Le mot du jour

Qui suis-je?


LA VOIX DE L'ÉCHO

POUR LE PLAISIR DE TOUS: AUTEURS, LECTEURS, AUDITEURS...

dimanche 22 mars 2015

JAVA - PROSE OU POÉSIE - QUATRE MAINS CAT & JAVA - 6/6




MISE EN VOIX JAVA











Sixième partie Prose


Madame… Mais vous me faites sourire, Diable, me voilà bien attrapé. Dois-je monter en tribune, Madame, ou même sur un simple tonneau pour vous faire reconnaître comme l’une des nôtres.
Je rêvais, ma douce amie, de vous faire retourner dans vos palais et voilà que vous abandonnez ici vos adjectifs ampoulés ou passés par la censure de je ne sais quel maître en poésie pour prendre du peuple, l’accent des faubourgs.
Je rêvais, je l’avoue de vous faire reconnaitre que c’était bien dans vos salons que l’on se gaussait de nos verbes, ceux-là mêmes que vous revendiquez maintenant.
Oyez, faites le savoir à vos armées, la poésie rimée se met au service de tous.  Le mot au service de l’image et de l’idée, je veux être le témoin  de ces changements. Je ne doute pas Madame de la franchise de vos propos et si vous saviez comme mon cœur se réjouit à vous lire. Mais saurais-je oublier les récitations creuses et vides que des instituteurs aussi formatés que vos poésies rimées m’ont imposées comme symbole d’excellence de la  langue française ?
Madame, le ver est dans le fruit.
Pour des rimes, on fait pour le beau, pas pour l’esprit.
Vous me poussez sur les terres de la culpabilité où je ne vois qu’épines et roches anguleuses, un territoire enlevé aux hommes où souffle un vent mauvais et putride où le ciel n’est fait que de voiles opaques et sales et où sont inscrits au sang leurs pires agissements. Est-ce donc de là madame que je dois vous répondre ? Dois je pousser ma voix jusqu’à vous restée sur les terres de la compréhension ?
Vous raccourcir, Madame ? Vous l’êtes déjà suffisamment dans votre nombre de mots, je ne mettrais point votre perruque et votre tête sur le billot, la poésie n’en possède point. Si je ris, souffrez que je m’offusque également de vos propos. Le bourreau exécute la sentence. La trace de celle-ci, Madame, je ne l’ai pas vue, pas plus les minutes d’un procès. Imaginez-vous que je ferais de ce banc où nous nous entretenons, une salle de justice ? Madame, de nos mots sont sortis l’abolition de l’esclavage et en des temps moins anciens celui de la peine de mort. Oui je sais Victor Hugo, en rimes, avait déjà fait souffler un vent de révolte sur cette dernière, sous son texte « l’échafaud » et je lui rends ici cet hommage…
Jusqu’à il y a peu, Madame,
vos rimes occupaient palais épiscopaux,
maisons de maîtres.
Mais jamais vos poètes de salon
ne s’étaient attardés sur le sinistre couperet.
Mais brisons-la, Madame,
la révolution n’en abolit point,
je le sais,
le sinistre usage.
Mon propos, vous auriez tort de le croire, ne porte pas sur vos origines, appelons un chat un chat, madame, les rimes m’ennuient pour la plupart.
J’ai beau me sermonner,
rien n’y fait,
j’ai beau me pincer,
je m’endors.
Pourtant je l’avoue quelques-unes me rappellent parfois un caramel savoureux et volé ou une maitresse exquise, mais au final la plupart du temps, le goût n’est guère délectable et la caresse est légère. En tous cas mon bonheur est éphémère. C’est me direz-vous ce qui en fait sa caractéristique, mais j’ai besoin de plus de quatre lignes  et de rimes pour me rappeler le goût de la friandise et les courbes de la belle coquine.
Vous avez raison, les poètes de tout temps se sont emparés de vos effets, mais ils ne s’en servaient pour certains, que pour être entendu de leurs maîtres. Pour n’être point traités de « populace », ils s’habillaient alors de rimes pour passer les murs de vos prisons, mais ce n’étaient là qu’habits, Madame, que vos siècles imposaient, ce n’étaient là qu’attributs pour que la parole soit entendue. Débarrassée de ceux-ci, la belle s’est envolée et si on l’emprisonne encore, c’est pour sa liberté car celle-ci a rompu ses chaines quand elle le peut.  
Mais je vous l’avais promis, Madame, si gagné à votre cause ne suis, ne voyez pas en moi un ennemi. Nous avons en quelques phrases choisies, défendu chacune nos positions. Et ne puis que me rendre à l’évidence, si les deux sont faits du mot, c’est la main qui tient la plume qui fait la différence en poésie rimée comme en prose.
Ne voyez pas en moi le glaive implacable, car juste le mot, j’ai du mal à l’écrire.
J’aime la poésie, Madame, n’en doutez point.
J’aime voir le soleil se lever sur la nuque d’une femme,
sur ses cheveux détachés,
m’éblouir des rayons de ce dernier sur sa peau cuivrée,
de leur course jusqu’aux carreaux de la fenêtre de la maison voisine où un chat endormi sur son rebord rêve de la souris sous sa griffe.
J’aime ces petits voyages où les mots m’emmènent, j’aime ces rivages inconnus où ils me laissent, empli de rêves ou de solitudes, de peines ou de gaieté, à chercher dans mon âme leur résonnance qui leur donnera encore plus d’existence et de vacuité. Si ces paysages foulés sont de rimes faites j’y courrais de bruyère en bruyère sans me demander combien j’ai de pieds pour le faire et si c’est en prose je le ferais aussi et s’il le faut j’y ramperais. J’aime bien voler du temps à l’oubli pour respirer encore des parfums interdits, m’enivrer d’absinthe, rouler dans le fossé et pisser contre la jambe d’un réverbère. 

 Vous voir ici pétrifiée, Madame, même sous le chant des oiseaux m’amènerait un chagrin que je ne supporterais jamais… Nous sommes sœurs du verbe, vous voir mourir serait me voir mourir moi-même. Allez, Madame, je vous avais promis un tripot il est à deux pas de là, allons lever nos verres à la santé des poètes et roter sur ceux qui les oppriment.


Tous droits réservés

Dernier volet de ce quatre mains

Prose ou Poésie



Paré de l'une ou l'autre,



Que le printemps soit !








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire