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Mercredi 28 septembre
2011
Mon
corps porte tellement de JE. Pendant que des nuages moutonnent sous
mon lit, je laisse au présent le temps de mûrir. Qui sortira du
chapeau aujourd'hui ? L'optimiste, le pessimiste, l'incandescent ou
ce dormeur absent (1)
que j'affiche le plus
souvent.
Dehors, la ville bougonne et rote. Pourtant, de l'autre côté de la
rue, il y a la mer, enfin, pas tout de suite. Il faut quand même
faire trois ou quatre cents kilomètres pour l'apercevoir. La rue est
étroite, ce qui réduit d'autant la distance pour l'atteindre.
Des hirondelles fleurissent un fil télégraphique. Partir ... et
rester là, pour une tasse de café à boire avec Lloydia. Ailleurs
... sans bouger d'ici, et présent corps et âme avec toi. Je ne suis
qu'une mouche et je tourne inlassablement autour du même pot de miel
qui jamais ne se vide.
(1) Ce dormeur absent est une allusion à Nadja d'André Breton, qui écrit à propos de Robert Desnos " : il "dort", mais il écrit, il parle. ..."
Jeudi 29 septembre 2011
Ce
"JE" qui vient de faire les courses du ménage, je le range
dans un tiroir. Place au butinage. Cette fleur que la brise
déshabille, je la réchauffe de mes yeux. Oscillation permanente du
réel et de l'imaginaire ... Là-bas dans ce pré à flanc de
colline. Matinée givrée d'un début d'automne qui chante la
mélancolie jaune et rouille des premières feuilles en pleine
métamorphose. Mélancolie ou vieillesse flamboyante ?
Bientôt
à son zénith, le soleil bourdonne comme un fou avec quelques
abeilles à la recherche d'un dessert pour l'hiver. Notre ruche à
nous ne s'arrête jamais de piller la terre et, lorsque la terre se
gratte, nous invoquons la fatalité.
Voilà
que le tiroir du "NOUS" déborde. De l'insecte écrasé par
mégarde, comme du couteau de l'assassin je me sens complice. À trop
vouloir me taire, j'ai du sang sur les mains. Est-ce mon souffle ...
est-ce la brise ... qui dénude la rose. Et je m'en vais léger de la
beauté des choses.
Vendredi 30 septembre
2011
Dans
le jardin public de la place Anatole France, cuivre et or les
feuilles d'automne, ... petite monnaie que les arbres prodiguent, ...
jonchent le sol. Plonger ses pas dans ce bruissement si particulier
qui ne ressemble qu'à lui-même. Bientôt la terre digèrera la
parure d'été des arbres.
Cet
avenir d'humus les indiffère. Jouir jusqu'à la fin de la lumière.
Celles qui, encore vertes, s'accrochent, le savent bien. Battues et
rebattues par des vents irascibles, privées de chlorophylle comme de
sève, elles résistent pour l'ultime beauté soufrée qui les
emportera.
Les enfants sont à l'école. Un pigeon solitaire se désole de
l'absence de miettes. Et je suis là, indélicat, à marcher sur ce
tapis sublime, rien que pour le plaisir d'entendre le bruit de mes
pas.
J'entends comme un murmure qui m'appelle. J'aimerais m'allonger sur
ce matelas qui craque et se froisse. Qui me verrait ? La rue est si
loin et les gens si pressés ... j'hésite ... Je n'ose pas. Je pose
bêtement mes fesses sur un banc et, maigre consolation, j'écris
quelques mots qui sentent la saison.
Samedi 1er
octobre 2011
Si
je tiens la distance, cela serait peut-être amusant de casser
l'ordre chronologique du journal pour, par exemple regrouper ensemble
tous les samedis d'un même mois. Un kaléidoscope primesautier aux
couleurs ruisselantes qui ferait dire de moi : il a un petit vélo.
Et je pourrais écrire, comme Christian Bobin, un certain Mardi 1er
octobre, "Toutes les vies me semblent plus réelles que la
mienne."
C'était en 1996 ce mardi-là. Je travaillais encore. Ma vie entre
parenthèses et quelques instants volés sur le coin d'un bureau.
Un bourdon vibre contre la vitre de ma fenêtre. Je le libère.
Dimanche 2 octobre 2011
Vous
êtes invités chez nous. Gentiment vous offrez à Lloydia un bouquet
de fleurs. Grave erreur. Immédiatement elle disparaît dans la
cuisine, farfouille dans ses vases pour trouver le plus adapté,
étale le bouquet sur la table et le refait tranquillement. Pendant
ce temps, je rame pour entretenir la conversation et vous fais
remarquer sournoisement qu'elle ne vous a toujours pas dit merci.
J'occupe le terrain en servant l'apéritif. La voici enfin,
triomphante.
—
Merci, merci, mille fois merci, il
est superbe votre bouquet ... fallait pas ...
C'est
vrai qu'elles sont magnifiques vos fleurs, toutes fraîches cueillies
de votre jardin. Elles embaument déjà le salon, mais je ne sais
plus où mettre les bouteilles d'apéros. J'avais réussi à capter
votre attention. Maintenant il n'y en a plus que pour elles, pour
elle. Je suis jaloux.
La
prochaine fois, venez avec des gâteaux. Lloydia comprendra très
vite pourquoi je ne grignote pas quelques amandes avec vous. Votre
gâteau, vous n'aurez pas l'occasion d'y goûter. Mangé avant
d'arriver sur la table.
Ah,
il est au citron ! Je déteste.
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