MISE EN VOIX MARCEL FAURE
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Mercredi 7 décembre 2011
Toute colère est salutaire quand son but ultime est de comprendre la
vie, mais, à mon sens, ce qui est plus productif, c'est de vivre
jusqu'à l'ultime seconde comme si tout était encore possible.
Accomplir chaque pas comme si c'était le premier.
Ne te retourne pas, je veille sur tes arrières, je suis ton ombre,
tes ailes, ta poussée gravitationnelle, la matrice de tes rêves à
venir. Ce petit grésillement dans ton cerveau, oui c'est moi, je me
connecte à des possibles que tu ignores encore.
Incurable maladie ? Allons donc ! Cette incurable force, cette
incurable joie, cette incurable aptitude au bonheur, c'est sur elle
qu'il faut compter pour gagner. Et si dieu existe, qu'il prenne donc
une leçon, s'il veut qu'un jour je lui rende sa majuscule.
Ah,
j'ai peut-être les genoux à terre, mais la terre est une partie de
moi. Tout ce grouillement, cette vigueur, cette capacité à
rebondir. C'est l'espoir qui me régénère. Je m'appelle Chris,
Stéphane ou Lloydia, je suis vivant et je vous aime.
Jeudi 8 décembre 2011
Ma
nébuleuse fébrile, ma surface immergée, ma lecture intérieure,
mon chant inachevé, ma passagère magnifique, mon silence
tintinnabulant, mon aurore éblouissante, mon expression primaire, ce
mot à peine esquissé.
Demain,
ce flot qui te suivra, simple, tranquille, assuré, se moquant des
éclaboussures. Aujourd'hui je fais une pause à regarder l'hiver qui
se dérobe et le peuplier immobile dans sa volonté de conserver
encore quelques feuilles.
Vendredi 9 décembre 2011
Mal
dormi cette nuit, des mots me ravageaient la tête, pourtant
c'étaient des mots gentils, mais ils restaient éveillés et moi
aussi. Je n'arrivais pas à les ordonner. Lac, lait, lame, lampe,
lance lacet, laiterie. Pourtant simple. Soulignez les mots qui ne
sont pas entre lait et lance avait dit la maîtresse de Nadège. Oui,
d'accord, la logique de l'alphabet.
Dans
la phrase d'à côté, il y avait aussi le mot piolet qui traînait
entre pic et pin. Ce piolet te sera bien utile ma petite Nadège pour
gravir cette montagne de notre langue qui n'est encore pour toi que
du patois. Et cours apprendre ta récitation ... la chèvre de
Monsieur Seguin est encore attachée ... mais la suite ... Comme toi
elle voudra sa liberté. Ne te fais pas manger petite biquette, les
mots pour te défendre sont là, tout chaud, dans la grande bergerie
de tes livres.
Samedi 10 décembre 2011
J'ai
poussé la porte du Laboratoire central de Max Jacob. Sur la
paillasse du labo, j'ai beau décortiquer les poèmes et les mots, je
n'arrive pas à pénétrer dans son univers. Quelque chose m'attire
comme ce " On
cueillait des poissons à la cime des branches " ou
encore " Les
jurements aux dieux s'échauffaient de patois ",
mais je ne suis pas cueilli par l'ensemble.
L'enseigne
de ces "syndicats de
rescapés" qu'il
exhorte aux vertus, ne m'embarque nulle part. Repeindre son âme en
blanc, certes, et après.
Je
ressens pourtant la sensibilité de cette écriture, son aspect un
peu mystique, sa musicalité produite par les mots toqués l'un
contre l'autre, c'est la focale de mon regard que je n'arrive pas à
régler. Excusez-moi, Max, je vous glisse sous la pile d'attente.
Combien de fois ai-je ainsi abandonné un ouvrage, repris, reposé,
pour enfin le dévorer plus tard avec avidité.
À bientôt Monsieur Jacob.
Dimanche 11 décembre
2011
Alligator,
caïman, crocodile, tous équipés d'une mâchoire puissante avec de
grandes dents. Camélya vient de rouvrir la boite à mot. "J'aime
bien la poésie" dit-elle, savait-elle combien elle me ferait
plaisir en parlant ainsi.
Ding
dong, maman s'inquiète "Ah tu es ici"; et s'engouffrent
par la porte ouverte Mélina et Nadège. Camélya avait pris le
prétexte d'un devoir, pour rappliquer avec sa feuille préremplie et
sa trousse. Maman n'avait pas eu le temps de dire oui. Sans bruit,
elle avait refermé sa porte et traversé le palier, toute seule,
comme une grande.
Plus
petit que, plus grand que ...
Plus grande Camélya, plus grande avec ta nouvelle assurance à
traverser ce palier sans autorisation, entre on va leur tordre le cou
à ces maths.
Pas
trop envie, mon appliquée qui aime la poésie. Vite mesurons ces
segments. Plus petit que, plus grand que. Après ...
Nadège dessine des drapeaux, recherche le pays sur une carte, Mélina
tournicote, ouvre un vieil album, une histoire de caméléon, regarde
dans la poêle les râpées en train de cuire.
Après André Laude et son Animalphabet :
Alligator vert alligator
Je te le jure tu as tort
De
lire le journal sans lunettes
...
Nadège
soudain attentive, Mélina froufroutant je ne sais où et la voilà
qui rapplique et donne la réplique à une saynète
que Nadège avait
apprise. Mélina qui, mine de rien, entend tout et retient.
Vous avez envie de goûter les râpées ? Elles sont cuites.
Plus tard dans la soirée "j'te dis tu prends," nous avons
eu droit à une assiette légumes et viande. Surtout ne pas se sentir
redevable. Je prends.
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