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mardi 6 mai 2014

Marcel Faure - 0046 à 0050 de La danse des jours et des mots


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Lundi 7 novembre 2011 

Perdu dans le grouillement des corps qui se bousculent, parfois j'ai soif d'arriver à la surface du monde. Ermite inondé du vacarme incessant, j'ai peine à me concentrer. Je cherche une impossible idéologie de la perfection, celle qui ne délivre pas de diplôme et que je pourrais opposer à celle du confort de l'objet.
Je voudrais être cette racine courageuse qui attaque la muraille de pierre pour y installer un brouillon de vie.
Ne rien entendre ... s'acharner à être ... plus humble qu'un lichen et pourtant tout aussi résistant. Alors, j'écris. Avec obstination, avec acharnement, j'écris, peut-être comme un pied, mais avec la joie de me surprendre et la possibilité infinie de me reprendre sans cesse pour me mettre à jour avec moi-même.
Je suis désassemblé et m'assemble sans cesse pour me tenir debout.



Mardi 8 novembre 2011 

Chuchotements ... la nuit ... les secrets ... des nouvelles rien que pour toi ... dans ton oreille ... Bouffées d'amour, de désirs. Ta respiration.
Dans ton sommeil, surprendre tes soupirs. Ta main qui me cherche. Est-ce bien de moi dont tu rêves ? L'odeur des pins qu'exhale un brûle-parfums sur la table de nuit.
Nos dépouilles de civilisés posées sur une chaise, disposées en ordre de bataille pour nous enfiler dès le réveil. Quelque part, une horloge fait son travail. Je débaucherais bien quelques heures pour mon usage personnel. Pour en faire quoi ?
Parcourir des chambres glacées, réchauffer un lit d'une bouillotte, tenir une main qui tremble, en poser une autre sur un front en sueur, tirer une couverture, soulager, soutenir, agripper, réconforter, déposer sur chaque oreiller un baiser, pour qu'il soit plus doux, allumer le chauffage central sous les portes cochères, retenir le couteau de l'assassin. C'est la nuit. Tout est possible. L'ombre dissimule le bien et le mal et les mots que je jette, voudraient faire pencher la balance.
Quelques heures pour croire vraiment que tout est possible. Au bord du précipice, le moindre brin d'herbe où se retenir, peut nous sauver.



Mercredi 9 novembre 2011 

Spirale enchevêtrée des dernières feuilles dans le vent. Ciel pâle, grisonné de nuages. Claquement sec d'un volet mal arrimé. Lumière douce et filtrée du soleil. S'effacer sur la pointe des pieds. Ne pas rompre cette quiétude tourbillonnante.
Passe un autobus vide. Repasse dans l'autre sens, toujours vide. Avec tous ces kilomètres avalés, le chauffeur pourrait faire plusieurs fois le tour de la terre. À quoi pense-t-il, seul, rivé à son siège, dans ce bus qui tourne tristement comme un manège sans enfants.
Une femme court de l'autre côté de la rue. Elle lève le bras pour intercepter le chauffeur. Sur cette ligne, les bus se comportent souvent comme des taxis en maraude. Ils s'arrêtent à la demande. Je l'ai expérimenté bien des fois. Ce n'est pourtant pas la règle.
Le chauffeur et la femme se sourient, heureux de l'autre. Un sourire ... le meilleur des passeports. Une façon de dessécher les rides. Quelques mots ... l'automne, les inondations dans le Var. Pas le temps de développer, Elle descend au prochain arrêt. Chuintement des portes. À demain.



Jeudi 10 novembre 2011 

Les objets, les paysages, je ne sais pas les décrire. Les nuages par exemple, leurs couleurs, leurs formes. Grossièrement oui, mais dans le détail ... et je ne sais même pas les reconnaître quand ils passent dans le ciel. Oui, bien sûr, cumulus, stratus, cirrus, nimbus et tous leurs composés, cumulo-nimbus et toutes ces nuées plus ou moins bien définies qui regorgent dans la nomenclature météorologique, seulement des noms. Ah si j'étais un Stradivarius, quelle belle interprétation divine je pourrais donner, de cette masse toute en légèreté, mais nébuleuse et fuyante.
Grandiose beauté que toute cette eau en suspension, cette menace, cet espoir, ce trouble indéfini, cette confusion inexprimée d'où surgit, comme un fou, un dieu en furie tempêtant à tous les diables. Nuage qui obscurcit nos vies, ce coup que le ciel nous porte et qui parfois nous emporte.
Allez, je m'embarque sur mon cliché de petit nuage, cet autobus pour mon coin de ciel bleu. Au fait, bleu, le ciel ? La transparence de l'air une trompeuse apparence ? Comment dire ce bleu si particulier qui n'arrête pas le regard !
Soudain tu as peur. Je le vois à ce nuage dans tes yeux. Vite, je l'efface d'un sourire. J'étais trop loin de toi, tout là-haut, à divaguer entre le gris et le bleu. Alors je m'arrime à cette éclaircie qui vient de s'ouvrir.



Vendredi 11 novembre 2011 

— Alors mon vieux, comment ça va ?
La mesquine dérobade de la jeunesse ... Qui se souvient du jour où elle a fait défaut ! Très tôt déjà les enfants disent " Mes vieux " et quand ils commencent à vous appeler Papa ou Maman, avec cette tendresse nostalgique dans leur regard, ça sent le sapin.
Et je ne suis pas votre vieux d'abord ! Mon âge n'autorise pas, non plus, cette tape familière sur mon épaule. Je n'ai jamais été jeune, le saviez-vous ? Alors, cette disparition annoncée ou effective depuis longtemps, m'importe peu. Je viens de nulle part. C'est pour cela que toujours, ici, je serai neuf.

— Alors ne fais pas chier, gamin, je vais bien mieux que toi. Tu tiens la muleta, mais c'est toujours moi qui plante les banderilles.




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