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mardi 3 février 2015

MARCEL FAURE - 0191 à 0195 de La danse des jours et des mots


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Vendredi 30 mars 2012

J'ai toujours eu un problème avec ma signature. Elle est comme un signe sur le sable. À la première vague elle s'efface. Jamais tout à fait la même, de plus en plus minimaliste, comme si ma personnalité se diluait dans cette arabesque informe et tremblante, elle se sépare de moi, comme honteuse.

Légèrement oblique, elle hésite entre monter et descendre, aspirée par cette obligation d'être auprès des autres. Alors je chevauche l'espace et n'ai que faire de ces fluctuations identitaires. Je n'ai pas besoin d'elle pour me représenter.

La société tire sur le mors au bas des documents administratifs. Inutiles efforts, je m'emballe et m'enflamme. La bride se casse. Et c'est le choc émerveillé du ciel.




Samedi 31 mars 2012

Lorsque la fatigue t'envahit, pour un rien ton irritation affleure. Un vase que tu ne trouves plus, la paire de ciseaux qui a changé de place, ton chemisier qui pourrait être taché sans que tu puisses le voir, le poivre qui n'est pas sur la table. La liste est loin d'être exhaustive.

- J'y vais ma chérie.

Puis vient le moment où tu me chipotes le temps. Il faut absolument que, toutes affaires cessantes, je fasse à ta place ce que tu ne peux plus faire pour les autres.

- Yan, dis-tu, est obligé d'arrêter son médicament contre le cholestérol parce qu'il prend des crampes, le médecin lui a prescrit du riz rouge. Et si tu allais lui acheter, ce thé que tu prends tous les jours.

- Mais je vais perdre la matinée pour aller à l'autre bout de la ville !

Alors elle s'exaspère et me reproche mes longues séances d'écriture, sans se rendre compte que cette apostrophe m'a rendu sec. Et me voilà à tenir la chandelle d'un dictionnaire en attendant qu'une étincelle jaillisse.




Dimanche 1er avril 2012

La plus grande tentation du poète est de s'essayer à jouer au poète. À contempler les Grands, je ne suis qu'un infirme sur une chaise à roulette. Bel et bien perdu, mais sans appréhension, je divague de livre en livre prisonnier de mes lacunes. Je suis aussi comme un épiphyte à m'accrocher à ce terreau si riche.

Je le sais, ma fleur n'est pas une orchidée, pourtant j'accueille son éclosion en fanfare.

- Vieux Paon sans plume, arrête de faire le beau en te parant de fausse modestie.

Toujours dans mes pattes ce Breton, à faire ses remarques désobligeantes. L'âcre relent de ses mots me poursuit depuis le jour où je me suis trompé sur le titre de l'un de ses bouquins ce "poisson lune" que ma mémoire soluble ne restitue qu'au compte goutte. Toujours pas acheté celui-là.




Lundi 2 avril 2012

Curieuse coïncidence, avoir parlé de poissons un premier avril, alors que je veille à être dans une actualité décalée. Les sonores échos du monde se débrouillent toujours pour pénétrer par effraction. Même l'ermite le plus isolé ne peut s'y soustraire. Ne voit-il pas son île peu à peu submergée par notre consommation effrénée ? Bientôt, il devra trouver refuge sur l'un de ces immenses radeaux de plastique qui dérivent sur les mers.

Job sur son tas d'ordures. Rien n'a vraiment changé, le sage prêche toujours dans le désert. Nous sommes de plus en plus sourds.




Mardi 3 avril 2012

Bonheur abandonné sur les bords de la Loire, une vieille maison se ruine pierre à pierre. Tout en bas, dans son lit mineur, le fleuve. Les boues accumulées, des milliers de tonnes montent par palier jusqu'au bord du chemin. Le barrage de Grangeant vidé, rénovation oblige, découvre les vestiges d'une ancienne voie de chemin de fer, l'une des toutes premières. Les ouvrages d'art ont tenu le choc tunnels, arches de pont mais plus de ballast. Pierres patinées d'un reste de parapet. Sur l'autre rive, le socle d'un bâtiment.

Le Dimanche, une foule dense investit ce sentier artificiel, étonnée de pouvoir marcher "à ciel ouvert" au fond de l'eau.

Le fleuve, sombre et triste creuse, dans le limon noir son désespoir. Disparue la grande effervescence des truites. Les pénitents endimanchés vont et viennent dans l'air déprimé.



auvergne-fleurs-insectes-araignees-Henri Maleysson







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