvre d'art.
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